Ice Warrior //W//

Comme a chaque nouvelle lune, Winterfell sort du cimetière après avoir déposé une fleur sur la tombe de sa défunte bien aimée, Gaya. Au lieu de rentrer directement, il avait fait un détour par le nord pour déposer une fleur sous la statue de glace de Lovojkà. C'était la première fois qu'il s'y rendait depuis la cérémonie. L'étalon s'enfonce dans la grotte féerique à pas lent, ses sabots crissent dans la neige fraiche. Pas un son, pas un bruit, ni même le hurlement du vent dans les sapins. Winterfell se retrouve seul devant l'imposante statue de glace. Son poils frisonne légèrement en remarquant à quel point la sculpture du visage de Lov est précise. La statue retranscrit très bien toute sa fougue, sa désinvolture et son arrogance. On arrive même à lire dans ses yeux son petit regard mutin qui la définissait si bien. Sauvage et libre, pour toujours. Il s'approche et dépose la fleur aux pétales gelés devant les sabots de la guerrière du Nord, comme une offrande, un cadeau pour la remercier de ces belles années passées à ses cotés. L'étalon ferme ses paupières. Il n'est pas du genre à prier mais se contente de méditer par respect pour la défunte.   

un courant d'air glacial s'engouffre dans la grotte. avec celui-ci, la lionne. elle marche sans retenue, avec fierté, sans craintes ni doutes. près de ce qu'il reste d'elle comme un souvenir de cristal, elle est attendue. c'est pour ça, qu'elle est venue. au tournant, elle se fige. elle reste immobile, fixant winterfell qu'elle voit de dos. elle a un sourire mutin sur les lèvres. elle ne veut pas l'interpeller, ne veut pas le confronter avec ce qu'il croirait être une de ses folies - peut-être est-ce réellement le cas ? peut-être n'est-elle pas vraiment là, peut-être n'est-elle qu'une projection, un fantôme directement nourri par le cerveau du guerrier blanc.
elle disparait aussi vite qu'elle est venue, s'évanouissant dans les profondeurs de la grotte qui fut autrefois son refuge ; aujourd'hui son dernier tombeau, à en croire la statue bâtie pour elle. elle est émue de cette consécration à son sujet, ne s'y attendait pas, ne s'est jamais considérée comme marquante pour le reste du monde. à croire que là aussi, elle avait tort. peut-être l'aura-t-il sentie, peut-être l'aura-t-il aperçue, peut-être ne l'aura-t-il même pas pensée, imaginée, concrétisée.
elle se fond dans les méandres obscurs en laissant, comme à son arrivée, un grand courant d'air glacé.


(tu me dis si tu veux que j'efface ma rep, j'avais envie mais si ça te gêne ou autre, dis moi )

Mais Winterfell n'a rien senti, à vrai dire il s'est endormi (). L'étalon garde les yeux fermés avec respect, il se remémore les souvenirs qu'il partageait avec la guerrière dorée. Il s'imagine à nouveau la douceur de sa peau, la chaleur de son souffle, et son parfum sensuel qui lui a fait tourné la tête plus d'une fois ! Un frisson lui hérisse l'échine, il a mal au coeur, plus qu'il ne veut l'avouer. Un vent froid s'engouffre dans la grotte et soulève sa crinière couleur neige. Il croit ressentir une présence. Comme un regard brûlant qui lui chauffe l'arrière de la nuque. L'étalon se paralyse, alerte. Winterfell dilate ses naseaux comme pour tenter d'y trouver une effluve connu. Le temps se fige, l'espace d'un instant, l'étalon retient sa respiration. Il a l'impression de sentir une caresse effleurer son flanc, un contact éphémère. Puis un nouveau courant d'air le transperce, il ouvre les yeux d'un seul coup, à bout de souffle. Ses yeux fouillent l'horizon, rien. L'étalon fait quelques pas en avant, mais n'aperçoit aucune traces de sabots dans la neige. Un peu déboussolé, il s'ébroue et entrouvre sa bouche légèrement pour laisser échapper un hennissement rauque. " Merci. "  

Winterfell tente en vain de comprendre ce qu'il vient de se passer mais il ne trouve pas de raisonnement logique. Des pas résonne dans la neige à l'entrée de la caverne. L'étalon gris fait volte-face rapidement et reconnait Phoenix. Est-ce que c'était elle depuis le début ? Non c'est impossible, elle est beaucoup trop loin, il aurait juré que quelque chose l'avait effleuré. Et puis il n'y avait toujours pas de traces de sabots près de lui. L'étalon s'ébroue légèrement pour chasser son incompréhension qui se transformait en angoisse. " Phoenix ? " hèle t il, surpris de la voir ici. Il savait que la jument rousse détestait les terres nordiques. Pourquoi venait-elle s'aventurer sur des terres aussi hostiles, surtout en plein hiver.

lorsque l'étalon blanc la remercie, lov s'arrête progressivement. elle se tient juste derrière-lui, à quelques pas seulement, si près et pourtant si inaccessible. elle se sent happée, elle se sent disparaître, elle sent qu'il lui faut partir avant qu'il ne la voie réellement. mais est-elle vraiment réelle ? pourtant, quelque chose la retient. une autre confrontation. elle tressaille quand elle ressent la présence de la rouquine et se retourne lentement. elle ignorait même qu'ils se connaissaient et observe la scène, quelques mètres derrière winterfell, l'air reposé, apaisé.

