The other side

Peut-être qu'une partie d'elle aurait aimé qu'il puisse être toujours là. Comme elle aurait aimé que Snow soit toujours disponible pour elle. Comme elle avait si longuement espéré que sa mère serait là pour elle un jour. Qu'elle réapparaisse comme ça du jour au lendemain. Mais ce jour n'est jamais arrivé.
- D'accord, accepte-t-elle finalement.
Elle accepte qu'il ne soit pas toujours présent mais qu'il fasse en sorte de l'être le plus possible. Il pourra même ne pas tenir cette promesse, elle ne lui en tiendra pas compte. Elle n'attend rien de lui, comme elle a finit par ne plus rien attendre de sa mère. C'est une manière pour elle de se protéger, de ne rien attendre de personne. Ainsi, si on décide de lui offrir quelque chose elle est heureuse, et si on ne lui offre rien elle n'en souffre pas.
Séléné sent une pointe de curiosité jaillir d'Horus. Elle qui ne fait jamais attention à ce que peuvent ressentir les autres, cette fois-ci, ça lui a sauté aux yeux. Pourquoi se sent-il curieux ? A-t-elle fait quelque chose d'étrange, comme elle en a la fâcheuse habitude ?
- Horus... Est-ce que tu me trouves idiote ? Lui demande-t-elle en glissant son regard dépareillé dans le sien.
Juste après, leurs poitrails se pressent l'un contre l'autre. Elle ne sait pas trop ce que ça veut dire. Peut-être qu'il veut juste qu'elle fasse comme lui... ? Un peu plus fortement, elle presse son poitrail contre celui d'Horus. Est-ce que c'est un jeu ? Elle adore les jeux de bagarre. Pour se donner plus de force, elle plaque son front contre la pointe de l'épaule du bai.

Séléné finit par déplier son encolure pour effleurer du bout de ses naseaux le garrot d'Horus. Un sourire franc se dessine sur ses lèvres. Elle est heureuse d'entendre cette réponse. Étrangement, son avis compte plus que l'avis de n'importe qui d'autre.
- Il y a quelques jours j'ai rencontré une jument qui avait la même couleur que la lune et les yeux bleus comme l'océan. J'ai eu l'impression d'être bête en parlant avec elle. C'était comme si... Comme si mon cerveau tournait à l'envers. Et... il y a toutes ces choses que vous savez et que moi j'ignore !
Ses naseaux glissent sur son encolure pour remonter jusqu'à sa gorge où ils s'arrêtent. Elle essaye de l'imiter. Il lui caressait l'encolure tout à l'heure, peut-être que c'est un signe d'amitié. Elle n'en sait rien. Elle n'a jamais vu d'autres chevaux faire ça. Et Snow n'a pas prit la peine de lui apprendre ce genre de choses.
- Et tu aimes les papouilles toi maintenant ? Je t'ai contaminé ? S'amuse la tachetée en laissant s'échapper d'entre ses lèvres un petit rire plein de légèreté.

- Non. Elle s'appelait Yrma je crois, répond la tacheté.
D'ailleurs, quand elle y pense, elle se dit que cette jument est vraiment étrange. Il y a quelque chose en elle de particulier. Peut-être est-ce son aura.
Oui, c'est vrai qu'elle aura le temps d'apprendre tout ça, il a raison. Et puisque ça ne semble pas être étrange à ses yeux qu'elle ne connaisse pas tout, elle ne s'en préoccupe pas plus que ça.
Il se détache si brusquement qu'elle manque de perdre l'équilibre même si elle n'était pas appuyée contre lui. Surprise, elle s'écarte tout aussi brusquement, les oreilles pointées vers l'arrière. Son regard se pose sur lui, inquisiteur. Elle ne comprend pas.
- Pourquoi tu fuis ? Demande Séléné sans le perdre des yeux.

