lovers on the sun

Björn s'était isolé du reste du groupe, s'occupant de vadrouiller dans ce nouveau territoire qu'était le sien. Ils n'avaient pas de terre attribuées, et il sentait, de manière imperceptible, que les habitants de ces terres n'aimaient pas tant les voir se balader sur les différentes terres. Ils n'avaient rien dit, mais l'étalon alezan comprenait que quelque chose s'était produit ici, il y a peu, et que les GSiens se montreraient méfiants à leur égard. Il se contentait donc de repérer les lieux, par curiosité, mais aussi également par stratégie. Debout en haut du mont Olympe, au crépuscule, l'étalon à l'oeil cerclé de blanc observait, paisible, les terres nimbées d'ocre et d'orange, son fragment ne se manifestant pas pour l'instant.

Il ne la sentit ni ne la vit, mais leur lien était encore si fort qu'il pressenti sa présence. A contre-coeur, par instinct, il tourna la tête vers elle. Il ne put retenir la lueur torturée qui glissa dans ses yeux pourtant si froids habituellement. Elle était si belle, encore et toujours, si douce, si tendre, si magnifique, si inaccessible. Sublimement inaccessible. Elle ne lui appartenait plus, ne lui appartiendrait plus. Il ne le permettrait pas, et elle non plus sans doute. Ses yeux sombres cherchèrent sur sa peau bicolore les plaies qu'il avait creusé, mais elle était trop loin. Il déglutit, sa gorge nouée lui donnant l'impression d'étouffer, de se noyer dans sa salive. Il ne sut que dire, que faire, alors il resta à l'observer, de son oeil cerclé de blanc, si caractéristique.

Une voix sournoise lui dictait, dans un murmure reptilien : elle pourrait te comprendre après tout ... ce n'est pas de ta faute, si tu es soumis au fragment. Tu n'as rien choisi ! Il balaya ces pensées en fronçant les sourcils, surveillant son corps, priant pour que ce satané fragment ne se manifeste pas dans ce moment, ô combien crucial ! Tous les moments qu'il pouvait passer avec elle étaient cruellement précieux, bien qu'il essaie - vainement - de l'éviter, fuyant la possibilité de lui faire du mal. Elle agissait de façon tellement ... pas naturelle, pas elle, que cela lui déchira littéralement le coeur. Aussi se surprit-il à bégayer pour lui répondre, lui d'habitude si calme et maître de ses émotions : Sa...sa...lut. Il ronfla des naseaux, piaffant légèrement, voulant marcher vers elle mais son corps ne lui obéissant pas.

Il se mordit la langue, détournant brièvement ses yeux d'elle, pour les porter vers l'horizon. Quelques oiseaux de proie volaient dans le ciel, aussi concentra-t-il son attention sur eux, histoire de focaliser sa gêne et de lui faire face correctement. Il ne devait pas se laisser aller, mais s'il se mettait la pression, il perdrait pied. Quand ses yeux sombres se reposèrent sur elle, il semblait bien plus maître de ses émotions que jusqu'alors. Je vais bien, mentit-il, faisant deux pas vers, d'un pas presque dansant, mettant tous ses efforts dans l'exécution de ce rapprochement. Estimant la distance entre eux respectable ( trois mètres ), il s'arrêta de nouveau, et osa de nouveau la regarder, son coeur se coupant du reste de son corps lorsqu'il croisa ses yeux noisettes. Ciel, qu'elle lui manquait. Et toi, comment vas-tu ? Tu t'intègres bien ici ? fit-il, l'air de rien. Parler de futilités, oui. C'était le bon plan.

Il serait devenu fou s'il apprenait que quelqu'un la convoitait. Si il avait su qu'elle convoitait quelqu'un. Le fragment d'Arès décuplerait la force de sa jalousie et de sa colère et il deviendrait complètement fou. Mais aux dernières nouvelles, tout allait bien. Elle lui assura qu'elle allait bien et il fut partagé entre trois sentiments : la déception qu'elle aille bien malgré le fait qu'ils ne soient plus ensemble, la jalousie qu'elle aille bien et lui non ; son pouvoir était bien plus sympa que le sien, et aussi la joie de voir qu'elle allait bien, parce qu'il l'aimait encore et qu'il voulait son bonheur. Il fit quelque pas sur le côté, s'éloignant d'elle sans pour autant trop la fuir. Il esquissa un sourire - à peine ! -, soufflant sur un buisson un peu desséché. Moi non. Tu as rencontré des gens ? Il glissa un regard attentif vers elle.

Il frémit lorsqu'elle s'approcha soudain de lui, sentant son souffle sur son épaule. Il sursauta et eut un léger mouvement de recul, presque apeuré. Il avait très peur de la toucher. Elle était si fragile, comme Marilena, comme une poupée de porcelaine, et il savait très bien qu'il pouvait la briser d'un revers de la tête. Il hésite une seconde, se demandant s'il doit se dévoiler... il est si pessimiste ! Il s'en voudrait de l'emmener avec lui dans sa tristesse et sa destruction. Je ... ne pense pas que ce soit une bonne idée d'être ici, nous ... on va leur attirer des ennuis, finit-il en chuchotant, lançant un regard aux alentours.

Aux gens d'ici ! dit-il plus fort, d'un ton un peu désespéré, comme si c'était évident. Et puis, elle le prit au dépourvu, retournant le couteau dans la plaie, déchirant son poitrail pour mettre son coeur à nu. Il fit un geste de recul encore plus soudain, levant la tête en ronflant des naseaux, son oeil cerclé de blanc lui donnant un air méchant. Il ferma les yeux quelques secondes, s'exhortant au calme. Profondément. Faites qu'elle ne me provoque pas, pria-t-il silencieusement. Il rouvrit ses yeux et dit d'une voix posée. Bien sûr que je suis content de te revoir, Halley, dit-il, et son nom résonna dans sa bouche de façon tendre et suave à la fois, mais je ... tu sais bien ce qui s'est passé la dernière fois. Son regard la fuya, glissant sur le côté pour finir sur ses sabots.

Elle disait cela avec tant de conviction qu'il aurait été tenté d'y croire. Mais depuis leur malédiction, Björn était purement un défaitiste, un pessimiste. Il se sentait comme une erreur de la nature, il savait qu'ils n'avaient pas leur place auprès des autres. Seuls eux pouvaient se comprendre. Et c'est peut-être ce pessimisme qui finirait par le conduire du côté obscur de ce fragment indomptable, plus tard. Pour l'heure, il se laissait bercer par la voix douce de son ancienne amante qui finit par se lover - presque - contre lui. Il se figea instantanément, statue de glace, ses muscles bandés sous sa peau rousse, son regard portant au loin. Il ne savait pas du tout comment réagir devant ce contact redouté et tant fantasmé. C'était la première fois qu'il se touchait depuis .. depuis l'accident. Le souffle coupé, il glissa un regard vers elle, et, imperceptiblement, abaissa sa tête pour l'enlacer, légèrement et maladroitement. Il n'avait jamais été aussi gauche avec elle. Autrefois, leurs gestes et leurs paroles étaient purement naturels.