traque sauvage ∆ P

L'étalon ralentit jusqu'à finalement s'arrêter, tête tournée vers la grande noire, son oeil vissé profondément dans le sien comme les serres d'un rapace autour de sa proie. Son visage s'est durcit, sa voix est plus ferme. Il me fallait une monnaie d'échange. Pour garantir la vie de ma mère.

Faucon ne répond pas, il ignore pourquoi elle le remercie. Il n'a fait que répondre à ses questions sans crainte ni pudeur. Pourquoi as-tu pris parti si tu ignores tout du conflit ? demande-t-il sans jugement dans sa voix, juste une curiosité naturelle soutenue par son ton froid.

Il n'est pas d'accord avec elle mais rien dans son comportement ne le montre. Il soutient son regard sans ciller, gardant son visage près du sien pour mieux y implanter son oeil bleu. Ta loi ne peut pas être respectée partout et par tous. Le désir de vengeance, comme celui du peuple de l'Erg, n'a que faire de ce genre de règle. Lui n'est pourtant pas régi par la vengeance. Il trouve ce sentiment égoïste et, souvent, illégitime.

Il hoche la tête sans répondre. D'un côté, celle qui empêche la moindre mort non naturelle. De l'autre, un tueur choisissant soigneusement ses cibles. Deux contradictions qui, pourtant, marchent flanc contre flanc l'espace d'un instant. Merci, en tout cas.

Faucon soutient son regard qu'il sent curieux. Son oeil bleu reste rivé dans le sien. D'être intervenue. Il sait que tout s'est joué parfois à peu de choses et que la totalité des âmes présentes ce jour-là a permis à la situation de se dérouler comme elle s'est produite.

Qu'en sais-tu ? la coupe-t-il presque, inquisiteur. Il la fixe toujours, sans ciller, malgré qu'elle soit d'une carrure bien plus imposante que la sienne. Peut-être que si tu n'étais pas arrivée du tout, ils l'auraient anéantie sans attendre. Tout aurait pu arriver. Tout n'est que supposition et même si visiblement la noire considère que son intervention a été inutile, lui est prêt à être reconnaissant à tout intervenant. Il ne bronche pas quand elle abat son sabot sur le sol, un peu étonné de la voir ainsi céder à la colère. Jusque là, il la voyait un peu comme lui, d'une froideur exacerbée qui ne pouvait laisser passer aucune émotion jusqu'à l'extérieur. Si tu étais arrivée plus tôt ? répète-t-il pour la pousser à continuer.

Faucon ne la harcèle pas, elle peut très bien partir si elle en a envie Il ne répond donc rien à sa réponse qui n'en ai pas vraiment une, reposant son regard dépareillé sur le décor de la forêt autour d'eux, sans n'avoir rien à rajouter.

L'étalon sent son regard sur elle. Non pas parce qu'il la voit - elle est du mauvais côté, face à son oeil mort. Parce qu'il sent ses yeux comme on sent une caresse. Hypersensible. Hyper-développé. Il laisse passer une seconde de silence, peut-être deux. Non pas parce qu'il cherche une réponse, celle-ci est évidente, lui semble-t-il. La réponse est dans la question, souffle-t-il d'un ton pourtant assuré, tournant enfin la tête vers elle pour pouvoir la regarder avec son oeil droit.