(the race)

Elle essayait, tant bien que mal, de ne pas frissonner dans cet endroit lugubre. Le Bois des Spectres portait bien son nom. A chaque fois que la moindre branche frôlait son corps frêle, la jeune femelle se retournait dans un sursaut. Toujours personne. Bref, elle presse toujours un peu plus le pas, pour essayer de se sortir d'ici. Elle aussi s'était perdue... Elle finit par débouler dans une clairière marécageuse. L'atmosphère y était toute aussi pesante que dans les bois. Au milieu, un gars. Et Poppy hésitait à le rejoindre.

En même temps, il fallait forcément être un peu dérangé pour vouloir venir ici. Alors, est-ce qu'elle repartirait seule de son côté, sans prendre le risque de s'attirer des ennuis auprès d'un potentiel attardé ? Trop tard, elle est repérée. Poppy s'approche alors, sans hésitation, pour pas trahir son appréhension. Rien je... Si elle lui dit qu'elle s'est paumée, ça la ferait passer pour vulnérable. S'il sait qu'elle est seule ici, il pourrait faire n'importe quoi. Du style la violer. La découper. Cacher chacun de ses membres sous la boue du marais. Poppy se racle la gorge pour chasser ces idées, puis masquer un peu le silence qui commençait à un peu trop s'installer jusqu'ici. En fait j'attends mon mec qui est parti pisser. lol Et toi tu fais quoi dans la bouillasse...?

Les mots de l'étalon lui glacent le sang. Le sourire de Poppy se meurt, et un de ses sourcils se lève. Elle avait du mal à contenir sa vexation. Poppy avait sale caractère, et elle avait du mal avec l'autorité. Et si y avait bien un truc qui la saoulait, c'était les darons hautains et/ou autoritaires dans son genre. Et idiote qu'elle est, elle prendrait le risque de lui répondre. Elle déglutit. J'ai pas peur de toi. Insolante petite menteuse.

Ses oreilles se plaquent sur sa nuque. Ses émotions étaient beaucoup trop visibles. Contrôler sa peur ? C'était bien un des seuls sentiments qu'on pouvait pas contrôler. Puis à quoi ça servait de contrôler ses émotions ? Poppy aimait les faire vivre là, les faire ressortir telles quelles, brutes. Elle avait toujours fonctionné comme ça. Désolée mais tes mots sonnent comme des menaces. Mais je sais que c'est pas toi le danger, je sens bien que tu me vois à peine. Elle avait remarqué son oeil voilé. Et ses mimiques, son regard qui se perdait dans le vide, qui n'arivait pas à capter totalement la présence de Poppy. Je vis partout et nulle part. Elle n'avait plus de maison. Même la Jungle semblait l'avoir rejetée.

Son coeur bondit en même temps que son interlocuteur. Elle déglutit, alors que le souffle de l'étalon vient chatouiller la ganache charnue de la baie. Mais elle ose le défier du regard. Un peu ? Et alors quoi ? Tu penses que je me ferais avoir par un daron à moitié aveugle ? Pitié... L'inconnu avait franchi la limite, il avait appuyé sur le bouron rouge. Poppy était offusquée, et ce sentiment l'avait emporté sur la peur. Mais la jeune restait quand-même sur ses gardes, bien campée sur ses frêles membres, prête à décamper s'il le fallait. Elle passerait par le Bois des Spectres, utiliserait les lieux à son avantage. Il finirait par se prendre la végétation ou un tronc de plein fouet. Finalement, elle souffle vers l'oreille du brun : je suis plus une petite fille. Elle se recule un peu, reprend une distance respectable. Après tout, ce mec avait l'air taré. Instable. Ma mère s'est barrée. Mon père, je l'ai jamais connu. Finalement, ils se ressemblaient plus qu'ils ne pouvaient imaginer nan ? Et toi, ils sont où tes parents ? Pur cynisme.

Elle sent un léger picotement alors qui lui tire quelques poils de ganache. Poppy savait pas trop quoi penser de cette proximité avec le mâle. Mais il avait raison. Les apparences pouvaient être trompeuses. Mais Poppy avait ses certitudes sur ses propres capacités aussi. Naïvement sûrement. A voir ta tête on dirait que ça te fait plaisir. C'est toi qui les a buttés ? Toujours aussi impertinente la gamine.

J'ai peut-être plus à craindre de toi finalement... déclare Poppy, ironique. Qui diable pouvait vouloir la mort de ses propres parents ? C'était inconcevable pour Poppy. Bon tout ça est passionnant, mais j'aimerais sortir de cet endroit glauque et chelou. Et se débarrasser du malaise qui la prenait dès qu'elle posait les yeux sur l'inconnu.