fall.

« Petite marmotte, grelotte, grelotte. »

Tu piaffes près du lac. Tes longues pattes dansent. Cette mélodie te vient de loin. D'une période de ta vie très floue. Où l'as-tu entendue ? Qui te l'a fredonnée ?

« Petite libellule, bulle, bulle. »

Ton passé te rattrape toujours. Tu t'arrêtes net, devant l'étendue d'eau. Un frisson te parcoure. Hier, tu étais enfant. Désormais, tu as des responsabilités. Et tu les fuis.

« Petite vache, mâche, mâche. »

Le nouveau venu semble t'adresser la parole. Tu ne le regarde pas de suite. Une apparence est trompeuse de toute manière ; pourquoi vouloir connaître le visage de chacun ?

« Tu viens à ma rencontre. Sais-tu au moins que le monde va mal ? Le danger rôde dans chaque recoin de nos terres. », lui dis-tu, tentant de prendre une voix sage.

Tu te décides enfin à poser tes yeux sur lui. Il est sans doute de ton âge, ce qui a pour effet de grandement te perturber. Tu te sens déjà adulte, alors qu'au fond, tu es encore jeune.

« Je ne parle pas forcément de toi. », rétorques-tu.

Tu le fixes dans les yeux. Aussitôt, ton regard s'adoucit. Ta voix devient suave.

« Je suis désolée. Parfois, mes pensées empiètent un peu trop sur mes paroles. C'est à cause de la solitude. On en vient à se méfier de tout le monde. »

Malgré ton attitude agréable à son égard, tu ressens comme un mal-être. Tu n'es pas à l'aise. Tu supposes que c'est lié à tes souvenirs d'enfance. En tout cas, ce n'est pas à cause de ton interlocuteur. Tu te rends d'ailleurs compte que tu ne sais pas de qui il s'agit.

« Je suis Lili. », te présentes-tu, en papillonnant des cils. « Quel est ton nom ? »

« De tout. Des inconnus. Des pièges de la nature. Des bêtes d'espèces différentes de la nôtre. On ne peut pas avoir confiance en ce monde. »

Tu baisses la tête, la secouant de gauche à droite. Ce que tu veux dire par là, c'est que la paix n'existe pas. Ou du moins, elle est provisoire. Le mal finit toujours par survenir. Tu es extrêmement angoissée, depuis quelques temps, car l'enfant insouciante que tu étais a vu des choses qui glacent le sang. Désormais, la peur est omniprésente chez toi. Tu sais qu'en un claquement de doigts, la tranquillité peut laisser place à l'épouvante.

« Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire. », dis-tu, n'ayant aucunement l'envie d'approfondir le sujet.

« Je vois tout le monde comme une menace, Gryffon. Même toi. », expliques-tu, posément, adoptant une voix douce.

Lorsqu'il s'approche d'un pas, tu te recules lentement. Le lac est juste derrière toi, prêt à t'accueillir si tu tombes. Tes oreilles se collent à ta nuque.

« Tu as tort de ne pas te méfier de tes proches. Certains peuvent facilement te mettre des couteaux dans le dos. », affirmes-tu, observant intensément ton interlocuteur.

Tu penches la tête sur le côté et bats des cils. Il veut que tu lui parles de ce que tu as vécu. Il s'attend peut-être à mieux te connaître à travers ton passé. La vérité est que, pour tout savoir de toi, il faut comprendre ce que tu as ressenti au fond de ton cœur, et même toi, tu n'en es pas encore capable.

« J'ai vu trop de choses. », dis-tu simplement. « Tu as eu une enfance palpitante, toi ? »

Tu choisis de ne pas réagir à ses propos concernant sa famille. Tu sais que parfois, même au sein des siens, il est possible d'être déçu, trompé ou trahi. Gryffon a cependant le droit d'avoir un avis différent. Tu espères que si un jour ça lui arrive, il pensera à toi.

« Eh bien, je ne sais pas. T'as passé de bons moments ? T'as été heureux ? Tu n'as rien subi de choquant ? Tu n'as pas de peurs qui proviennent de ton enfance ? », interroges-tu, ignorant sa question concernant les choses que tu as vues étant petite.

Tu parles sans problème avec les autres, toutefois, il est difficile pour toi de t'exprimer sur ce qui concerne ton passé. Certains moments sont flous. D'autres sont trop intenses pour que tu veuilles en parler.