| just an illusion

Pourquoi ne pas avoir posé plus de questions pour te faire ta propre idée ? Tu as si peu d'intelligence que ça que tu préfères écouter ce qu'on dit plutôt que me demander directement ? Je pensais que tu étais du genre à te faire ta propre idée, fait-elle en fouettant l'air de sa queue blanche. Elle ne le lâche pas du regard. L'image que j'ai de toi, c'est suite à ce que tu m'as fait à moi. À l'inverse, ton image sur moi n'est pas aussi acérée. Je ne t'ai rien fait. Rien à lui, directement. L'accuser d'avoir enlevé le territoire à sa famille ? Ils étaient tellement, à se battre pour cette idée. L'accuser juste elle ? Tient-il à punir tous les révolutionnaires qui ont participé à la rébellion ? C'est stupide, et ça ne tient pas debout. Elle s'avance d'un pas, son poitrail frôle le sien et elle réprime une grimace. Elle garde pour elle le dégoût que lui inspire son simple contact, allant pourtant le chercher. Et pour l'enfant de ton frère... Si j'avais pu le lui laisser, je l'aurais fait et je serai partie seule. Mais tu préfères croire que mon unique but était de le lui enlever pour le faire souffrir. C'est si facile, Asmund, de juger de la sorte. C'est là qu'elle voit bien qu'il est beaucoup plus jeune qu'elle. Malgré son caractère enflammé, jamais elle ne porterait un jugement aussi décisif quand elle ignore autant de détails d'une histoire. Au fond, elle s'était trompée. Il ne sait rien d'elle, malgré son petit jeu de comédie.

Elle l'écoute, avec bien plus de patience que ce qu'elle escomptait à la base. Pourtant, elle reste stoïque, ne démontrant aucune émotion. À son tour, de parler. Tu as raison sur certains points. Tout dépend du point de vue, Asmund. Elle se recule d'un pas. Sa colère s'est tapie, pour l'instant, mais elle est toujours là. Elle sera toujours là. Si je n'ai pas été voir Hooker, c'est parce que j'avais peur qu'il cherche à me retenir. Si je lui avais dit que j'avais besoin de partir un moment, il m'aurait retenue ici, à juste cause sûrement. Et si tu n'as jamais ressenti ce besoin opprimant que de devoir t'éloigner, alors soit, je ne peux pas te juger. Mais tu ne peux pas le faire toi non plus. Elle fait quelques pas, se place de côté, son flanc frôlant le sien. Elle regarde au loin, et sa voix se fait vibrante. Je n'ai jamais dénigrée ta mère. Je l'ai toujours respectée. J'admirais Isildure, peu importe ce que tu peux croire. La chute des dominants ne la ciblait pas, ni aucun autre. Ce n'était que pour abolir ce fonctionnement, mais là encore, si tu ne comprends pas ce point de vue, alors je ne peux pas te juger, mais toi non plus. En vérité, elle aurait bien voulu avoir une mère comme Isildure. Elle aurait bien voulu avoir une mère tout court. Tu parles, mais tu ne sais pas, Asmund. Alors pose d'abord les questions avant d'affirmer ce que tu déduis simplement. Tu penses que je n'ai jamais cherché l'enfant de ton frère ? Que je n'ai jamais essayé de le retrouver ? Tu crois qu'il est revenu vers moi comme par magie ? Elle tourne la tête vers lui, leurs visages sont proches, ses yeux plongent dans les siens comme des sous-marins. Mais il n'y a rien dans les eaux de son regard qu'elle ne veuille chercher. Elle n'a plus l'espoir d'y trouver quoi que ce soit, bien qu'elle préfère cet échange-là à celui, juste haineux, qu'elle s'était imaginée. Au moins, en comparaison avec Hooker, lui est ouvert à la discussion, et elle aussi. Donc, pour répondre à ta question, oui. Je comprends maintenant ce qu'est de perdre un enfant qu'on aurait aimé connaître. Jusqu'où ira ta punition ? Tu vas contraindre longtemps à ta fille de ne pas pouvoir faire de choix ? Ses iris sont toujours au fond des siens. Aimantés, aimantant. Lorsque X est revenu, je suis directement allé voir ton frère. Pour lui dire, lui annoncer. Je lui aurais donné tout ce que j'avais sur lui : son apparence, son nom, où le trouver au mieux. Mais il n'a rien voulu savoir. Il m'a rejetée en pensant que je lui mentais. Lui non plus ne m'a jamais demandé pourquoi j'étais partie. Contrairement à ce que tu penses et à ce qu'il pense, je n'ai pas fait ça dans le but de détruire sa vie. De le priver de son enfant. Sa.. sa conception déjà a été si rapide, et je sais que ça n'est pas une excuse. Je sais que seuls les faits comptent, Asmund, pour toi. Mais puisque tu parles de point de vue, alors je t'explique aussi le mien. Tu me considères comme un monstre pour avoir eu peur et pour être partie comme une fugitive en portant l'enfant de ton frère. Mais ton acte et ta préméditation font de toi quelque chose de bien plus cruel encore. Pourtant, je suis là, à te répondre, à te parler. Elle incline la tête, lâchant un soupir. Ne penses-tu pas que la punition est assez élevée ? J'ai compris. Compris ce que cela fait de tout perdre. Perdre une confiance, des confidences. Perdre un enfant, un groupe. Tu m'as tout donné pour tout me reprendre. Tu m'as fait subir bien plus que ce que j'ai, involontairement en plus, fait subir à Hooker. Où veux-tu aller, maintenant, pour me piétiner plus encore ? Elle non plus n'attend ni pitié ni rien d'autre. Sûrement pas de la compassion, d'ailleurs. Sa question est sincère, les faits sont exposés et réels. Elle a fauté, il l'a punie.
Et maintenant ?

