Perdue ?

Oui, elle était perdue, plus aucun doute possible. Depuis plusieurs heures elle se disait que les alentours ne lui disait plus rien, ni les odeurs, ni les paysages, rien. Un long soupir s'échappa de ses naseaux, alors que ses yeux parcouraient les alentours.

- Et mince... Bingo ma vieille !

Hérézy se pinça brièvement la lèvre, s'empêchant avec force de ne pas stresser, ou s'inquiéter de s'attirer des ennuis à être ici. Elle se remit à marcher, cherchant à tout prix à s'éloigner de ces montagnes. Magnifiques, par ailleurs.

(oroszlàn)

Et comme à ses habitudes, le dominant erre. Le Lion du Nord se limite maintenant aux territoires que les hommes n'ont pas encore commencé à lui retirer. Il se sent blessé dans sa fierté et dans son âme toute entière qu'ils parviennent à lui interdire l'accès de certaines de ses terres. C'est ici chez lui, non chez eux ! Mais sa dernière révolution lui a valu, quelques jours en arrière, de sacrés blessures dans les barbelés, qui ont cisaillé sa peau de zébrures à peine cicatrisées.
Comme un roi qui aurait perdu son royaume, il marche, de cette démarche toujours élégante et lourde pourtant, sans un bruit, jusqu'à apercevoir une silhouette pommelée au loin. Est-ce cette jument qu'il a rencontré il y a peu, et qu'il a tant effrayée ? Non, son odeur lui est inconnue. Il s'approche, par automatisme, parce qu'après tout, il se doit de vérifier que personne ne vient ici dans le but de rompre le calme et la paix du Septentrion. Dans l'immensité blanche, on ne peut que le remarquer, lui et sa robe dorée.

Hérézy ne faisait que s'enfoncer de plus en plus sur ces terres, alors qu'elle cherchait à tout prix à les quitter. Non, le sens de l'orientation ce n'était vraiment pas son truc !
Bientôt une odeur parvint à ses naseaux, elle les pinça et redressa vivement l'encolure, balayant les alentours du regard avec une vivacité assez exceptionnelle. Ses oreilles bougeaient en tout sens, et sa respiration commençaient à s'accélérer.

*Allons, reprends toi, il ne va pas te tuer !*

Si, certains en seraient capables pour intrusion sur leurs terres. Hérézy était morte de trouille, et bientôt elle ne parviendrait plus à le cacher...
Son regard se posa sur un étalon, magnifique qui plus est, mais à ce moment-là la grise n'était pas du tout dans l'optique de séduire ou d'être séduite ! Elle cherchait simplement à se démêler de cette situation sans en souffrir.

Il la sent tout de suite.
L'odeur de la peur. Viscérale, si familière, si perçante. Pourquoi fait-il peur à ce point-là ? Cela fait des semaines que la premier sentiment des personnes qu'il rencontre est celui de la crainte. Si certains se vanteraient d'avoir l'allure insufflant la peur chez les autres dès le premier regard, ça n'est pas le cas du Lion, qui s'en sent, au contraire, bien plus coupable que fier. Il secoue sa crinière argentée, hennissant vers la jolie pommelée pour lui signifier qu'il venait vers elle sans mauvaise intention. Bien qu'en lui se battent deux forces, deux mondes, et qu'il marche sur le fil, en équilibre. Funambule naviguant sur un océan tumultueux. À se battre contre son pire ennemi, toujours, à chaque pas.
Lui-même.
Il arrive bientôt près d'elle, du moins assez près pour être entendu. Pas trop de mal ici, dans le silence de l'Hiver éternel. « Bonjour. » prononce-t-il, de sa voix habituellement grave et chaude, contrastant avec son territoire pourtant. « Tout va bien ? »

Dès que le hennissement du mâle parvint aux oreilles d'Hérézy, elle émit un long soupir et sentit ses muscles se détendre petit à petit. La voilà soulagée, il ne lui voulait aucun mal. Un fin sourire vint même sur ses lèvres !

- Bonjour !

Hérézy essaya d'empêcher son regard de danser sur le corps entier de l'inconnu mais n'y parvint que brièvement, il était extrêmement séduisant ! Elle abaissa légèrement l'encolure, ne quittant pas pour autant l'étalon du regard.

- Oui oui, j'ai simplement craint que vous ne me reprochiez de me trouver ici. Je me suis perdue !

Un léger rire flotta dans les airs un instant.

