fall

(H)

Posté sur la nuque de la chute, il observe le vide, vertigineux. L'eau lui éclabousse les jambes, il ne s'en soucie pas. Il ne bouge pas, il ne peut pas glisser.

Un sursaut bref l'ébranle, mais il a reconnu sa voix. Immédiatement, comme un robot bien programmé, il se déporte vers l'arrière pour ne pas risquer la chute, et fait demi-tour. Ses deux parents l'appellent "fils", mais loin de le dérangé, il prend ça pour une marque de respect. Il s'approche de l'araignée, effleurant son poitrail de ses naseaux en signe d'affection. Mère, répond l'enfant avec un sourire fin, relevant vers elle son regard dépareillé.

Elle lui décharge un flot d'informations qu'il choisit pour l'instant de stocker, ne sachant pas quoi en faire. Des zombies ? Son esprit très terre à terre l'empêche de croire à ces fantasques mais ne doit-il pourtant pas croire sa mère ? Il reste sceptique mais ne lui dit pas. Elle doit être très proche d'Hekâ, leur Alpha, alors. Il note ensuite le deuxième nom de ce père mystérieux - Xander. Il tressailles aux paroles de sa génitrice. Ils t'ont fait quoi ? gronde-t-il, protecteur et pourtant mitigé. Il a rencontré son père - l'officiel - et il admire déjà ce qu'il dégage. Draggan est venu me trouver. Je vais continuer à le voir, déclare l'enfant comme un fait et non comme une demande de permission. Il respecte sa mère, au plus haut point, mais il doit aussi lui faire comprendre que sa vie lui appartient. Il a décidé que Draggan pouvait lui apporter beaucoup, il a envie de le connaître, de le côtoyer. Il hoche la tête, docile, la laissant ensuite continuer.
Si elle n'était pas sa mère, sans doute serait-il effrayé par l'aura noire qu'elle dégage. Il garde son oeil-lune clos, parce qu'il a déjà vu toutes les ombres qui s'agitent quand il la regarde avec celui-ci. Il sait qu'elle a beaucoup de démons et le pire, il sait aussi qu'elle ne cherche pas à lutter contre eux. Pourtant, il accepte ceci. Peut-être parce qu'elle lui en a légué aussi. Visiblement, que ça soit elle ou son père, aucun des deux ne semble "normal". Mais il aime ça. La normalité est lassante. Donc, c'est elle qui a tué la jument dont il a trouvé le corps avec l'autre Shaan. Il aurait dû s'en douter mais peut-être l'idée le dérangeait encore trop à ce moment-là. Aujourd'hui, ça n'est plus le cas. Il l'accepte, avec une certaine excitation d'ailleurs. Il penche la tête sur le côté, la transperçant de son oeil électrique. Oui, j'en ai. Sa voix est assurée, posée et confiante. Et si moi aussi, j'aime donner la mort, dois-je quand même me ficher de ce que les autres pensent ? Il ne peut pas nier. Il a eu de l'attrait pour le corps de la biche dans les ruines, pour celui de la jument au pied de la falaise aussi et il a apprécié noyer ce canard dans le lac avec l'autre enfant. Son oeil brillant reste rivé sur sa mère. Dois-je quand même cacher ça et ne montrer qu'une face qui n'est pas hostile ? Je ne veux tuer que ceux qui le méritent. Il est son propre juge, n'a besoin d'aucun juré pour se faire son idée. Il se rapproche d'elle, hume son odeur rassurante. Est-ce que tu vas rester avec les Shaan ? Bien sûr qu'il ne révèlera pas que c'est elle la coupable du meurtre de la native, peut-être même que les Shaan ne lui en tiendraient pas rigueur, mais il ne prendra pas ce risque.

Il a envie de la contredire mais dans la douceur. Je ne serai jamais trop jeune, fait-il avec un sourire convaincant. Il a envie de savoir ce qu'ils lui ont fait, peut-être que cela changera la façon dont il les voit, peut-être pas. On mérite tous de mourir, puisqu'on meurt tous un jour. Les lèvres du poulain s'étirent en un drôle de sourire. Il retiendra cette phrase, elle lui plait. Pour que je puisse le faire correctement, il faut que tu m'apprennes. Son oeil bleu se met à briller. Des étincelles glaciales qui dansent dans un hiver cruel. Il hoche simplement la tête. Je te dirai tout ce qui se passe avec Draggan. Tout ce qui se passe dans ma vie, même, si tu le souhaites. Si tu fais la même chose avec moi. Il affronte de nouveau son regard et sa requête sonne presque comme un fait accompli tant sa voix est assurée. Comme la relation instaurée avec son géniteur, il ne veut aucun secret entre elle et lui. Il veut qu'ils puissent s'ouvrir l'un à l'autre sans peurs, sans hontes, sans pudeur.

Pas encore prête pour quoi ? Il ne sait pas exactement à quoi elle lui répond, mais il se contente de hocher la tête, docile. Il la fixe, comme pour lire en elle, son oeil gauche et voilé rivé dans sa direction. Et maintenant ?

(j'ai pas du tout compris ta réponse )

Il fronce les sourcils, pensif. Il n'a jamais tenté de s'inventer une personnalité, encore moins de prétendre être ce qu'il n'était pas. Il la fixe sans répondre de ses iris dépareillés et hoche simplement la tête, en bon soldat.

Ah, donc il doit l'attaquer ? Il la fixe sans ciller, sans dire un mot non plus. Ses muscles se tendent avec patience et subtilité. Puis, d'un seul coup, l'adolescent bondit en avant, l'encolure tendue, dents déployées.