-- Chasing cars

L'eau est fraîche, froide. Otsoa s'enfonce quand même dans le liquide azur, se lavant ainsi de toutes les crasses emmagasinées dans la journée.

cela doit bien faire une heure. une heure qu'il observe le reflet de l'eau dans le reflet de ses yeux dans le reflet de l'eau du reflet de ses yeux. il ne comprend pas. pourquoi sont-ils si bleus ? et pourquoi pas roses ? pourquoi la couleur des deux plus grandes étendues du monde ? le ciel et la mer. pourquoi est-il réduit aux deux éléments les plus banales de la nature ? ceux que tout le monde connait et que tout le monde a déjà vu ? et pourquoi n'a t-il pas les yeux blancs, comme du muguet ? tout le monde ne connait pas le muguet, si ?

Otsoa aperçoit un étalon pie. Elle l'observe, restant en premier temps à distance. Ses yeux ne se languissent pas de son image tandis que son cerveau analyse cet inconnu. Elle finit par le rejoindre, silencieuse. Elle se place à ses côtés. Ainsi son reflet rejoint celui de l'étalon dans la surface lisse du bassin azur. Elle se met à contempler, les deux images qui se réfléchissent dans l'eau. Les yeux bleus de l'étalon se noient avec le liquide, de la même couleur que ce dernier. Elle s'y aventure, s'y perd et commence à se poser des questions. Elle hésite à les établir réellement, sur la réserve.

il voit quelqu'un rejoindre son reflet. ça ne semble pas l'étonner, il ne sursaute même pas. ça doit pourtant être effrayant, voir l'image d'un individu apparaître en face de soit, alors qu'il est derrière nous. le pie ne se retourne même pas. ses yeux cherchent mécaniquement ceux du visage dans le reflet mouvementé de l'eau. tu t'interroges aussi ? c'est amusant de pouvoir juger sa propre personne.

« Oui. » Elle s'interroge, réellement. Elle est perdue, désorientée. Le regard bleu de l'étalon, elle se noie dedans. Elle reste concentrée sur son reflet, ne s'intéressant pas à ses formes réelles. « Tu te juges aussi donc ? Et alors, quel est le résultat de ton jugement ? »

La surface de l'eau se stabilise et laisse apparaître le visage d'une jument grisonnante adoucit par des traits fins. Rhapsodie la détaille silencieusement sans y apporter de jugement. Il reste d'une placidité déconcertante. je me trouve bien imprudent. le jugement de soit est souvent trop sévère. et dieu sait ce que je pourrais m'infliger pour me punir.