baby mine don't you cry

Elle se tient elle aussi accompagnée d'une petite silhouette. Quelques mois, tout au plus, car c'est tout ce qu'il a vécu. Encore frêle, la peau laiteuse, les yeux trop clairs, presque blancs. Il était anormal et ç'avait été de sa faute. De sa faute aussi s'il était mort si jeune. Mais Salem semble lui avoir tout pardonné depuis qu'elle l'a retrouvé. Ses poils blancs brillent de mille feux.
Elle se détourne de lui parce qu'elle a entendu une voix. Puis un autre. Elle suit des yeux un jeune poulain noiraud qui s'élance et, curieuse, la Lionne le suit entre les branches, entre les songes. Elle tressaille, fixe Bryséis au travers des doigts filandreux de l'Arbre sacré. Un lieu où elle peut encore faire le lien avec eux.
Avec les vivants. Puis qu'elle est morte. Chose qu'elle a du mal à accepter, parfois. Elle peut les toucher, leur parler, cela ne fait-il pas d'elle encore une vivante ? Ne peut-elle pas encore aimer, guider, ceux qu'elle a connus ?


Elle s'approche de Bryséis lorsque Lunoire l'a quittée.
Elle effleure son épaule, silencieuse comme une brise, puisqu'elle n'est pas vraiment là. Pourtant, elle pose ses naseaux contre son encolure massive, autant que la sienne sinon plus, et son contact est réel. Lövojka cherche son regard et sourit, apaisée. Ils nous pardonnent toujours. Elle regarde derrière-elle, voyant les deux poulains partir gaiement ensemble, prêts à jouer pour l'éternité.

lövojka offre un nouveau sourire plein d'un espoir qui lui était alors inconnu, quand elle était vivante. elle voyait le monde extérieur si sombre, si menaçant, qu'elle s'escrimait à se défendre comme tout et tous. ne t'en fais pas. on peut vivre avec la culpabilité. elle l'a fait toute sa vie. coupable de tout, déjà coupable d'être née, simplement.
sa nièce garde le silence et lov n'ose le briser pour un moment. elle profite simplement de la voir, de la revoir. et qu'elle se rassure, la lionne sait. pour boréale, pour les conflits, pour le retour de red. pour tout. aujourd'hui, elle sait tout, dotée d'une omniscience magistrale, parfois rassurante, parfois inquiétante. oui, même disparue, elle est encore capable de ressentir l'inquiétude, le frisson, la peur. une peur si maladive, qui lui colle à la peau depuis toujours et qui l'aura suivie jusque dans son tombeau, malgré le sentiment d'apaisement dont elle semble faite à présent. tu veux me parler de quelque chose de spécial ? chuchote-t-elle, prête à recevoir les secrets et les doutes de la bersek si elle en a, si elle souhaite les partager. l'avantage avec elle, c'est qu'elle ne risque pas de les colporter.

les mots de la bersek transpercent le coeur de la lionne, pourtant solide, pourtant solidement protégé. même si elle le savait, l'entendre ainsi de vive voix donne à ces faits une réalité qu'elle aurait espéré mensongère ou moins grave qu'elle le redoutait. oui, je le sais. elle soupire, détournant un instant le regard. elle apprécie de voir comme cela semble concerner bryséis, la toucher, la préoccuper. elle sait qu'aszio et azara sont entre de bonnes mains. ce que je crains c'est que cela ne devienne une obsession, autant pour l'un que pour l'autre. boréale n'abandonnera pas sa vision des choses, tout comme aszio semble déjà doté d'un fort caractère enclin à la vengeance. essayer de les dissuader ne ferait que renforcer leur détermination. cela ne sonne pas comme une solution, plutôt comme une sorte de résignation de laisser les choses s'écouler. peut-être cela leur passera-t-il, peut-être boréale deviendra-t-elle plus sage avec l'âge, peut-être se perdront-ils de vue. la lionne ne souhaite même pas imaginer si cela n'est pas le cas.

lov ferme les yeux. elle ne sait pas si elle est prête à les affronter, l'un comme l'autre. elle sent tant de haine en eux, elle aurait peur d'en être la cible. peut-être ne veulent-ils pas me voir.

la lionne se met à rire, doucement. / je compte sur toi pour ne pas les voir me rejoindre, alors ! / fait-elle de bon coeur, sans vouloir mettre la surveillance de ses enfants sur le dos de bryséis, mais ne souhaitant pas continuer sur ces sujets trop graves. lövojka sourit, paisible à l'entente des paroles de sa nièce. elle ferme les yeux un instant, effleure sa joue du bout des naseaux. / j'espère qu'un jour, je pourrai apercevoir tes enfants, alors... /

je me permets de répondre avant bry du coup

Avant que Bryséis n'ait pu lui répondre, une autre odeur et présence s'immisce dans leur bulle étrange. Une odeur que Lövojka connait bien et qui lui serre brusquement les entrailles. Elle tourne sa large tête brune pour regarder Plum s'avancer, voyant d'abord la joie puis l'incompréhension traverser son visage. Elle la laisse comprendre, calmement, avant de s'avancer vers elle d'un pas hésitant. Elle se stoppe avant d'être trop près, sentant la colère de la frisonne comme si elle était sienne. Elle lui ressemble tellement. Lov s'était tellement vue en elle, quand elle était plus jeune. Elle aurait tellement voulu la protéger, lui faire comprendre ses démons, la mener dans ses traces comme si elle avait été sa propre fille. Elle l'a toujours considérée ainsi. Plum.. murmure-t-elle péniblement, le regard désolé.