Vert, jaune, bleu, j'en ai plein les yeux !

Foudre est adossé à un vieux saule pleureur grinçant. La louve noire cicatrise de ses blessures. Son dernier combat lui avait laissé des plaies partout, mais heureusement pour elle, aucune n'était infectée. La jument passe le temps en regardant les grenouilles multicolore qui pullulent dans l'étang. Des rouges, des verts, des bleus. Un arc-en-ciel de batraciens.  

Cette nouvelle journée s'annonce calme. Pour la première fois depuis son arrivée ici, Niylah s'est correctement reposée. Aucune vision ou rêve n'a perturbé sa nuit, pour son plus grand bonheur. C'est pour cette raison qu'elle a décidé de s'accorder un petit moment de détente en allant chercher quelques plantes pour ses remèdes. C'est de cette façon qu'elle a découvert une île. Sans doute la fameuse île dont lui a parlé Faucon lorsqu'elle l'a rencontré à l'orée du bois, non loin de la clairière d'Iris. Poussée par sa curiosité, Niylah a osé aller directement sur l'île. Au pire, elle aura un rappel à l'ordre. Elle n'a pas vraiment peur ; elle est solitaire et guérisseuse. Ça lui laisse un mini laisser-passer ça, non ? D'ailleurs en parlant de ça... Lorsqu'elle arrive devant un petit étang, elle remarque la présence d'une jument noire qui semble blessée. N'est-ce pas un signe du destin ? Niylah rejoint l'inconnue d'un pas tranquille, son améthyste se balançant doucement contre son poitrail, suivant le rythme de ses pas.
- Bonjour. Je suis guérisseuse... Je peux soigner vos plaies, si vous voulez, propose-t-elle gentiment.
En plus ça tombe bien, elle a pile ce qu'il faut sur elle.

Foudre a flairé le parfum d'une inconnue. Qui donc osait-il se balader sur l'île Nayati sans y avoir été invité ? Depuis le traité de paix, il avait été signifié que seul les Nayatis avaient accès à l'île. Les étrangers n'étaient pas les bienvenus. L'intruse ne tarde pas à apparaître dans son champ de vision. Pire que ça, elle se dirige droit vers elle, comme un aimant. La noiraude rabat les oreilles, comme un animal blessé qui ne veut pas qu'on l'approche. " M'approches pas ! " prévient elle en dévoilant ses dents blanches, la noiraude pue l'hostilité. Comment se faisait-il qu'elle attirait constamment les guérisseurs ? Irisviel... Narval... et maintenant cette petite jument rondelette ?! C'était bien sa vaine. Elle recule d'un pas, plus mal-aimable que jamais. " J'ai pas besoin d'aide. Je me soigne très bien toute seule. " ronchonne Foudre. Depuis son altercation avec Nyveèn, elle ne faisait plus confiance aux prétendus guérisseurs. Les seules qui avaient le droit de la soigner étaient Phoenix et Fiona. " Et qu'est ce que tu fiches là d'abord !?   "  

Niylah est stoppée net dans son élan d'altruisme. La noiraude l'accueille d'une manière peu agréable ; oreilles plaquées contre sa nuque et air peu aimable. Prudemment, la guérisseuse décide de remettre un peu d'espace entre elles en reculant d'un ou deux pas. Elle n'a pas tellement envie de se prendre un coup de dents. Elle est malgré tout déçue de ne pas pouvoir aider l'inconnue au sacré caractère. Et lorsqu'elle s'apprête à lui répondre... Une vision lui vient. Elle se raidit automatiquement. Ce n'est pas vraiment le bon moment. Heureusement, la vision est très courte et Niylah revient rapidement à elle.
- Je... Excusez moi, je suis nouvelle. Je cherchais quelques plantes pour préparer quelques remèdes à l'avance. Avec l'arrivée du froid, certaines plantes deviennent rares, tente-t-elle de lui expliquer en faisant totalement abstraction de ce qui vient de se passer il y a quelques secondes à peine.