La voix de la jument casse un peu cette tension et l'odeur de la peur qu'il avait senti peu avant a complètement disparu. Il est soulagé, lui aussi. Soulagé qu'on ne le craigne pas, qu'elle n'ait plus peur de lui. Il laisse un sourire léger flotter sur ses lèvres, et le rire de la grise lui provoque dans l'esprit les réminiscences d'une époque plus joyeuse, plus facile. Depuis quand n'a-t-il pas entendu quelqu'un rire ainsi ?
Comme elle le fait, il laisse son regard d'un noir profond caresser ses courbes, elle est jolie et il y a dans ses manières quelque chose d'attirant. Il reporte ses pupilles distraites sur celles de l'inconnue. « Je ne chasse personne d'ici pour si peu, voyons ! » Il essaie de rire, ça sonne un peu faux, un peu vieux ; un peu par manque d'habitude peut-être. Il ne lui demande pas en quoi elle a deviné qu'elle se trouve face au dominant du Septentrion, ne s'attardant pas là-dessus. « Vous ne pouviez pas tomber sur meilleur guide pour vous aider, si je puis dire ça ainsi ! Je m'appelle Oroszlàn, et vous êtes ? »

Il était séduisant, et semblait gentil et avenant, tout pour passer un bon moment ! Et tout pour plaire à Hérézy à vrai dire... Mais ça, elle n'y pensait pas. C'était assez rare d'ailleurs, qu'elle n'y pense pas, mais là elle passait simplement un bon moment. Elle sourit plus largement quand il se mit à rire, doué pour détendre l'atmosphère en plus ! Que de qualités...

- Me voilà rassurée !

Une mouche vint emmêler ses crins, alors la grise secoua son encolure brièvement, et l'insecte partit sans demander son reste. Hérézy reposa ensuite ses douces pupilles sur l'entier.

- Enchantée de vous rencontre Oroszlàn, je suis Hérézy, du Midi. Enfin je crois !

Son rire se fit plus franc et plus profond, à vrai dire elle nageait un peu sur ces nouvelles terres, et n'ayant toujours pas voué allégeance à quelqu'un elle nageait d'autant plus...

- Je n'ai pas encore rencontré de dominants, donc je ne sais pas trop à quelles terres j'appartiens, d'où la certaine tension en vous apercevant...

Hérézy. « Joli nom. » répond-il, sincère. Simple, court, poétique. Pas franchement le cas du sien, si dur à l'oreille, si dur à la mémoire, si symbolique pourtant. Il secoue à son tour sa crinière toute aussi argentée que celle de la grise. « Vous venez d'arriver, donc. » conclut-il doucement, sans jugement. Il est toujours favorable à l'arrivée de nouvelles têtes sur Galop Sauvage. « Le Midi est un territoire vaste et riche, et sa dominante, Calliope, est une de mes amies très chères. Elle vous accueillera avec plaisir, croyez-moi. Et je ne chasse personne d'ici tant qu'elle ne trouble pas le calme du territoire. » Il est franc et sincère. Malgré tout, son coeur se serre toujours en pensant à Robin, qui a perdu son territoire en s'éloignant d'ici trop longtemps. Il s'était juré de tout faire pour la protéger...
Là aussi, tu as échoué, gamin. Il chasse les mauvaises pensées de son crâne, dans le but de passer simplement un bon moment. Ça fait si longtemps. « Sauf si le Nord vous convient » lance-t-il avec un léger sourire malicieux.

Un compliment !? Elle ne sut pas vraiment comment réagir, c'était bien la première fois qu'on lui disait qu'elle avait un joli nom ! Devait-elle sourire ? Le remercier ? Hérézy sentit ses joues s'empourprer, elle approcha légèrement son nez de son poitrail, profondément flattée. Oroszlàn lui faisait réellement une très bonne impression.
Encore un peu étourdie, elle acquiesça d'un bref signe de tête à ses paroles. Oui elle venait d'arriver, et quiconque qui la rencontrait aurait pu s'en rendre compte ! Il était amie avec sa dominante, encore inconnue pour Hérézy, elle devait donc être aussi simple et compréhensive que lui, bien.
Il fit un mouvement d'encolure à son tour, réellement, il était plus que séduisant. Il fit résonner sa voix à son tour, sur un ton malicieux. Sans qu'elle puisse réellement savoir pourquoi, cela fit frissonner son échine.

- Je ne sais pas trop, je ne voudrais pas parler sans connaître... Mais je dois vous avouer que, pour l'instant, ce territoire semble très agréable.

