dying storm / f

[ poisonous vibrations help my body run ]

La tempête plie les arbres comme de simples brindilles. Les forces colossales de la nature s'abattent sur l'Île comme pour la punir. Faucon admire cette puissance destructrices autant que nécessaire. Il affronte les torrents d'eau pour faire une dernière ronde avant de retourner au Nid. C'est là qu'il l'a trouvée. Son odeur. Si familière, si disparue. Quand il est revenu de son petit périple familial, il a espéré la croiser, mais Toundra était invisible au camp. La connaissant si indépendante, peut-être s'était-elle écartée pendant son absence. Cela ne l'avait pas étonné.

Près du dojo, son odeur devient plus forte. Règne avec elle une autre fragrance que Faucon connait bien aussi, et celle-ci aussi, il ne l'a plus sentie depuis plusieurs mois. Celle de la mort. L'association ne trouble pas le rapace. Toundra a toujours porté ça en elle, comme lui. Il se souvient de leur première élimination ensemble, duo infernal que rien ni personne ne pouvait arrêter. Il a un sourire en coin et il accélère, malgré le vent, malgré la tempête. Son poil brun trempé semble presque noir et ses crins lui gâchent un peu la vue. Mais ce n'est pas comme s'il s'en remettait à ça, de toute façon. Il se laisse guider par son odorat et son ouïe ultra-fins. Elle a dû venir ici s'entraîner, reprendre ses marques avec les siens, se...

Il s'est figé net. Près du centre d'entraînement, il n'y a personne. Pourtant, pour lui, son odeur est forte, entêtante. Il en a soudainement la tête qui tourne. Un pressentiment mauvais l'ébranle, lui, dur comme l'acier, inébranlable comme une tour de glace érigée pour survivre à n'importe quelle tempête, n'importe quel ouragan. Peut-être n'est-il pas prêt à ça, finalement.
Son corps se trouve dans les fourrés, là où personne ne pourrait la trouver sinon lui. Peut-être qu'elle l'y attendait. Il la tire sur le terrain d'entraînement. Tire ce qu'il reste d'elle. Un corps abîmé, rongé par le temps déjà, dévoré par la mort qui a plus d'une longueur d'avance sur lui. Comment a-t-il fait pour ne pas la trouver avant ? Comment a-t-elle pu mourir sans qu'il ne la découvre, sans qu'il ne la sauve ?
Comment a-t-elle pu mourir, simplement ?

Le mâle reste interdit. Il fixe la carcasse de sa soeur avec frigidité. Même s'il n'y a personne pour voir la peine qui l'accable, Faucon ne montre rien. Aucune larme ne viendra s'ajouter à ses joues déjà trempées. Aucune expression de tristesse ou d'impuissance ne viendra tordre sa bouche restée droite. Déjà, son cerveau analyse, décrypte, déchiffre. Vu son état, cela fait de nombreuses semaines qu'elle a perdu la vie. C'est un fait et Faucon digérera ça plus tard. Pour l'instant, ce qui l'intéresse c'est de découvrir ce qui l'a tuée. Il connait suffisamment bien sa soeur pour savoir qu'elle ne se serait pas faite avoir par un prédateur, même par plusieurs. Son entraînement, comme le sien, était trop élaboré pour ça. Elle était le prédateur. Il plisse les yeux et, soudainement, les ferme. Peut-être qu'il en apprendra plus ainsi. Après quelques longues secondes de recherches olfactives, une odeur odeur se dessine dans sa tête. Plus discrète, moins facilement retrouvable sur le corps de Toundra. Mais terriblement familière, tout autant que la sienne, sinon plus encore.

L'oeil glacé de Faucon s'ouvre d'un seul coup. Un éclair frappe l'arbre juste à côté de lui mais il ne bouge pas d'un poil. Son souffle s'est heurté et cette fois, une émotion traverse son visage. Une colère meurtrière.
Comment a-t-elle pu..? Comment a-t-elle osé..?
Une rupture se crée en lui. Il a toujours dit qu'il lui pardonnerait tout.
Mais ça, il ne le lui pardonnerait jamais. Il allait falloir qu'il la trouve. La débusque. Si elle avait fait ça, c'est qu'elle était revenue dans les parages. Au fond de lui, une petite partie espère secrètement qu'il ne la retrouve jamais. Parce que son code est implacable et aucune excuse n'est faite. Ni pour les amis, ni pour la famille. Si quelqu'un correspond au profil incriminé, il doit être éliminé. Séléné en a fait les frais.
Il dépose un baiser funéraire sur le front endommagé de la belle Toundra. Azel, sa Azel. Ils avaient partagé tant de choses. S'étaient-ils perdus, à la fin ? Faucon n'y pensera pas. Il la traînera jusqu'au camp, là où les corps sont déposés en attente d'une cérémonie funéraire. Il n'y en a pas souvent, sur l'Île. En tout cas, il n'en a jamais fait une depuis qu'il est ici. Et il aurait bien aimé que la première qu'il ait à organiser ne soit pas pour sa propre soeur.

Peut-être devinera-t-on une larme timide se mêler au torrent provoqué par la pluie, juste là, sur son visage sérieux et fermé. Peut-être ne devinera-t-on jamais combien quelque chose se brise, à l'intérieur, là où il a tout mis sous scellé.
Le code n'accepte aucune exception.
Pas même pour sa propre mère.

(sujet qui n'attend pas forcément de réponse, mais si vous voulez, avec plaisir  )