Elle repense brièvement à leur histoire. À leurs moments. Il y a des choses qui ne se miment pas. Des regards, des frissons, des intonations qu'on ne peut pas inventer, cacher. Certaines choses nous empêchent de tricher. Pourtant, elle ne dit rien. Il niera de toute façon. Elle l'écoute, une nouvelle fois. Elle est étonnée. Asmund diffère de son frère, en fin de compte. Plus cruel mais plus réfléchi aussi. Elle reste un long moment silencieuse, on croirait qu'elle ne répondra pas, quand enfin, elle lâche : Je ne lui ferai jamais de mal. Tu pourras être là la plupart du temps, si tu le souhaites. Je ne... Un maux la prend à la gorge, les mots cessent. Elle détourne le regard, gênée par cette soudaine émotion qu'elle aurait voulu garder pour elle. Et surtout, surtout ne pas la montrer à l'assassin de ses espoirs, de son futur. Tu sais, je ne sais pas comment on aime un enfant. Mais je l'aime sans la connaître. Jamais je ne laisserai personne lui faire quoi que ce soit. Celui qui la touche sera mort avant d'avoir pu y réfléchir. Elle ne s'attendait pas à ce retournement de situation, à ce qu'il abdique, à ce qu'il reconnaisse sa vengeance suffisante. Elle tourne son regard vers lui, tentant de cacher ce qu'elle a rapporté des flammes de leur histoire, ce qu'elle garde pour elle, ce qui la rend faible.

Elle le fixe droit dans les yeux. Si l'un des membres éloignés de sa famille me cause du tort, Asmund, je ne vais pas me retenir juste parce qu'elle a un lien imprécis avec. Tant que tu garderas ta famille en muselière et qu'elle ne m'approche pas, alors soit. Je ne donnerai jamais le premier coup, mais je serai obligée de rendre si ce n'est pas le cas. C'est normal, non ? Question de pure défense. Sa dernière phrase a soulevé un doute chez elle mais elle ne dit rien. Serait-il prêt à tuer sa propre fille si Lov vient à rompre ce « contrat » flou ?

La lionne hoche simplement la tête. Elle aurait aimé avoir plus de temps avec lui. Pour quoi faire, au fond ? Ne lui reste-t-il pas que cette envie de le tuer ? À croire que non. Il y a des choses qui mettent plus de temps à disparaître. Malgré l'humiliation, elle l'a aimé si fort. Elle reste stoïque, préférant le regarder partir sans bouger. J'y serai.

Elle le regarde s'en aller sans même un regard pour elle et quelque part, ça lui fait mal. Ça lui fera toujours mal, peut-être. Elle l'a aimée comme elle n'avait jamais osé aimer. Même Hooker, il ne s'agissait pas du même amour, de la même confiance. Elle n'a jamais raconté à Hooker tout ce qu'elle lui a confié, à lui. De même, il ne l'a jamais rassurée comme Asmund avait su le faire. Et dire que ça n'était qu'une comédie.. De nouveau, la colère la reprend. Elle la tacle, comme une prise de karaté. Elle se sent à terre, affaiblie, vulnérable. Pourtant, elle est restée droite et fière. Elle aimerait simplement le détester, c'est ce qu'on attend d'elle après ce qu'il s'est passé, non ? Alors pourquoi aimerait-elle autant le tuer qu'il revienne vers elle ? Elle n'a jamais su faire ce qu'on attendait d'elle, n'a jamais su respecter les grandes lignes de la morale. Elle n'a jamais été droite ni prévisible. N'a jamais emprunté les chemins de la normalité, des réactions prévisibles et « normales ». Elle s'apprête à faire demi-tour quand il s'arrête. Curieuse, le coeur battant sans pouvoir réellement s'en empêcher, elle le fixe. Ses mots se répètent dans son crâne malmené par ses émotions contradictoires. Me crois-tu si je te dis que je t'aime ? Il se retourne et lui accorde un signe de tête. Elle fait de même, par mimétisme et fait volte-face, prenant le galop pour descendre le flanc de la montagne avec aisance malgré la pente. Il lui faut partir maintenant. Sinon, elle risquerait de faire une connerie.