qu'on soit l'ombre des cieux

Le sujet s'orientant vers les hommes, la jument s'assombrit légèrement. -On ne peut connaître leurs intentions avec certitude. Mais ils nous capturent et nous emmènent avec eux. De ce que j'en sais, certains seront sûrement dressés pour leur servir de monture... Lâcha avec un mépris évident. Sa liberté était ce qu'elle avait de plus cher, elle ne supporterait pas d'être emprisonnée et réduite en esclavage de la sorte. -Mais ne vous en faites pas, des mesures seront prises sous peu. Assura -t- elle avec un nouveau sourire. Puis la signification du nom d'Ederkopp piqua sa curiosité à vif. -Araignée ? Vous portez un nom plutôt sombre, tout compte fait, non ?

"dressés ?" il marque une pause, outré, comme si ce mot était à gerber. Il se reprend cependant, même si ses prunelles habituellement sans expression montraient une légère inquiétude. "comment on peut voler la liberté d'un être vivant ? nous sommes sauvages en plus !" il ronchonne pour lui-même "ils ont qu'à continuer leurs foutus élevages sur leurs terres, et nous laisser tranquilles et libres sur les nôtres" Edderkopp partageait bien évidemment cette envie de liberté, commune à la plupart des bêtes nées dans la nature - il ne comprenait que trop bien l'attitude de Calliope à l'égard des hommes. "des mesures ? comment ça ?" Il bouge une oreille, de nouveau curieux. Puis elle reprit sur son nom et il sourit doucement "sombre pour ceux qui ne les aiment pas"

L'indignation de l'étalon la fit sourire ; elle faisait écho à la sienne, plus sourde. D'ailleurs, cela se lisait dans le regard de l'ébène, il semblait s'animer d'une lueur qu'elle ne saurait encore déchiffrer. -Ils n'en ont pas conscience, et quand bien même ils le sauraient, ils n'en tiendraient pas compte une seule seconde. Ils font comme chez eux, se permettent tout. Leur odeur a imprégné certaines terres du midi, ils ont dû y faire plusieurs excursions. La brune sentit un tremblement de colère l'agiter rien qu'à cette pensée. Le Midi était connu pour sa quiétude et sa sécurité. L'idée que des étrangers tels que les hommes aient pu y mettre les pieds la mettait dans une colère sombre. -Oui, il y a eu une discussion avec les autres dominants, il y a quelques jours. Confessa -t- elle doucement. Pour sûr, une telle présence ne saurait être tolérée très longtemps. Lorsqu'il reprit sur son nom, elle sourit. Cette explication ambiguë ne le rendait que plus mystérieux encore.

"ils vont s'y installer si on ne les chasse pas" il renâcle, se demandant bien pourquoi les troupeaux n'avaient toujours pas fait quelque chose - surtout si leurs congénères étaient enfermés dans des box. L'étalon plaqua ses oreilles en arrière, comme décidé à les renvoyer d'où ils venaient - seulement, il ne savait même pas où ils étaient, et il n'était pas assez stupide pour les déloger de leurs terres tout seul. Il était un minimum réfléchi, mais les savoir là dérangeait largement cet instinct de survie qui l'animait. "tu sais ce qu'ils en ont dit ?"

-C'est là tout le problème, comment les chasser ? Marmonna -t- elle pour toute réponse. Son impatience naturelle la rendait de plus en plus nerveuse. La défense était d'une lenteur à s'organiser ! Ils auraient capturé la moitié de GS avant même qu'ils puissent répliquer. C'était à pleurer. -Pour l'instant, rien de concret n'a été décidé, ce qui est un énorme problème, car on perd du temps. Mais certains sont en faveur d'une réponse par la violence, d'une guerre en somme, et d'autres ont eu l'idée de les avoir par la ruse. Répondit-elle d'un air désabusé, souriant à peine face au tutoiement qui était arrivé naturellement dans la conversation.

