they're dying to stop you.

BROOKLYN.
Elle l'attend. Immobile, le ventre gonflé, rond. La respiration haletante, le souffle court, l'épée de Damoclès là, au-dessus de sa tête. Elle ronfle presque, et émet un hennissement rauque. Il veut sûrement être là pour la naissance. Ramsès. Son geôlier. Il faut l'avouer, son plus bel assassin.
Mais ce n'est pas pour lui qu'elle fait ça.
Et lorsqu'il le découvrira, elle sait que ça sera la fin. Au fond d'elle, elle espère un peu qu'il sera là aussi. Caché, quelque part. La première contraction lui fait pousser un hennissement frustré d'être ainsi rabaissée à l'état de mourante et elle tombe à genoux, son front commençant à se couvrir d'une fine couche de sueur. Allez, Ramsès, ramène tes fesses et tes plus beaux couteaux.

Elle l'entend arriver de loin. Nul doute qu'il s'agit de lui.
Nul doute qu'il vient pour elle. À sa voix, elle tourne la tête, le foudroyant du regard avec un sourire dérangeant. Habituel. Je m'amuse, ça se voit pas ? répond-elle avec insolence, le ventre gonflé. Elle n'a pas la force de se redresser et se laisse donc doucement coucher au sol, sur le flanc. Mais ses yeux, toujours aussi noirs, ne l'ont pas quitté du regard. La naissance de notre Diable est arrivé. Il faut tout faire. Tout faire pour le duper jusqu'au bout. Ses gènes de picoté ont déjà prouvé qu'ils se transmettaient très bien. Impossible que de leur union résulte un enfant pie.
Il comprendra vite. Au moins, elle souffrira peu. Quoique..

Elle incline la tête sur le côté. Comme une chouette. Dans cette allure toujours dérangeante. Un monstre. Voilà ce qu'elle est. Ce qu'elle a toujours été. Ce qu'une seule personne a réussi à contrer. Depuis quand te soucies-tu de ces histoires de frontières ? l'attaque-t-elle d'une voix amusée, soufflant doucement contre le sol.
Un nom. Merde.
Un nom. Doit-elle lui donner le vrai, ou bien en inventer un pour le tromper ? Doit-elle encore jouer à ces jeux de faux noms ? Son – deuxième – fils aura-t-il, lui aussi, deux noms selon le territoire où il errera ? J'avais pensé à Ragnar. Qu'en dis-tu ? demande-t-elle d'une voix qui se brise un peu suite à la première contraction. Pourtant, elle garde son regard sombre ancré dans le sien. La douleur, elle connait. Pire.
Elle aime ça.

Elle fixe ses lèvres. Qu'elle a embrassé. Elle a un goût de trahison dans la bouche, de honte aussi, et ça lui brûle la gorge. Mais elle résiste. Elle doit rester droite et la tête haute. Même pour le dernier jour. Ragnar. Le nom d'un futur démon. Si son souhait, à son premier enfant, était d'en faire une machine comme elle – et que c'était là la raison de son abandon en voyant qu'il ne sera jamais ainsi – à présent, elle souhaite de tout son être qu'il ne le soit pas, celui-ci.
Sa voix change. Elle est trop douce et la noire couche ses oreilles, méfiante. Les contractions agitent son ventre peu à peu, mais son attention reste focalisée sur le mâle. Quoi donc ? crache-t-elle, hargneuse.

Je sais déjà tout ça. répond-elle avec un sourire, comme pour souligner qu'elle a une marque d'avance. Certains sont venus me le dire. Mais je ne l'ai jamais vu. Je suis étonnée qu'il ait survécu. J'ai rencontré une jument de la Cité qui l'a élevé. crache-t-elle avec dédain. Elle lâche un léger rire. Nous rallier ? Je pense qu'il me déteste. Et qu'il déteste l'Egypte. C'est un Nordique, il n'a rien à voir avec nous. Elle inspire à fond, fermant les yeux une seconde pour affronter les ténèbres de son esprit et se préparer à sa mise à bas.

Elle montre les dents, comme un loup. Elle lui parle comme elle le souhaite. Ramsès sait très bien qu'il n'a jamais eu aucun contrôle sur elle. Et il va bientôt découvrir à quel point.
L'idée de voir son premier fils mort devrait laisser son esprit tortueux complètement indifférent. Pourtant, depuis tout ça, elle y est attachée. Sans l'avoir jamais vu. À croire que le monstre se fait timide en elle. Fais ce qu'il te plaira, murmure-t-elle pourtant, se retournant sous la douleur des contractions se faisant plus rapprochées et insistantes. Elle commence à respirer profondément. Elle redresse la tête pour observer son dominant, mais ce qu'elle voit, derrière-lui, sont deux yeux bleus qui brillent dans l'obscurité ambiante de la caverne. Comme deux étoiles auxquelles elle se raccroche. Elle détourne le regard pour ne pas trahir sa présence auprès de Ramsès et ferme les yeux.

Il a le même sourire qu'elle sur les lèvres. Ça lui déplait. Comme s'il lui prenait quelque chose. Comme si sa vie n'était pas assez. Elle ferme les yeux très fort, l'entend à peine. Les contractions deviennent douloureuses et elle pose la tête sur le sol, essoufflé déjà, les naseaux grands ouverts rejetant de l'air rapidement. Le travail commence, et son corps entier se crispe.

( je veux bien qu'il parlotte un peu, vite fait, quelques posts pas plus si tu veux   )