Foudre est tellement hostile qu'elle ne perçoit pas le malaise de la jument rondelette. Au contraire, elle prend ça pour un manque d'assurance. Une crainte qu'elle compte bien utiliser à son avantage. " Et donc parce que t'es soit disant guérisseuse, ça te donne le droit de te balader sur des terres privés en toute impunité ? " grogne t elle, comme une louve prête à mordre. La noiraude rassemble ses forces et s'approche dangereusement de la jument, naseaux pincés. La fièvre lui donne l'esprit confus. Sa vision est trouble mais elle ne montre rien. Un prédateur ne montre jamais ses faiblesses.  

- Des terres... Privées ? Répète-t-elle, à la fois surprise et mal à l'aise.
Elle ne s'imaginait pas un seul instant que cette île était privée. D'ailleurs, elle n'avait croisé personne jusqu'ici. Alors comment aurait-elle pu savoir ? Personne ne lui avait signalé que certaines terres étaient à éviter.
- Je suis désolée, je ne savais pas... Je... Je vais faire demi-tour, bafouille Niylah en reculant de quelques pas.

Foudre continue de grogner comme un pitbull. " Oui, ça vaut mieux. Je vais vous raccompagner à la frontière." La noiraude passe à sa hauteur et bouscule sans ménagement la pauvre Irish. Mais alors qu'elle s'apprête à prendre la tête de la marche, sa maudite jambe boiteuse la fait trébucher. Elle grommelle sous la douleur et reprends sa route sur 3 jambes. Son antérieur fragile avait été bien écorché lors du combat contre Etosha. Elle continue d'avancer comme si de rien n'était. Vaillante mais douloureuse.

Quelques feuilles lui échappent lorsque la jument inconnue la bouscule. D'un geste rapide, Niylah étire son encolure pour rattraper les feuilles au vol. Ce serait dommage d'être venue jusqu'ici pour rien.
- Vous êtes sûre de ne pas vouloir que je regarde ? Je n'attends rien en retour... Et je ne m'éterniserai pas ici, je vous le promets, souffle-t-elle en pressant le pas pour marcher aux côtés de la jument noire.

Foudre grommelle une réponse incompréhensible, un mélange de grognement et de jurons. Les voila à la frontière, la noiraude s'immobilise en son seuil. " C'est par ici la sortie ! " ronchonne t elle en s'écartant pour lui laisser la place. Elle refrène une envie de lui mordre son énorme popotin lorsque la jument passe devant elle. Foudre garde toujours son antérieur en suspension, elle ne peut pas l'appuyer, il est trop gonflé. (au moins autant que le cerveau de la noiraude).   

Malgré ses efforts et sa bienveillance, Niylah se fait rapidement congédier. La guérisseuse se sent un peu déboussolée ; ça ne lui est pas souvent arrivé d'être ainsi traitée. Et elle qui aime aider les autres, elle a bien du mal à accepter la situation. Elle se sent terriblement inutile. Niylah s'arrête après avoir fait quelques pas vers la mer.
- Si jamais vous revenez sur votre décision... Je suis souvent à l'orée du bois. Il y a une petite cabane là-bas, souffle-t-elle en tournant sa tête vers la noiraude avant de reprendre le pas pour quitter l'île.

La jument ronfle bruyamment en guise de réponse. Elle attend que la grisette ait tourné les talons pour en faire de même. Foudre fait quelques pas, mais très vite son autre antérieur ne supporte plus le poids de son avant-main, elle s'écroule lourdement en couinant. Foudre grogne de colère et tente de se relever, en vain, sa jambe est trop douloureuse.  

