L'imprévisible, même visible, ne peut être prévu... (naissance)

Encore et encore, la jument grise avait arpenté les plaines, tout droit, sans s'arrêter. Essoufflée, elle s'était stoppé net en apercevant la construction. Son visage avait beau paraître calme, à l'intérieur, elle se battait comme une lionne contre ses peurs. Dans sa course, elle avait un peu libéré le démon que chacun à, qu'elle-même avait scellé il y a longtemps. Réveillé par Ramsès, attisé par Lunaio. Il fallait qu'elle le libère et le dompte. Ses oreilles se couchèrent sur sa nuque, et elle approcha du Cercle de Pierre.

Le vent était en la faveur de Budapest. D'ailleurs, ce dernier ignorait tout de son manège. Mais sans doute s'en rendrait-il bientôt compte. Caelis, comme si elle était face à un adversaire invisible, se cabra légèrement en arrivant au centre. Elle souffla et gronda, abattant un de ses antérieurs devant elle, puis de se tourner dans une volte face rapide, lançant ses postérieurs cette fois. Elle s'ébroua, oreilles toujours en arrière, et surveilla les alentours. Elle ne voulait pas être vue: pour une future mère, c'est peu sage. Mais la grise avait seulement très peur.

Elle ne l'avait pas entendu venir, et sursauta quand il lui parla, bondissant en arrière. Caelis pâlit. Vraiment. La petite grise bredouilla. Euh...oui. Dit-elle rapidement, oreilles dirigées vers l'arrière. Salut, au fait, Budapest. Et toi? Une rafale de vent ébouriffa ses crins. Elle resta immobile, cherchant le regard du pie de ses yeux apeurés.

L'étalon ne pouvait bien sur pas savoir ce qui la tourmentait tant. Sans doute imaginait-il que c'était sa grossesse, qui la perturbait. La petite grise lui sourit, les larmes lui montèrent aux yeux. Qu'elle était contente de le voir! La demoiselle voulut venir se blottir contre lui, quand une soudaine douleur au ventre la fit se stopper net. Dap, je... Elle regarda son ventre en grimaçant. Elle sentit quelque chose arriver, et se répandre sur ses postérieurs. J'accouche. Une nouvelle contraction la fit reculer. Caelis chercha du regard un endroit où elle pourrait mettre bas...quelque chose de confortable. Ses naseaux dilatés, elle plongea ses yeux à la fois apeurés et heureux dans ceux de Budapest. Ils s'étaient trouvés juste à temps.

Elle le remercia d'un coup de tête affectueux, trébuchant parfois, soudainement fébrile. Une fois arrivée sur l'amas de trèfles, la grise fléchit ses genoux et s'allongea. Ils ne s'étaient pas beaucoup vus, pendant sa grossesse. Caelis réfléchit à toute vitesse. Ils ne s'étaient même jamais embrassés. Mais jusque là, c'était comme si ce n'était pas réel, pour la petite blanche. Comme si c'était un rêve. Et elle réalisait d'un coup leur retard. Elle avait besoin de savoir. Haletante, la tête posée dans l'herbe, au pied du bloc de pierre, sa respiration se faisait de plus en plus saccadée. Caelis eu droit à une petite pause, quoique son travail ne faisait que commencer. Elle avait perdu les eaux, et ne pouvait donc plus reculer. Dap, je... Décidément, elle se répétait toujours plus. Est-ce qu'on est en couple? Son regard en disait long, autant sur son stress que sur ses sentiments, et son espoir. Puis sur tout le reste. Elle gémit, prise par une nouvelle contraction.

Après ses dernières paroles, un silence pesant s'abattit. Et puis elle était bien obligée d'accoucher. Acceptant malgré tout l'aide que lui proposait l'étalon pie, elle se remit au travail, malgré elle, hochant simplement la tête en signe d'approbation. Ses naseaux se dilatèrent d'autant plus, la tête appuyée contre le sol, poussant comme elle le pouvait. Et finalement, les petits sabots de Mara commencèrent à se montrer, pendant que Caelis redoublait d'efforts.

Caelis sourit et, avant d'expulser Mara définitivement de son ventre, juste entre deux contractions: Dap? J'attendrais, tu sais... La petite pouliche isabelle sortit finalement complètement, glissant dans l'herbe comme sur un toboggan. Sa mère, remerciant l'étalon par un effleurement de ses naseaux contre sa joue, décida d'enlever le reste du placenta de son enfant et de couper le cordon ombilical. Mara, toute tremblante et couchée en vache se laissa nettoyer sans discuter, ses oreilles déjà dressées.

La jument grise, encore recouverte de sueur, revint se mettre à côté de Budapest, flan contre flan. Merci. Épuisée, elle lâcha un petit rire. Je te présente ta fille: Mara. Caelis signifia à la petite, qui essayait de se lever tant bien que mal, qu'il lui faudrait faire un ou deux pas pour venir chercher sa nourriture. Mara hennit plaintivement, jetant un regard d'intérêt à Dap. Puis elle se décida, chancelante, à venir manger. Elle saisit une mamelle et engloutit le lait avec gourmandise. Sa mère scruta la réaction de l'étalon pie, une étincelle pétillant dans ses yeux chocolats. Alors, elle te plaît?

Caelis le laissa faire, reprenant elle-même son souffle. Mara, elle, tout en tétant sa mère, regardait son père avec curiosité. Et même, avec un vif intérêt. C'est le second équidé qu'elle rencontrait, et cela avait donc beaucoup d'intérêt. La petite isabelle, décrochant son emprise sur les mamelles de la jument grise, essaya de venir sentir les naseaux de Budapest. Elle fit quelques pas, fébrile, puis s'écroula sur le côté. Caelis gloussa, posant ses naseaux près de l'encolure de la petite.