Winterfell s'approche d'un pas lent et s'arrête en face d'elle. Il garde une distance respectable. " Elle me l'a présenté, c'est un beau poulain. " répondit il d'une voix calme, comme apaisé par la sérénité du lieu. Une vilaine quinte de toux lui secoue le poitrail. Il se recule pour de pas tousser sur la rouquine. Son encolure se tord, et ses paupières se closent à moitié sous l'effet de la douleur. Cela fait plusieurs semaines qu'il se traîne une vilaine toux, il tousse tellement que chaque respiration lui brûle les poumons. Une brise légère lui effleure la croupe, il tourne la tête vivement. Il aurait juré qu'on venait de le toucher. Mais peut-être est-ce simplement le fruit de son imagination, il devait avoir de la fièvre. Son regard perçant fouille la grotte, mais rien. Depuis qu'il est ici, il a l'impression d'être observé.  

ça roule

la lionne écoute, immobile, invisible, intouchable. et pourtant, ça la touche. elle ignorait tout cela, elle aurait aimé le savoir, elle aurait aimé leur dire qu'ils étaient tous entremêlés, finalement. ceux du nord, ceux du sud. ceux de grande famille, ceux reniés. elle fait un pas en avant, frôlant winterfell et ferme les yeux très fort. il est temps pour elle de la rassurer. elle voit cette douleur qui la ronge. celle de ne pas avoir pu la sauver. elle sent sa culpabilité comme si elle était sienne, véritable éponge alors qu'autrefois, les émotions des autres la touchaient parfois bien peu.

quand ses yeux d'un noir absolu se rouvrent, elle s'avance vers phoenix. elle sait que cette fois, elle la verra. elle n'a pas beaucoup de temps. les âmes n'ont pas le droit d'interagir avec les mortels. l'enfer la rappellera bien vite à l'ordre mais elle n'a plus rien à perdre. elle a tout à gagner, aujourd'hui.
phoenix... souffle-t-elle d'une voix mélancolique mais avec un sourire étrange sur le visage. elle la transperce de ses iris sombres. tu as toujours fait de ton mieux. peut-être le guerrier blanc pourra-t-il entendre des échos, sentir cette présence à la fois espiègle et dérangeante, peut-être même la verra-t-il, lui aussi ?

Winterfell perçoit l'agacement de la rouquine. Il ne la comprends pas. Ce n'est pas comme si il lui avait cracher au visage. Décidément, ils n'étaient vraiment pas fait l'un pour l'autre. Winterfell appréciait Thylacine, mais il était trop maladroit et orgueilleux pour l'admettre. L'étalon shoote dans la neige pour dissiper le malaise dût au silence. Puis quand il relève le regard, il remarque que Phoenix est devenue complètement livide. " Eh... ça va pas ? " demande t il, réellement inquiet. La jument semble fixer un point derrière lui, il se retourne mais ne voit rien. Mis à part ce courant d'air omniprésent. L'étalon ne croit pas aux fantômes, c'est pour cela qu'il ne voit pas Lovojkà. Winterfell se contente d'observer la jument rousse d'un air septique et prépare une grosse boule de neige pour la faire revenir à la réalité. 

elle aimerait qu'il la voie, lui aussi. qu'elle puisse lui sourire, le voir sourire, comme avant. elle se souvient de leur dernière rencontre, quand elle l'avait trouvé abattu comme jamais, quand il affrontait un deuil. elle ferme les yeux. winterfell a survécu à sa peine, il survivra toujours à tout, elle en est persuadée.
phoenix semble décontenancée - normal, pense la lionne. pourtant, elle veut soulager sa confiance, prendre son fardeau pour l'emmener avec elle, l'éloigner de la guérisseuse la plus talentueuse qu'elle ait pu rencontrer. elle regrette encore qu'elles n'aient pas pu se rapprocher plus encore. que ce soit le danger qui les ait réunies. lövojka est persuadée qu'elle aurait pu la compter comme une amie. de quoi es-tu désolée ? demande-t-elle de sa voix grave, voulant la forcer à mettre des mots sur ce qu'elle ressent. il n'y a qu'ainsi qu'elle pourra s'extrader de cette culpabilité illégitime.

la lionne des glaces lui offre un sourire nostalgique, emprunt d'une sagesse qui lui était inaccessible autrefois. elle ne lui répond pas qu'elle l'aime toujours, même maintenant, même morte. les élever par contre, ça c'est une chose qu'elle ne peut faire depuis son monde à elle. elle ferme les yeux et tend l'encolure pour effleurer le visage de phoenix. c'était décidé ainsi. il y a des choses qu'aucune volonté ne peut commander, encore moins changer. elle comprend qu'elle s'en veuille, elles fonctionnent pareil sur certaines choses et lövojka sait qu'elle s'en serait voulu, elle aussi, si les rôles avaient été inversés. je n'ai jamais connu guérisseuse meilleure que toi. si tu n'as pas pu réussir, personne ne le pouvait. je n'ai aucun regret là-dessus. peut-être cela la consolera-t-il de le savoir.