Le temps est magnifique et pourtant, Séléné sent un vent glacial s'abattre sur elle. Ses oreilles se redressent lentement. Il dit qu'il ne fuit pas et pourtant, c'est l'impression qu'il lui donne. Elle finit par détacher son regard de lui et recule de quelques pas à son tour.
- J'ai pas envie de m'engueuler avec toi, lâche-t-elle sans le regarder.
Elle n'en a pas envie mais elle sent cette vague de colère grandir en elle. En ce moment, ça lui arrive souvent. Parfois c'est même sans aucune raison. Mais là, elle se sent étrange. Un peu blessée peut-être, même si elle n'a pas réellement de raison pour l'être.

Durant ce court laps de temps où elle a détourné le regard de lui, elle s'est demandé s'il la détestait. Sa réaction l'a sans doute plus surprise que réellement blessée. En tous cas, elle n'ose pas poser de nouveau son regard sur lui. Peut-être la sonde-t-il de son œil lune. Peut-être sait-il qu'elle n'a rien de spécial. Elle n'a pas d’œil lune, elle. Pas de pouvoir non plus. Elle est banale. Enfin, d'apparence. Mais est-ce que son œil lune voit à l'intérieur des gens ?
Finalement, son sentiment de colère s'est évaporé. Il est parti aussi vite qu'il est apparu. Lorsque la voix d'Horus s'est élevée, Séléné a tourné l'une de ses oreille vers lui. A défaut de tourner la tête.
- Est-ce qu'il faut que je reste loin de toi ? Demande-t-elle en tournant enfin la tête vers lui.

Ses iris dépareillés sont posés sur lui. Elle l'observe attentivement, dans le plus grand des silences. Elle se sent encore glacée. Et elle ne veut pas se sentir glacée.
- Parce que je ne sais pas si tu veux que je sois loin ou proche. Moi j'aimerai bien être plus proche, répond-elle avec l'innocence d'un enfant.
Enfant qu'elle est encore d'ailleurs. Bien plus qu'on ne pourrait se l'imaginer quand on voit son physique d'adolescente.
Séléné ne le quitte plus du regard. Elle essaye du mieux qu'elle peut de déchiffrer ses réactions. Parfois, elle peine à comprendre les autres, même s'ils s'expriment correctement. C'est le cas avec Horus aussi. Elle ne comprend pas toutes ses réactions. Au même titre qu'il ne comprend pas les siennes. C'est peut-être ça qui la blesse, dans le fond. Elle qui pensait qu'ils étaient fait pour s'entendre, depuis le premier jour. Sur la plage de sable noir.
- Rien. Rien ne m'a déplu, je ne sais pas pourquoi tu penses ça. J'ai eu mal quand tu t'es éloigné d'un seul coup.
Parce qu'elle n'a pas compris. Elle essayait de rigoler avec lui, un peu comme à la plage sauf que ça ne semblait pas lui avoir plu. Et elle ne comprend pas pourquoi ça à changé. Pourquoi il ne veut plus rigoler avec elle.
- Je peux établir le contact physique moi aussi, si ça te fais plaisir, conclu-t-elle en faisant un pas vers lui, comme pour appuyer ses dires.

Pour Séléné, la frontière entre le sérieux et l'amusement est extrêmement fine. Elle s'amuse parfois de quelque chose qui devrait être sérieux, non pas parce qu'elle prend cette chose à la légère mais plutôt parce qu'elle a du mal à distinguer cette fameuse frontière. C'est exactement pareil pour la notion du bien et du mal.
Elle le fixe toujours, elle aussi. Peut-être craint-elle également qu'il ne disparaisse pour toujours si jamais elle cessait de l'observer. Lorsqu'il sourit, elle sourit elle aussi. Elle est heureuse de voir les traits de son visage se détendre.
- Oui, lui répond-elle à voix basse.
A son contact, son corps se réchauffe lentement. Elle aime bien cette douce chaleur, c'est agréable.
- J'aime pas avoir froid, avoue-t-elle finalement à demi mots en posant délicatement sa tête contre l'encolure d'Horus.