Edderkopp pencha légèrement sa tête sur le côté, regard dans le vague, cherchant bien comment on pouvait les faire fuir. Cependant, il était certain qu'une horde de chevaux énervés les chasseraient bien, surtout si ils s'étaient improvisé un camp - si tout était parfaitement construit et protégé, en effet, les équins de ces terres avaient du soucis à se faire. "personne ne s'est encore échappé ?" il était bien triste pour eux, surtout qu'il ne pouvait rien y faire, au final "et toi, tu es de quel côté ? violence ou ruse ?" la ruse ; il en était quasi sûr.

A sa première question, elle secoua négativement la tête, songeuse. -Pas que je sache. Et c'est bien là tout le problème, si l'un des captifs parvenait à s'enfuir, il pourrait nous éclairer sur de nombreuses choses, l'organisation de leurs camps, ce qu'ils nous font... Ce manque d'information rendrait une guerre suicidaire, à mon sens. Souffla -t- elle, partagée. Elle voulait les voir fuir au plus vite, c'était certain. -La ruse, du moins pour le moment. Même s'ils sont encore peu nombreux, je connais un minimum les hommes, et je sais qu'avec les armes qu'ils ont, quand ils décident de répondre par la violence, cela cause des dommages irrémédiables. Je veux les voir partir, mais pas y laisser la moitié de GS. Conclut-elle un peu sombrement. Et pourtant, elle était celle qui n'avait toujours eu qu'une notion approximative du danger, qui se jouait de lui. Téméraire, certes. Mais pas folle.

Elle avait raison, attaquer à l'aveugle était complètement stupide. Pourtant, il était certain que ça pouvait être utile, si les humains n'étaient pas trop nombreux - Edderkopp était partisan de la méthode violente, non pas qu'il n'aimait pas échafauder des plans, mais il appréciait aussi le fouillis de l'imprévisible. Quand elle parle des armes, le noir est complètement perdu "des armes ?" il savait pas que les hommes avaient des armes ; et pourquoi faire ? leur faire du mal ? L'étalon n'avait jamais vraiment fait face à face à un bipède, il les avait aperçu de loin, pendant son voyage, mais rien de plus. "mais si ils cherchent à nous capturer, pourquoi nous blesser ? et quel type d'arme ?"

La confusion du noir était compréhensible. Après tout, personne n'arrivait à cerner avec exactitude les intentions et le comportement de ces bipèdes. -Oui. Je connais un peu les hommes. Ils utilisent surtout des fouets, ou des objets équivalents pour nous contraindre à obéir, pour briser en nous toute forme de réticence. Parfois, ils en utilisent des bien pires, des armes à feu qui causent des dommages irréparables sur nous. J'ai entendu dire qu'ils avaient déjà tiré sur l'un d'entre nous. Mais je ne sais pas pourquoi.

Décidément, les hommes ne devaient pas être très malins pour chercher à faire du mal à ce qu'ils veulent obtenir. Lui, s'il voulait manger un fruit, il irait pas le détruire avant de l'avaler, et s'il voulait parler à quelqu'un, il irait pas lui mordre la croupe au sang ou lui arracher les oreilles. Leur logique lui échappait totalement "c'est complètement idiot" siffla-t-il comme un serpent, avant de reprendre, curieux à nouveau "comment sais-tu tout ça sur les bipèdes ?"

Aux yeux de la jument brune, les hommes étaient décidément des barbares. Et elle se ferait une joie de les déloger, une fois le moment venu, si tant est que cela n'implique pas de bataille frontale. Elle se contenta d'acquiescer pour la première remarque ; oui, c'était complètement idiot. -J'ai pas mal voyagé, pendant quelques temps. J'ai vu du pays, mais j'ai aussi fait des rencontres, et, sans faire partie de leurs montures, j'ai pu approcher et observer certains humains, de plus ou moins près.