\ ice scream.

\ ORION

L'ombre blanche trace un sillon fulgurant sur le décor noir. Comète lâchée en liberté, il se lance en plein galop sur ce sable si sombre, qui l'amuse. Le détend. Comme s'il était fait pour être un intrus dans le tableau.

Lancé à pleine allure, il ne perçoit qu'un point rougeâtre au loin, droit devant lui, mais encore à des dizaines de foulées géantes comme il les fait à cet instant. Un danseur perdu sur un continent noir.

Orion le rejoint en de grandes foulées, qu'il ralentit peu à peu, adoptant une allure rassemblée. Une vague blanchâtre, qui vient finalement s'arrêter sur la rive près de l'inconnu à la robe de feu. Il l'étudie en le fixant de son regard trop clair, ses iris presque translucides détaillant l'être face à lui et pour tout salut, hoche la tête.

Ravi de tomber face à quelqu'un qui ne semble pas dérangé ou agressé par son silence constant, Orion penche lui aussi la tête sur le côté. Il analyse brièvement l'inconnu, il doit être un peu plus jeune que lui - donc, en somme, très jeune lui aussi. Bizarre qu'il ne l'est pas rencontré avant, quand ils étaient tous enfants, quand il a débarqué ici comme un étranger, un poulain solitaire et absent. En même temps, il n'est pas surpris de ne pas le connaître encore ; il est si peu sociable, selon les autres. Selon lui, la solitude n'est pas un gage de sociabilité, seulement un besoin qui s'exprime différemment chez les uns et chez les autres. Orion, se présente-t-il alors simplement, de sa voix claire qui contraste avec son aspect si froid.

Mais pour Orion, un tel comportement n'est pas un défaut, bien au contraire. Son cerveau tourne à plein régime alors qu'il observe le jeune, intéressé et curieux il faut l'avouer. Il note son nom pour ne pas l'oublier ; mais Orion n'oublie rien. Son cerveau, programmé comme celui d'une machine, révèle une informatique rodée depuis sa naissance. Enchanté. Son timbre est neutre, son visage impassible, mais il hoche la tête, comme pour appuyer la sincérité de ses paroles.

Orion observe cet air distrait sur le visage du rouquin, sans rien commenter pourtant. Les émotions appartiennent à chacun, et il n'est pas concerné directement par celle-ci. Il hoche simplement la tête, et se place aux côtés de l'alezan pour commencer à marcher, ses longues jambes fines dévorant le sable sous leurs sabots. Tu es né ici ? Par "ici", il veut dire parmi eux.

Non. Réponse simple à laquelle Orion ne donne aucun détail complémentaire, sûrement parce qu'il aime peu parler. Si lui n'observe pas le paysage, il détaille l'autre jeune, notant son air rêveur et admiratif. Lui n'apprend que des autres, de leurs émotions, de ce qu'ils laissent paraître et, surtout, de ce qu'ils veulent cacher mais qu'Orion, au bout de longs mois de pratique, sait déceler.

Non plus. Réponse peut-être brève mais efficace. Orion ne montre aucune peine ni gêne à l'avouer. Sa mère, il ne l'a jamais connue, accusé depuis toujours de l'avoir tuée à la naissance. Son père était plus un mentor qu'un père véritable. Il l'a formé, formaté, pour finalement lui donner un ultime test : s'intégrer à un troupeau entier. Celui-ci. Il ne l'a jamais revu depuis. Et comme il n'avait développé aucun lien affectif avec, il n'a jamais manqué à Orion. Et toi ? demande-t-il, par politesse.