EXIL DE XANDER

Jusqu'ici, la jeune jument brune avait assisté au rassemblement, présente dès l'appel de son alpha. Elle écoutait silencieusement, le cœur en perdition, une pluie diluvienne s'abattant avec hargne sur ses états d'âmes meurtris, creusant la brèche. La sentence venait de tomber, mais malgré sa loyauté indéfectible envers Hekâ, elle ne put se résoudre à imaginer faire du mal à Xander. Lorsqu'elle lui évoqua la possibilité de le soigner, Enja répondit d'un bref hochement de tête, sans préciser que le travail était déjà en cours, de façon plus ou moins officielle. Cette annonce n'avait de cesse de la ramener à ces derniers moments qu'elle avait vécu avec le bicolore. Cela avait été un véritable ascenseur émotionnel pour elle, et sa sensibilité était accrue depuis ce jour. Elle était plutôt en retrait, et concentrait toute son énergie à refouler les larmes qui lui venaient, la prenant d'assauts qu'elle devait systématiquement repousser. Les échanges commencent, et Enja ne put s'empêcher de faire les gros yeux lorsque sa jeune sœur prit la parole. Elle se surprit à avoir peur des représailles, mais ce qui l'intimida le plus fut probablement le comportement de Nyveèn. Elle avait tellement souvent pensé à elle, avec toute la bienveillance du monde, depuis qu'elle savait ce qui lui était arrivé. Pourtant, lorsqu'elle se montra plus menaçante envers Aulia, Enja sentit un frisson désagréable lui parcourir l'échine. La contrariété lui fit ravaler son envie de se vider de toutes ses larmes, et elle fixait l'échange avait des yeux devenus secs. Se faire théâtrale et même prendre la parole dans ce type d'échange n'était pas son genre, mais elle fut prise d'une franche envie de rappeler à l'akhal noire que le but de son apprentissage n'était pas d'en faire usage pour tuer autrui. Et la brunette se mit même à regretter, à culpabiliser, davantage quand elle évoqua Winterfell, son père. Et cela la frappa avec violence : elle n'avait pas formé une guérisseuse, mais une sorcière.

Elle-même préparait des décoctions toxiques, mais qui seront utilisées à seul usage défensif pour son clan, et se félicita de tenir le lieu de réserve secret de tous. Elle s'en serait toujours voulue que ses préparations servent à faire du mal à qui que ce soit intentionnellement, dans un but offensif. Ses pensées tourbillonnaient dans son esprit, si bien qu'Enja s'était mise à fixer un point imaginaire, les yeux dans le vide. Une nouvelle interlocutrice entra en scène, et elle se souvint qu'il s'agissait de Victory, une toute nouvelle Shaan. Elle nota l'arrivée de sa fille, parce qu'elle se trouvait juste derrière la blonde. Puis Aulia s'éclipsa de l'assemblée, et l'envie lui prit de la suivre, mais ses membres refusèrent d'obtempérer. La situation lui échappait, et un mauvais pressentiment, oppressant, la guettait. Le clan n'avait jamais connu de pareilles tensions, surtout en interne. Et l'attaque de la noiraude vers Victory ne fit que la choquer davantage. Même si elle était fraîchement arrivée, elle faisait partie des leurs, et n'était pas moins légitime que les autres. Enja lança un regard vers Asmund, sans savoir pourquoi, elle le fixa quelques instants. Peut-être que sa détresse se lisait dans son regard. Se sentant impuissante, la brune eut simplement la capacité de se déplacer pour aller vers la pouliche, la petite Noomi. Elle effleura son encolure de ses naseaux et de son souffle chaud, se postant près d'elle, pour essayer de la rassurer comme elle le pouvait. Ce n'était qu'une enfant.

Noomi est blotti dans les jambes de sa mère. Elle ressent la frustration de sa mère, elle tremble, nerveuse, et en colère. Les insultes fusent, et les coups risquent de partir à la moindre étincelle. Une jument noire squelettique s'approche d'elles. Sa mère lui a toujours dit de se méfier de cette jument. Elle est vicieuse. Lorsque la jument tend son sabot vers elle, Noomi veut résister mais elle en est incapable. Elle se retrouve écartée de sa mère, et mise de force aux cotés de son père. Seul un glapissement effrayée sors de sa bouche. Mais ce n'est rien lorsqu'elle voit l'araignée tenter de frapper sa mère. " Maman ! " s'exclame t elle d'une voix effrayée. Elle dévisage l'assemblée, pourquoi personne ne fait rien ? Pourquoi seul Hékà protège maman ? Pourquoi papa reste t il si placide ? Elle s'écarte de lui pour tenter d'atteindre sa mère mais une jument bai s'approche pour lui barrer le passage. Elle ne la connait pas, mais elle sait qu'elle est bienveillante, et qu'elle cherche juste à éviter qu'elle se prenne un coup mal placé. Noomi regarde la scène, choquée et impuissante. C'est alors que maman reprends la parole. Elle veut partir. Oui. Noomi veut partir aussi. Elle ne s'est jamais sentie à sa place ici. Elle veut partir avec sa mère. Un maigre sourire naît lorsque sa mère crache à l'assemblée que rien ne l'empêcherait de partir avec son enfant. Alors qu'elle croit que tout est fini. Sa mère change brutalement de discours. Garde ta fille si ça te chante. J'en ai rien à faire, je ne resterais pas ici une minute de plus. Et à ces mots, elle tourne des sabots et s'en va sans se retourner. S'en est trop pour l'enfant qui se jette en avant. " Maman... non. Tu ne peux pas m'abandonner ! " gémit la pouliche en pleurs alors qu'elle voit la silhouette de sa mère disparaître dans la jungle. " Maman non... MAMAN !! " hurle t elle à pleins poumons en se mettant à pleurer toutes les larmes de son corps. Toutes les larmes de son coeur. Maman était partie. Elle l'avait laissé dans cette famille de fou. Elle l'avait abandonné. Ses mots : " Je n'en ai rien à faire... " aussi tranchant qu'une lame, l'avaient transpercé en plein coeur. N'était-elle rien aux yeux de sa mère ? Rien de plus qu'un Pion pour tourmenter Adam ? La petite relève son regard vers l'assemblée. Tous la dévisage. Et elle, elle se sent plus seule que jamais.