∞ le squelette laboureur

Socrate se surprend à lui sourire à son tour, comme si elle avait rajouté le bout de phrase qui manquait atrocement au discours du mâle. « Aucune connaissance n'est inutile. Aussi j'apprends tant que je peux apprendre même si l'information ne me resservira jamais.. » Raconte l'animal en jetant un bref coup d'oeil au squelette. « Tu penses que j'ai tord ? » Il demande parce que l'avis de la grise l'intéresse et le captive même. Chose étrange chez lui que d'être captivé par quelqu'un qui n'a rien d'exceptionnel à première vue.

Ses oreilles basculent d'arrière en avant, trahissant sa frustration voire même le début d'un énervement. Il était rarement contredit, très rarement. La question de la blanche l'irrite d'autant plus mais il tente d'autant plus de le cacher. Il le fait certainement mal car il ne sait pas comment cacher ses sentiments, il ne sait pas comment on joue avec ses sentiments. Il ne sait rien des sentiments. « A faire fonctionner mes neurones, à les garder éveillés » Fait-il pour toute réponse, d'un ton un peu sec, un peu vif.

Sa phrase le met mal à l'aise et il retrousse ses lèvres, ses dents claquant légèrement sous le coup de la colère, se mettant parfois à grincer légèrement. « Peut être que si. Et que personne ne le sait, que personne s'y prépare. Moi je ne peux pas regarder ma vie se dérouler sous mes yeux sans être actif. Mon existence sera courte, comme la tienne, je veux être certain d'en explorer tous les recoins » Il se tait, se murant dans un léger silence en rivant ses yeux sur le squelette. Son esprit bouillonnait étrangement alors que la blanche ne s'était pas montrée irrespectueuse. Socrate avait connu des situations bien plus embêtantes, bien plus sujettes à l'énervement et pourtant, jamais il n'avait cédé au moindre grincement dents. Aujourd'hui, la situation semblait différente pour l'animal.

Sa question le perturbe et il oublie subitement toute la colère qui venait de monter en lui. Comme un être bipolaire, l'animal s'adoucit immédiatement. « Non, personne ne m'a jamais manqué. Je vis ma vie ainsi depuis que je suis né » Petit autiste.

« Ne rien ressentir, c'est être sans faille d'après toi ? » Il demande, sincère. Ne voyant pas l'avantage de son existence, n'ayant jamais rien connu d'autre. Pour une fois, c'est lui la bête de foire, celle qui attire l'attention. Et pour une fois, ça ne l'embête pas.

Socrate place cette information dans un coin de sa tête, finalement il passe pour un privilégié au lieu de passer pour un déséquilibré de la société. « Comment fait-on pour le savoir à ton avis ? » S'enquit l'animal qui, septique au possible, préfère imaginer toutes les possibilités quitte à remettre sa réalité en question. Peut être n'était-il qu'un robot, qu'un vil objet comme elle le dit si bien. Cela expliquerait beaucoup de choses.

Socrate ne comprend pas trop les mots de la blanche, ils s'enchaînent vite, elle ne veut plus articuler et finalement ses lèvres se collent à celle du mâle qui, ébahi, reste pétrifié. Il ne rend aucun baiser, il ne cherche pas à se défaire de cette étrange étreinte qui n'en est pas une. Vit-il une expérience ou sent-il son coeur s'emballer ? Rien de tout cela. Son corps s'arrête momentanément de fonctionner, son cerveau restant figé et, triste spectateur de la scène, il chercher à redémarrer au plus vite pour apporter une réponse à ce comportement. Finalement leurs lèvres s'écartent les unes des autres, Socrate reprend lentement le contrôle de son corps. Les plus rapides à se réveiller sont ses neurones qui s'activent déjà au niveau de ses oreilles. « Ça t'a fait quoi ? » Sa voix tremble un peu. Même s'il ne ressent rien, Socrate sait ce qu'un baiser signifie. En effet, il est au courant des conventions. Alors lorsqu'il pose la question à l'inconnue, il se la pose aussi à lui-même. Pour l'instant, aucune réponse ne lui parvient.