♛ Une braise sous la cendre.

Une lueur de malice danse dans son regard clair, l'espace d'un instant.
- C'est vrai que j'aurai peut-être dû te laisser faire et admirer le sublime paysage qui définit un mâle au boulot, lâche-t-elle du tac-o-tac, joueuse.
Ancolie ne s'était jamais réellement demandé si elle pourrait aimer de nouveau, après Sueño. La relation qu'elle avait entretenu avec l'isabelle avait fini par refermer la porte de son cœur et détruire ses derniers espoirs d'amour avec le grand A. Et désormais, elle doutait de la possibilité que quelqu'un puisse de nouveau ouvrir cette fameuse porte.

Un nouveau sourire illumine son visage. Ses mots lui font plaisir et l'apaise. Se sentir appréciée et courtisée, même après que les années soient passées c'est une merveilleuse sensation. Ancolie n'avait plus rien d'une jeunette, bien qu'elle n'ait rien d'une vieille non plus. Simplement, elle ne se sentait plus aussi jolie que Bailey ou bien même aussi utile et charismatique que Phoenix. Que lui restait-il de plus que sa qualité de mère, s'il n'était pas déjà trop tard ?
- Parce qu'il y a un "si" ? Tu ne sais pas encore si tu veux m'oublier ou pas ?  Réplique-t-elle, joueuse.
Ça te fais encore mal, qu'il ait pu t'effacer de sa mémoire, n'est-ce pas ? Crache la petite voix, appuyant sur la corde sensible.

Ancolie sent son cœur se serrer. La taquinerie l'entraîne sur un chemin périlleux.
- On m'a déjà trop souvent oubliée, confie-t-elle au pie grullo à voix basse.
Sa peur de l'abandon venait aussi de là. On profitait toujours d'elle avant de l'oublier. Comme si elle n'était qu'un vulgaire produit avec une fichue date d'expiration.

Beaucoup de conquêtes. Rien que cette phrase aurait dû suffire à lui faire faire un bond de trois mètres en arrière. Pourtant, elle est restée immobile, le regard encré sur son corps si finement sculpté. Est-ce qu'à travers ses mots, il voulait lui dire qu'elle était une conquête de plus à ses yeux ? Une conquête qu'il respecterait et tâcherait de ne pas oublier, soit disant. Ancolie peine à croire en ses jolies paroles. On lui a toujours menti et elle n'est pas certaine de pouvoir de nouveau faire confiance aux autres. Faut dire qu'elle est tellement facile à manipuler...
- Tu ne crois pas en l'amour ? Finit-elle par demander.

- Je pensais l'avoir trouvé, répond la dorée avec tristesse.
Seulement, ce n'était pas aussi simple. Le conte de fée s'avérait ne pas en être un et ça, elle l'avait comprit lorsque le prince charmant s'était transformé en horrible dragon. Les contes ne sont pas si jolis, dans la réalité. Ils ont plutôt des airs d'histoires à la frères Grimm.
Et si sa tête s'était fait une raison, son cœur lui, se sentait toujours prisonnier de cet amour impossible.

La dorée s'installe à ses côtés. Elle prend une grande inspiration. Ça risquait d'être difficile, mais bon, en parler l'aidait à guérir. Enfin, elle l'espérait.
- Pendant quelques temps, j'ai été la compagne d'un étalon qui s'appelle Sueño. Durant les premiers mois, rien à dire, tout était parfait. On a eu une fille. J'étais folle de lui, j'aurai pu donner ma vie pour lui. Je me suis rendue compte quelques mois plus tard que ce n'était pas vraiment réciproque. Pour commencer, il était fou amoureux d'une autre jument, Bailey. J'avais l'impression d'être trompée, à chaque fois que j'apprenais une nouvelle chose sur elle et lui. Sur eux. Je n'étais qu'une couverture, un pion sur l'échiquier. J'ai été patiente, je lui ai pardonné. Jusqu'à la goutte de trop. J'ai mis fin à notre relation. Et à peine quelques jours plus tard, j'apprenais qu'il s'était envoyé en l'air avec une dénommée Fiona. Je n'ai pas pu supporter cette nouvelle, du coup je suis partie. Je me suis enfuie. Voilà, maintenant tu sais tout sur ma première histoire d'amour, explique-t-elle avec patience. Et en vrai, lui raconter toute l'histoire en détail la soulage énormément.

Elle lui adresse un faible sourire, touchée par la compassion dont il fait preuve. Même si, évidemment, le fait qu'il soit désolé ne changeait pas le passé.
- Oui, elle s'appelle Absinthe. Peut-être que tu la croiseras, un de ces jours, répond la dorée. Non, je ne l'ai pas encore revue. Je redoute un peu ce moment à vrai dire, continue-t-elle, honteuse.
Quelle mère digne de ce nom abandonne son enfant ? Elle se détestait pour ça.