A son tour elle sourit avec malice, retrouvant non sans plaisir une chamaillerie innocente.

Il observe et note, comme une machine, chaque détail de son comportement qui trahit ses émotions. Elle rougit, elle semble flattée ou gênée, il ne sait pas. Il n'a jamais été très doué avec ça, il doit bien l'avouer. Mais ça le flatte qu'elle soit sensible à... à quoi ? Son charme ? Sa prestance ? Qu'est-ce qui le caractérise, au fond ? Ça non plus, il ne le sait pas vraiment. Mais il aime le ton que la conversation prend, il aime cette façon qu'elle a de le plonger petit à petit dans... un jeu ? Peu importe, il ne se pose pas trop de questions. Mais tu devrais, gamin. Tu joues bien trop avec le feu, pour le Roi des glaces. « Alors peut-être pourrait-on le visiter ensemble, voir si vous le trouvez plus agréable encore... » susurre-t-il doucement, d'un ton légèrement provocateur et séducteur, en se rapprochant légèrement d'elle.

Un long frisson se mit à parcourir l'échine de la jument grise, comme un souffle qui naquît là où Oroszlàn la frôla, courût le long de son dos, et alla sa nicher tout au creux de ses reins. Hérézy sentit alors comme une chaleur, une douce chaleur, se créer à cet endroit-même. Cette douce et agréable chaleur, elle ne l'avait pas ressentit depuis Lui. Mais elle ne pensait plus à lui, désormais l'odeur de l'étalon doré s'engouffrait dans ses naseaux, et faisait encore grandir cette chaleur, la faisant redoubler de température. Un désir naissait en elle, un désir énorme, mais tout ça elle ne s'en rendait pas compte, elle savourait, point.
Ses yeux se fermèrent, et elle ouvra grand ses naseaux, y laissant se nicher l'odeur de l'étalon doré. Puis les rouvrit, ces derniers étincelants d'une nouvelle flamme, que seul Oroszlàn voyait, et contrôlait.

- Je doute que quoique ce soit puisse désormais me décevoir...

Il ressent chaque respiration profonde qu'elle reprend, et il en profite lui aussi pour inspirer son odeur à fond, la laissant l'envahir. Lorsqu'elle ferme les yeux, le Lion en profite pour laisser son regard vagabonder, la déshabiller, la dévorer, déjà, des yeux. Il le fait glisser sur ses courbes, de son encolure à ses hanches, tentant de contrôler les premiers tremblements chauds amenés par le désir. Un désir fugace, vif, tranchant.
Il cligne des yeux et les replonge dans les siens au moment où elle les rouvre. Ce qu'il y lit, cette flamme dont il se saisit immédiatement, lui arrache un sourire enjôleur. On n'a jamais connu le dominant ainsi, la séduction et lui, ça fait habituellement dix. Mais là, c'est différent.
Et pourtant, tu n'as pas le droit, gamin. Mais c'est justement ça qui est bon. C'est avec l'interdit que tu veux jouer. Et c'est elle, que tu veux.
« Alors allons-y... » Il laisse son souffle caresser son dos alors qu'il pivote, frôlant ses flancs par envie. Il se place à ses côtés, dans le même sens qu'elle, pour pouvoir commencer la visite. Mais il n'a plus aucune envie de jouer le guide, à présent. Pas un guide touristique, en tout cas.

Son souffle, son odeur, son regard, ses paroles, sa voix... Tout séduit Hérézy au plus haut point, et elle ne sait plus où donner de la tête tellement que des dizaines de choses se passent, tout autour d'elle, et surtout en elle. L'air qu'il dépose le long de son dos la fait frissonner, son odeur lui donne des images interdites aux moins de 18 ans, son regard lui donne envie de ne plus jamais le quitter, ses paroles et sa voix remplies de promesses qu'il ne pourra jamais tenir ; tout cela rend la jument grise complètement folle. Elle non plus ce n'est pas son genre, de se montrer séductrice à souhait, d'enjôler les mâles et de se donner au premier venu ; mais avec celui-là, c'était différent. En quoi ? Elle ne savait pas. Où tout ceci allait les mener ? Elle n'y pensait pas. Elle ne pensait à rien d'autre qu'à lui, ses muscles, sa voix et son odeur. Son odeur...

- Je vous suis...

Hérézy se sentait pousser des ailes, comme si Oroszlàn lui donnait la force d'être ce qu'elle n'est pas. Mais elle en avait envie, plus que tout elle avait envie de lui, mais de continuer à se chercher, à se séduire. Même si des sentiments naissaient, de chaque côté, il ne fallait pas se mentir.

