Is your cup half full or empty ( O )

Sa voix résonna dans ses oreilles, confirmant sa présence qu'il avait su détecter avec son odorat et son ouïe. Il s'arrêta, de dos à elle. C'était si difficile, il n'avait pas envie de se retourner et de voir son visage démoli. Ni qu'elle voit le sien. Il ne s'était pas vraiment préparé à lui annoncer ça, il n'avait pas de phrase en tête. Au fond, sûrement savait-il qu'elle se doutait de son verdict. Elle était si intelligente qu'elle devait le savoir. Elle était si intelligente, oui. Si jolie, si merveilleuse... Il ne la méritait pas vraiment, en fait. Harfang. souffla-t-il. Puis, finalement, il se retourne pour se placer face à elle, les yeux baissés. Il n'osait pas affronter son regard.

Il était dos à elle. Voulait-il rester comme cela ? Lui dire que c'était fini sans la regarder ? Avait-il peur de sa propre décision ? Elle, elle le regardait, elle voulait le voir de ses yeux une dernière à travers les yeux de sa compagne. Ce n'était qu'une rupture, mais comment dire adieu à un fantasme de toujours, à un objet inatteignable qu'elle n'avait fait qu'effleurer. Il l'avait toujours méritée, toujours, c'était elle qui n'avait pas été à la hauteur. Elle inclina la tête sur le côté quand il prononça son nom. C'est étrange de voir comme tout est amplifié par l'issue fatale de cette entrevue. Il finit par se tourner vers elle sans la regarder, les yeux rivés au sol. Lève les yeux, la seule qui pourrait les baissers aujourd'hui, c'est moi. Sa voix était douce, elle ne reconnaissait jamais ses erreurs, elle était bien trop fière pour le faire, elle avait fait une exception aujourd'hui. Elle avait envie de pleurer, mais elle s'en empêchait, elle s'était promis de ne pas pleurer devant lui, sûrement que cela devait lui faire du mal à lui aussi.

S'il avait peur de sa propre décision ? Bien entendu. Ça lui déchirait le coeur de devoir mettre fin à la relation qu'il avait désirée depuis si longtemps, pour une connerie qu'elle avait fait et dont il n'était pas capable de pardonner. Mais ce serait un mensonge de dire qu'il ne l'aimait plus. Il aurait aimé que les choses soient différentes. Mais il était trop tard. À sa demande, il releva un regard humide vers le sien, démoli. Il resta silencieux, à la contempler d'un regard désolé et peiné, sans savoir comment formuler. Avait-il vraiment envie de le faire ? Non, vraiment pas. Mais elle voulait sa liberté, visiblement. Sa bouche s'entrouvrit légèrement. Mais, sans crier gare, il céda à une pulsion qui le dérangeait et sa bouche vint à la rencontre de la sienne, avec douceur et tendresse. Ce baiser n'avait cependant rien d'une promesse. C'était un baiser d'adieu. Oh, qu'es-tu devenu, Onyx ?

La grise l'aimait toujours, mais elle aurait dut y penser avant. Les choses auraient pu être différentes, mais on ne peut pas changer le passé. Il finit par lever les yeux, la désolation et la peine se lisaient sans mal dans ses iris. Elle voulait l'aider à formuler ses mots, mais aucun son ne sortit de sa bouche seulement entrouverte. Onyx se prépara à parler elle le voyait, mais il vint plaquer ses lèvres contre celles de la rapace. Surprise, elle resta figée un instant avant de lui rendre ce baiser tendrement. Ce baiser mélancolique, était un au revoir à tout ce qu'il avait pu représenter pour elle. Elle acceptait que leur relation ne reste qu'un fantasme de toujours, un doux souvenir. Elle se détacha doucement de lui et souffla quelques mots. Je serais toujours là. C'était vrai, elle serais toujours à ses côtés pour le soutenir, même sans être sa compagne.

Tout un tas de trucs faisaient que leurs chemins se séparaient, que leur amour restait là où il avait commencé. Ils n'étaient peut-être pas destiné à rester un couple éternel, mais ils faisaient tous les deux partis de cette grande famille qu'était la Tribu. Leurs lèvres se détachèrent lentement et il rouvrit ses yeux peinés sur elle. Moi aussi. lui promit-il. Plus de la même façon, certes, mais tout de même. Il lui offrit un sourire triste. Décidément, il n'aurait pas besoin de mots pour qu'elle comprenne que c'était fini. Ça le soulageait, en un sens, de ne pas avoir à dire ce qu'il n'avait pas envie de dire. Et maintenant, ils allaient tous les deux pouvoirs tourner la page.

À croire que leur chemins ne faisait que se lier pour se délier par la suite, triste conclusion que faisait la grise. Ces mots qu'ils n'auraient pas besoin de prononcer venaient, en silence, de mettre à nouveau sous clefs les sentiments d'Harfang pour Onyx. C'était une flamme qui ne s'éteindrait jamais entièrement, une partie de son cœur lui appartiendrait toujours. Pourtant, cet accord inaudible les faisait avancer l'un à côté de l'autre, mais en empruntant des chemins différents. Cette pensée teinta de tristesse les yeux et le maigre sourire des lèvres de la rapace.

Il n'y avait plus grand chose à dire. Deux âmes se séparaient si tôt alors que leur histoire ne faisait que commencer. Un parcours semé d'embûches, d'obstacles que l'un deux n'avait pas su surmonter, trop jaloux, trop brisé. Peut-être serait-ce le temps qu'il se mette à se réparer, plutôt que de continuer à jouer les durs. Peut-être qu'il faudrait qu'il se renferme sur son île, histoire de se retrouver. Hélas, ça devait encore attendre, le moment n'était pas venu de se concentrer entièrement et uniquement sur sa Tribu. Il avait encore des choses à régler et un coeur à apprivoiser.
Onyx soupira doucement, lui aussi bien triste par la tournure des événements. Mais c'était ainsi, il ne voulait pas non plus revenir sur sa décision. Il ne voulait pas être celui qui la briserait encore plus, plus tard. De son côté aussi, c'était compliqué. Sa route était bien loin de celle d'Harfang, mais ça, il ne le savait pas encore. Tu devrais rentrer. Prends soin de toi. dit-il. Il avait grandement besoin de se défouler, d'expulser ses émotions. Loin.

OUT