Good bye my lovers | T.

Les yeux dans le vide, je laissais l'ambiance festive de l'endroit m'envahir. J'étais venue seule, comme depuis trop d'années. Depuis Ken. Une boule se forma dans ma gorge, que je ravalai aussitôt. On disait que la saint-valentin était une fête joyeuse et pleine d'amour. Foutaise ! Ce n'était qu'un jour sinistre pour se rappeler de vieilles erreurs qui nous pesaient encore. Si je n'étais pas partie, il serait peut-être encore là, à me regarder, à me sourire. Une larme coula le long de ma joue. Chaude, presque réconfortante.

Un hennissement enfantin me tira de mes sombres réflexions. Je me forçai à dessiner un sourire sur mes lèvres.

Des bruits de sabots me firent tourner la tête. Je regardai dans cette direction, mais le soir commencait à tomber et, de là où j'étais, je n'apercevais qu'une vague silhouette. Si cette dernière ne me disait rien, l'odeur qui s'en dégageait m'était familière. Impossible de me souvenir à qui apertenait cette fragence. J'avançai en direction de l'inconnu pour découvrir un jeune étalon pie alezan. Je mourrais d'envie de lui balancer le commun "Qui êtes-vous ?", mais les conventions sociales m'empéchaient ce débordemment. Au moins aujourd'hui, je me devais d'être présentable.

Pourtant, l'odeur me hantait, elle tournait dans ma tête comme un refrain trop souvent écouté. Décidemment, moi et les odeurs, ça faisait deux. A mieux y réfléchir, cet arôme provoquait chez moi une sorte de mal-être. Etrange. Je restai là, à fixer le pie, en silence, mon regard plongé dans le sien.

Je dévisageai l'étalon quelque secondes. Toujours aucun souvenir. Mes sentiments prirent les devant et je senti monter en moi une bouffée de haine et de vengeance. Mes oreilles s'enfouirent sous mes crins et je mis encore quelques secondes avant de lacher, d'une voix plus aigüe que je ne l'aurais voulu.

« Moï ? » m'exclamais-je entre l'incompréhention et la colère.

Il avait tant changé et ce n'était pas à mon avantage. Le poulain que j'avais croisé s'était affermi. J'aurais plus de mal à le battre. Je n'abandonnerais pas. Sans attendre de réponse, je me jetai sur lui sans laisser au pie l'occasion de réagir. Visant sa gorge, je tentai de le mordre violemment avec un grognement rageur.

Je serrai les dents. Surtout, je ne devais montrer aucun signe de faiblesse. L'air commençait vraiment à être vital. Je me forçai à respirer avec ce qui restait de ma jugulaire hors de ses dents meurtrières. Je frappai à nouveau, dans le genou, cette fois, puis, sans même attendre sa réaction, dans son second genou. Je ne sentais plus la douleur. Entre la folie et l'adrénaline, je me forçais à réfléchir pour ne pas céder à la panique. J'aurais voulu, pourtant. Juste peter un cable et mourir sans m'en rendre compte. Plus je me concentrais sur ce que je devais faire, plus la douleur perçait au-dessus de tout.