Marcher pour abandonner sa tristesse

Je broutais l'herbe du pré. Pas très onctueuse... J'ai connu mieux. Enfin bon, il faut bien se nourrir. Du coin de l'oeil, j'aperçus un bipède qui avançait vers la clôture. Je levais la tête. Il s'agissait de l'idiot qui m'avait capturée. Je n'avais qu'une envie : lui foncer dessus, lui éclater la figure par terre et m'enfuir. Toutefois, je m'abstenais. De toute manière, je ne suis pas une jument violente. Je lançais un hennissement strident en espérant lui casser les oreilles.

Elle était de nouveau dans cette boîte de bois et de paille, où elle s'ennuyait comme un rat mort. Aelwënn, malgré toute sa volonté, avait vu sa vigueur et son énergie décliner, et à présent, elle tournait en rond dans son petit carré, faisant des tas de pailles du bout du nez. Lorsque l'odeur tant haïe des humains se fit plus prononcée, signe que l'un deux arrivait, elle jeta sa tête en dehors du box, oreilles pointées en avant. C'était celui qui l'avait capturée ! Mais il avait un licol dans la main, allait-il la sortir, enfin ?

Ce crétin m'avait IGNORÉE ! Il était partit chercher une jument maigrichonne à la place. Je ne supportais pas ce genre de comportement. Il ne voyait pas que j'essayais d'attirer son attention ? J'étais furieuse, et je me devais de le lui montrer ! Je me mis à galoper près de la clôture en hennissant sans cesse. Puis je faisais demi-tour et répétait la même action, sans m'arrêter. Je cabriolais, ne quittant pas l'humain du regard. Je voulais qu'il remarque mon mécontentement.

Maigrichonne, pour sûr, elle l'était. Mais elle n'avait pas encore perdue toute sa vigueur, ou tout du moins, elle trouvait encore la force de résister un minimum. Seulement, de chaque lutte, elle ne retirait que le triste constat qu'elle ne pouvait pas grand chose contre eux. Par la force ou la patience, ils réussissaient toujours à avoir ce qu'ils désiraient.
L'humain qui l'avait arrachée à sa liberté entra dans le box, et elle recula de plusieurs pas, oreilles plaquées contre crâne autant que possible. Elle eut beau dresser son encolure le plus haut possible, trépigner et secouer la tête dans tous les sens, les liens du licol lui enserrèrent bientôt la tête. A partir de là, elle savait que la partie était jouée.

Willounet

Visiblement, l'humain me parlait. Je n'avais pas besoin de compagnie, pas du tout ! Les brouteurs bon à rien qui me servaient de camarades me suffisaient amplement. Non. Moi ce que je voulais, c'était de sortir de ce pré. L'herbe était mauvaise, les autres chevaux étaient cons comme un balai et ma liberté me manquait. Et maintenant, voilà que le bipède voulait m'amener une jeunette. Pouah. Espérons qu'elle soit pas trop idiote !

(juste, elle est alezane )

Bon sang, que les humains l'énervaient à parler ainsi ! Parce qu'ils leur avaient passé la corde autour de l'encolure, ils s'adressaient à eux comme si tout était acquis, comme s'ils savaient mieux qu'eux ce qui étaient bon pour eux. Comme si un séjour au pré lui ferait du bien ! Et il y avait déjà une autre jument, en outre ! Jetant un regard noir à l'inconnue, Aelwënn se laissa néanmoins mener jusqu'au pré, à contre-coeur.

Son regard noir m'avait glacé le sang. Mais j'avais clairement pas envie de me prendre la tête, là, maintenant. Je secouais ma crinière et avançait doucement vers elle. Je prenais un air doux. Si MADEMOISELLE n'était pas trop stupide, elle serait agréable avec moi à son tour.