- Je vous suivrais partout.

Elle prit le pas, un pas se voulant félin et délicat. Sa queue se panacha légèrement, sans qu'Hérézy ne se rende compte de rien. Son corps parlait, agissait, guidé par ce désir mystique. Son cerveau ne répondait plus de rien, il lui hurlait de tout arrêter, que tout ceci allait très mal finir, mais Hérézy n'entendait rien, elle ne voyait ni n'entendait, ni ne sentait rien d'autre que le bel étalon doré.

Il frissonne aussi. C'est que soudainement, il fait drôlement chaud dans les terres du Nord. Il oublie. Il oublie tout. Il oublie Elune, il oublie ses promesses, il oublie qu'il lui fera du mal. Après tout, où est-elle depuis tout ce temps ? Elle a sûrement disparu, elle aussi, et même si ça lui étreint le coeur, l'étalon doré n'arrive pas à se culpabiliser pour l'instant. Les images qu'Hérézy lui envoie font disjoncter son cerveau déjà bien amoché, déjà si bancal. Il lui est si évident de flancher, de devenir un autre, de laisser les rênes à ceux qui le malmènent à l'intérieur. De la même façon qu'il a perdu Aslaug en devenant fou – et c'est le terme – avec Rowena, il ne sait plus où donner de la tête. Même s'il s'en est toujours voulu de l'avoir trahie et blessée, il n'a jamais pu regretter, car Red est le fils dont il a toujours rêvé. Mais trêve de parlotte intérieure. « Partout, vraiment ? » demande-t-il, en continuant de la provoquer par son regard, par son sourire, toujours légèrement la tête vers lui. Il ne voit pas qu'elle panache sa queue, mais le devine aisément à l'odeur tant rêvée que ses naseaux captent immédiatement. Il ferme les yeux, parce que les chaleurs de la jument auront sa peau sinon. Son pas se fait légèrement plus agité. « Attention. » souffle-t-il soudainement en la poussant sur le côté pour lui faire éviter une crevasse. Pourtant, une fois celle-ci passée, il ne décolle pas ses flancs des siens, et le contact entre leurs peaux lui donnent déjà des frissons d'excitation. Calme-toi, bordel ! Tu vas le regretter, il y a des jeux auxquels tu as déjà trop joué. Auxquels tu as déjà trop perdu. Mais que lui reste-t-il à perdre, au Lion du Nord ?
Il a déjà tant perdu. C'était ça, la liberté : ne plus rien avoir à perdre. Il se sent vivant, alors qu'il lui semble être mort depuis des semaines, et c'est à ça qu'Oroszlàn se raccroche. Il plonge ses grands yeux noirs dans ceux de la jument, sans avoir cessé de marcher. « Comment une si jolie jument a-t-elle pu arriver ici, seule ? Vous devez forcément être accompagnée. »

Oh oui, vraiment partout. Hérézy était dans ce moment de transe, de communion réelle avec l'autre, elle était réellement connectée avec Oroszlàn. S'il lui demandait de sauter, elle sautait, c'était simple. Mais cette connexion pourtant si forte et solide en apparence, peut-être brisée si facilement...
Elle détourna les yeux rien qu'une seconde, pour éviter cette crevasse que lui a signalé le doré. Et ça a suffit, elle était sortit de tout ça, de ce feu ardent qui brulait entre eux. Mais ce n'était pas désagréable pour autant. Encore une qualité mon cher, arriver à doser la séduction, par des instants de "pause", tout ça pour repartir de plus belle après... Il savait charmer cet étalon, aucun doute possible là-dessus. Et malgré son passé difficile, Hérézy n'avait pas apprit à se méfier de ces étalons-là, elle tombait dans le panneau, une nouvelle fois.

- Merci...

Souffla-t-elle, encore essoufflée par l'instant si fort qu'ils venaient de vivre.
Encore un compliment caché... Elle sourit, réellement flattée, touchée, émotionnée. Ses yeux brillaient, comme une enfant.

- Non non, je vous le certifie, je suis bien seule.

Hérézy fit cligner ses paupières plusieurs fois d'affilée, battant des cils comme un papillon.

- Contrairement à vous, c'est absolument certain.

C'était sur, il ne pouvait être célibataire, il était bien trop parfait pour ça. C'était sur un ton presque un peu amer qu'elle avait prononcé ses dernières paroles, comme si elle s'attendait déjà à ce qui allait se produire...