little things

Un vent glacial balaya la clairière, s'ajoutant à la pluie torrentielle qui n'avait cessée de tomber depuis l'aube, cachant de ses nuages gris le soleil qui aurait pût percer.
Améthyste grimaça de dégoût devant le terrain inondé, pestant de devoir avoir à traverser cette étendue de boue dans la quelle ses sabots s'enfonçaient dans un bruit entêtant, et c'est avec un soupir de soulagement qu'elle se plaqua contre l'immense pierre que représentait le menhir, s'abritant du mieux qu'elle pouvait.

Leith, ennuyé, ne savait pas vraiment quoi faire. Entre le changement d'Alice, Kiyo qui semblait lui en vouloir, la perte de ses amis et de la dominance, il ne savait que faire. Qui plus est, l'envie de déguerpir de ces terres le titillait de plus en plus. Il pourrait reconstruire une vie, ailleurs. Recommencer à zéro. Ici, il est obligé de respecter son étiquette de violent macho - ce qui, au fond de lui, était faux.
Le bicolore s'abrita sous le menhir, puis une douce odeur le fit tourner la tête. Une odeur tellement familière et inconnue à la fois. Il plissa les yeux, naseaux dilatés, tout en fixant la jument blanche à ses côtés, cherchant bien d'où venait ce semblant de déjà vu.

Surprise par l’apparition d'un étalon qu'elle n'avait ni vu ni sentit au préalable, les iris de la grise s'écarquillèrent légèrement et l'envie de crier la titilla ; seulement, elle ne serait pas bien crédible si elle se mettait à hurler dès qu'on la surprenait. Elle n'était pas faible. C'était du moins ce qu'elle pensait.
Ne supportant plus la façon qu'avait l'étalon de la fixer sans piper mot elle balbutia, mi-gênée mi-en colère, un simple ; « Quoi ? j'ai une mouche collée sur le front ? » et ses oreilles se plaquèrent légèrement sur son front, tandis qu'elle fuyait le regard de l'inconnu.

« Vous m'êtes familière. Permettez ? »
Il approcha son visage blanc immaculé, ses yeux clairs pénétrant dans ceux sombres de la jument. Il la détailla avec précision, ne laissant échapper aucun élément. L'odeur le frappa et il il n'hésita plus.
« Pirate, tu t'es transformé en fille ? »
Railla-t-il, tout en sachant que ce n'était pas lui. Mais il faisait tout comme. Parce que, mine de rien, il lui manquait terriblement.

Elle eut un brusque mouvement de recul lorsqu'il approche sa tête de la sienne, plaquant ses oreilles contre son crâne, se voulant menaçante sans vraiment l'être. Sa dernière remarque poussa pourtant sa curiosité à pic et, toute trace de colère envolée, ses oreilles se dressèrent tandis que la grise allongeait son encolure.
« Pirate ? »
Articula t-elle, fixant l'étalon avec une curiosité non-dissimulée.

« Je reconnaîtrais l'odeur de Coeur de Pirate entre milles, alors t'as pas intérêt de mentir ma jolie »
Sur ces mots, il lui sourit - un sourire ironique - et s'ébroua vivement, enlevant l'eau qui s'était posée sur ses crins et sa robe bicolore.

Améthyste pencha avec nonchalance sa tête grisée, se demandant bien de quoi parlait l'étalon - et ses yeux s'écarquillèrent soudainement, réalisant qu'elle avait peut-être trouvé ce qu'elle cherchait depuis toujours. Son père.
« Que sais-tu de lui ? »
Lui demanda t-elle du tac au tac, ignorant la dernière réplique du bicolore.

Il dilate ses naseaux, devenant de plus en plus énervé, de plus en plus agacé par le comportement de la grise. Comment ça, elle ne le connaissait pas ? Mais elle portait son odeur, et lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, tout de même ! Obligatoirement, elle l'avait connu.
« Que c'est qu'un sale con de lâcheur »

« Oh »
Elle se tut quelques secondes, son regard maintenant perdu dans le vide, semblant abandonner - et cette perspective la dégoûta au plus haut point. Elle releva de nouveau la tête, se mettant en tête de continuer à poser tout un tas de questions sur son père - et elle pouvait être très têtue. Consciente qu'elle n'allait pas pouvoir le questionner indéfiniment et qu'il finirait par s'énerver ou lui-même poser des questions, elle n'en tint pas compte ; sa curiosité l'emportait toujours sur sa raison.
« Il a vécu ici ? »

Leith la toisa de haut en bas, avec une certaine méfiance, et aussi un peu d'espoir, tout simplement parce qu'elle représentait, même inconsciemment, son ami disparu. Même physique, et elle semblait presque avoir le même caractère. Il ignora la question de la grisée, préférant lui poser celle qui était la plus importante à ses yeux.
« C'est ton frère ? Ton père ? »

La grise poussa un râle d'exaspération en voyant que l'étalon avait ignoré sa question. Ses oreilles rabattues vers son crâne, elle fouetta de sa longue queue grisée ses flancs, martelant le sol d'un unique sabot, prouvant sa mauvaise humeur.
« On ne répond pas à une question par une autre question »
Railla t-elle, attendant patiemment la réponse de la question qu'elle avait posé précédemment. Elle ne savait pourtant pas jusqu'où les nerfs du bicolore allait tenir ; c'était une sorte de défi, d'essayer de l’apercevoir au summum de sa colère - et elle ne tenait pas compte des coups qu'elle pourrait bel et bien se prendre.

MSN !

Leith se contenta de la regarder avec ennui, comme si ce n'était qu'un caprice d'un enfant. Son regard de glace se reporta ailleurs, et ayant constaté que la pluie s'était arrêtée pour quelques minutes, il commença à s'éloigner du menhir. Soit, si elle ne voulait pas répondre à sa question, il ne le ferait pas avec les siennes.

Constatant avec agacement le silence de l'étalon, sa queue revint frapper ses flancs, tandis que son regard parcourait le lointain avec lassitude. Restée stoïque quelques minutes, elle ne put pas s'empêcher de craquer et de briser le silence de l'endroit ;
« Ce silence te mèneras à rien. J'aurais pas de mal à trouver quelqu'un qui connaisse Pirate, pour savoir au moins s'il avait vécu ici, alors que pour toi je suis la seule à détenir des réponses. »
Elle tenta de bomber le torse, se voulant grandir son petit mètre soixante, pour paraître plus crédible - ce qui ne servit strictement à rien.

Leith se retourna avec un sourire amusé. Evidemment qu'il avait vécu ici, sinon Leith ne le connaitrait pas. Mais beaucoup de ses questions resteraient sans réponses, pour la simple et bonne raison que le Pirate ne s'ouvrait pas à grand monde, et qu'il n'avait qu'un ami très proche, et c'était lui.
« Je suis sûr que je pourrais te fournir plus d'informations que les autres. Après tout, nous étions meilleurs amis. »

« Et qui te dis que je ne le connaissais pas encore plus personnellement ? »
Elle mentait -elle ne le connaissait pas du tout, sauf de quelques ragots de sa mère - mais elle le faisait bien ; ses iris se plantèrent dans ceux du bicolore, déterminés à trouver la vérité - et ce même s'il n'avait pas l'air très apte à parler sans poser lui-même de question.