hail to the victor

Plus qu'un.
Lui et elle. Asmund et Lövojka. Les Sables et les Glaces. Le Sud et le Nord. Le Feu et la Glace.
C'est presque comme si Ramsès et Murphy s'étaient unis. Ou Isildure et Oroszlàn. Tant de générations brimées, engluées dans cet éternel combat génétique et familial. Deux familles qui s'étaient emmêlées, détruites, et qui aujourd'hui pourtant, semble s'être pardonnées.
Elle sent le poids de son corps sur elle. Encore, lui crie une petite voix. Contrairement à l'autre fois, il n'y a plus cette appréhension électrique et méfiante qu'elle avait ressentie. Non, rien de tout ça. À cet instant, Löv ne ressent qu'un soulagement immense, comme si elle avait enfin trouvé l'autre pièce du puzzle qu'elle forme. Et cette pièce est la dernière qu'elle ait pu imaginer être. Elle ferme les yeux, se laisse faire, profite de l'instant. Elle sent le plaisir grimper, en rythme avec le jaguar - son jaguar. Elle sent l'envie, différente, décadente, de mettre au monde un enfant qu'elle élèvera de façon normale. Enfin. Le plaisir se fait grandiose, la lionne sent ses muscles se tendre en une contraction sévère et qui lui coupe le souffle. L'apogée la submerge comme une vague au goût de renouveau.

La lionne n'est pas habituée à ce genre de comportement, tout comme elle ignore encore ce qu'ils forment, ce qu'ils représentent, ce qu'elle est, pour lui. Mais comme elle ne souhaite pas le questionner maintenant et briser l'élégance sauvage qui flotte autour d'eux - et comme elle n'en a pas besoin, au fond, de ces formalités - elle vient attraper ses lèvres avec plus de fougue que lui. Comme pour le taquiner. Elle lui lance d'ailleurs un coup d'oeil taquin, débridée après cette vague de plaisir et de se sentir, enfin, à sa place. Tu n'as pas besoin de me le jurer. Je le sais. Elle frotte à son tour sa tête contre la sienne, apaisée. Même si la colère fera toujours partie d'elle, elle sait aujourd'hui qu'elle ne sera plus seule pour la porter. Je pense qu'à nous deux, il deviendra le meilleur de tous les temps Elle souffle contre son visage. Tu penses qu'ils m'accepteront comme l'une des leurs ?

Ou elle, rectifie-t-elle en riant. Elle ignore pourquoi elle imaginait un garçon, l'un ou l'autre importe peu pour elle. Elle secoue sa crinière emmêlée, apprécie la façon qu'il a de la rassurer. Sans émettre de nouveau doute par-dessus les siens. Bien évidemment qu'elle craint les futures réactions de son nouveau clan. Elle n'est pas de la famille.
Pire ! Elle est du camp adverse. Si on suit cet arbre généalogique dégradé, bourru de fautes et d'incohérence. Elle inspire à fond - cela sent le froid et la moiteur de leurs ébats. Elle s'imprègne de son parfum si corsé. Celui d'un fauve. Le sien. Je crois enfin que l'avenir me sourira. Nous sourira. Elle ose un fin sourire, apaisée comme elle l'a rarement été. Elle a tant échoué, tant chuté, plus rien ne semble vraiment pouvoir l'ébranler, alors ne lui reste-t-il pas qu'à ouvrir grand les bras à une quiétude qu'elle s'est toujours vue refusée ?

Le bonheur, enfin. Si inespéré. Même en cherchant très fort, elle n'aurait jamais pensé le trouver là. Dire qu'il était sous ses yeux pendant tout ce temps mais qu'ils étaient restés aveuglés par la colère et la rancoeur. Aujourd'hui, le ciel trop longtemps sombre se découvrait enfin pour leur annoncer un futur radieux. Plein de ces couleurs que la lionne n'avait, finalement, jamais vues.
Je t'aime.
Ça lui est sorti comme ça ; comme une futilité, comme une bombe. Elle se serre contre lui, presque honteuse, trop faible ? Elle se cache dans ses crins sans oser montrer son malaise, rassurée juste par sa présence. Aujourd'hui est le premier jour du reste de sa vie.