Elle ne s'est éloignée que de quelques mètres lorsqu'elle entend un bruit sourd suivi de quelques grognements. Niylah devrait continuer sa route, elle le sait. Mais c'est plus fort qu'elle. Le serment qu'elle a fait, de toujours aider les autres, parfois même au péril de sa propre vie, est plus fort que tout. La guérisseuse revient rapidement vers la jument noire qui cherche à se relever sans y parvenir.
- Laissez moi faire, lui ordonne-t-elle après avoir déposé ses remèdes au sol.
Parmi toutes ces plantes se trouve la précieuse reine des prés, jolie petite fleur blanche au pouvoir insoupçonné. Niylah en fait rapidement un cataplasme qu'elle applique sur l'antérieur blessé de la jument noire. Les plaies ne sont pas infectées ni profondes. Elles guériront seules.
- La douleur va s'effacer progressivement. C'est parfois un peu long. Ça dépend des individus, lui explique-t-elle.
Elle aurait pu soulager plus rapidement sa douleur, si elle avait eu des fioles pour pouvoir recréer ses elixirs. Hélas, elle n'en avait pas encore trouvé, malgré qu'elle ait arpenté une bonne partie des terres. Elle aurait eu une seconde option, si la jument n'était pas si hostile. Elle aurait pu exercer sa magie. Mais avec ce genre d'individu complexe, elle préférait ne pas s'y tenter. Ils ne comprendront pas, Niylah. Ces quelques mots resteront à jamais gravé dans ses pensées.

Foudre pousse un hennissement souffreteux, elle a l'impression que l'os de sa jambe est de nouveau brisé. Lorsque que la petite jument grise revient, la noiraude fait claquer sa mâchoire juste devant ses naseaux, mais sans la toucher. Elle aurait aimé avoir la force de l'envoyer paître mais la douleur était telle, qu'elle était sur le point de perdre connaissance. La louve noire allonge l'encolure au sol en respirant rapidement pour tenter de faire abstraction de la douleur et regarde la jument s'affairer du coin de l'oeil. " Pou... pourquoi tu m'aides ? " geint-elle sans comprendre. Après-tout, elle l'avait viré comme une malpropre. Une personne normale ne serait pas à son chevet, elle l'aurait laissé souffrir en solitaire.   

Peut-être que Niylah n'est pas normale. Certainement même. Après tout, c'est une sorcière. Et même sans ça, elle reste particulière. Rien n'est vraiment normal chez elle, hormis cette enveloppe corporelle des plus basiques. Mais ça, personne ne le sait. Elle même ne sait pas tout.
- On m'a élevée dans ce but là. D'aider les autres, répond-elle calmement en posant un second cataplasme, tout près du premier.
Les premiers effet des plantes ne devraient pas tarder à se faire sentir. Niylah s'écarte légèrement. Elle préfère se montrer méfiante.
- Restez allongée au moins un quart d'heure. La douleur ne devrait plus être présente après ça, souffle-t-elle avant de ramasser rapidement ses plantes médicinales qui se sont éparpillées au sol.
Puis elle tourne rapidement les talons et quitte les lieux. Pour de bon cette fois.

( Out )

Foudre grimace en sentant la jument grise toucher ses plaies. Elle pince légèrement le museau pour laisser entrevoir ses dents mais reste docile et se laisse faire. La noiraude ronfle bruyamment des naseaux et relève la tête de temps à autre pour surveiller les faits et gestes de la guérisseuse. Sa tête lui tourne, elle est obligée de reposer rapidement la tête au sol. Lorsque la jument se congédie d'elle même, Foudre grommelle un " Bon débarras.. " même si elle ne le pense pas vraiment. Elle reste immobile pendant plusieurs minutes le temps de reprendre ses esprits puis tente de se relever. Sa jambe est déjà nettement moins douloureuse, elle peut à nouveau s'appuyer dessus. Mais qui était cette jument ? Une magicienne ? Personne ne l'avait jamais soigné aussi bien. Dire qu'elle ne connaissait même pas son nom. Foudre inspecte son bandage méticuleusement puis se remet en route vers la source de cristal en boitillant.

out foudre