∞ les bijoux

Socrate recule, refuse d'abord, il tend son encolure vers la chose pour l'humer de loin. Il a vu Biche l'approcher de lui sans précaution et il ne sait pas ce que c'est. Les reflets violets l'inquiètent plus qu'ils ne le fascinent. « Ça vient aussi de la rivière de feu ? » Demande-t-il en se rapprochant de la chose qui semble inerte et aussi inoffensive que les autres pierres. « Ça ne peut exploser tu crois ? »

- Oui, et je pense pas. Je crois que c'est comme l'autre. En plus poli, plus... travaillé, par les éléments je dirais.
Elle fixait la pierre tout en parlant.
- Tu ressembles un peu à cette pierre, glissa-t-elle l'air de rien.
Socrate était dans l'oeil de Biche noir aux reflets violets.

Les mots de Biche l'intriguent alors il se rapproche de la chose, y pose ses naseaux contre, souffle dessus puis se redresse et croise enfin les yeux de son interlocutrice. « Pourquoi ça ? » Il est vraiment curieux de connaître la réponse car à son sens, il n'a rien en commun avec cette chose si ce n'est d'être fait d'une robe d'ébène.

- Ta robe.
Elle sembla s'arrêter là. Puis se dit que complimenter cet être dont elle aimait l'esprit ne ferait de mal à personne. Elle était d'ordinaire plutôt avare de ces mots-là, préférant la bonté pure des actes à la démagogie dans la parole. Néanmoins, elle se dit qu'il avait le droit de savoir après tout.
- Et...
... quoique. Peut-être pourrait-elle le solliciter avant de lui dire.
- Tiens, dis-moi comment tu vois cette pierre.

Sa robe. Alors Socrate n'apprend rien, il va pour se désintéresser des propos de Biche quand elle lui pose une question. « Tu n'as pas fini ta phrase » La reprend-t-il sans pour autant insister, reportant sa vague attention sur l'objet dont il était question. « Je la vois solide, invincible, difficile à percer à jour, rugueuse au premier abord et douce et majestueuse une fois sa carapace brisée » Il s'arrête là parce que les mots lui manquent, lui qui aime tant décrire ce qu'il voit.

Elle en eut plus que ce qu'elle ne pensait.
- Et bien voilà. Pour ces raisons.
Rappelons que Biche disait à Socrate qu'il ressemblait à la pierre.
Et pour dire vrai, la grande jument ne pensait pas exactement ce que le noir avait dit à propos de la pierre, mais globalement c'était l'idée : une sorte de préciosité brute sur laquelle il fallait s'attarder pour en profiter.

Socrate émet un léger rire. Un vrai rire. « Il est aisé de répondre à une question en volant mes réponses » S'amuse-t-il en laissant de côté son air sévère et sérieux qu'il arbore lorsqu'une chose l'intéresse.

- L'important est de savoir si tu te reconnais dans cette réponse repond Biche dans la veine de l'humeur de Socrate, à laquelle elle s'accommode volontiers pour fluidifier les échanges.

Socrate secoue la tête. « Pas réellement » Confie-t-il. « Je ne suis pas difficile à percer à jour, ni majestueux une fois ma carapace rompu. Je suis simplement moi »

Ah, il s'était focalisé sur ce qui justement ne faisait pas écho chez Biche non plus. Elle se décida pour mettre à nu ce qu'elle pensait sans interférences extérieures, du coup.
- Je pensais plus à une sorte de préciosité brute sur laquelle il faut s'attarder pour en prendre toute la mesure.
ça ressemblait presque à de la drague dis donc. La grande dame n'avait jamais fait ça. Pourtant, il n'était pas question de sentiments ici. Mais de plaisir d'être en sa compagnie.

Il hausse les épaules, comme si cette discussion le mettait mal à l'aise, mal à l'aise d'être au centre de la conversation. « Et comment te décris-tu alors ? Puisque tu m'as habilement obligé à me décrire ? » Fait-il en osant un sourire discret qui relève doucement le coin de sa bouche. Il aimait bien Biche, elle lui permettait d'explorer des conversations qu'il ne pouvait avoir avec personne d'autre.

Ah, il fallait que ça arrive. Biche sentait qu'il se déroberait du centre de la conversation.
Quant à elle, elle se fit surprendre. Ses sourcils tout d'un coup soulevés en témoignèrent.
- Euh, je ne sais pas.
Elle réfléchit un instant. Devait-elle parler des hommes, dans sa description ?
- Je suis... un produit des hommes. J'essaie de connaître autre chose que ce que j'ai connu là bas. Du coup je pense que je suis en pleine évolution. Difficile de parler de cette évolution.
Socrate aussi avait ce passé particulier. Elle aurait voulu qu'il en parle.
- Tu ne ressens pas la même chose ?

Pourquoi souffrait-elle de son passage chez les hommes ? Pourquoi avait-elle du mal à s'acclimater à la vie sauvage ? Socrate n'avait jamais ressenti ça. Lui avait apprécié chaque moment de sa vie. C'est d'ailleurs ce qu'il compte dire à Biche. « Je n'ai jamais cessé d'être en évolution. Je connais ça, je n'en ai pas peur, ça ne me met pas mal à l'aise. Contrairement à toi » Accuse-t-il en ciblant sa manie de ramener toujours le sujet de conversation sur les hommes et la captivité.

- Oh, je ne le vis pas mal du tout. C'est mon passé, ce qui fait que je suis moi. Elle haussa les épaules, véritablement détachée de cette période. - Comme toi j'imagine. Je n'ai pas de problème avec ce que j'ai vécu là-bas. Plus maintenant.
Biche par contre se demandait vraiment ce qu'on pouvait faire d'un cheval de la stature de Socrate. Ceux de son espèce pouvaient tirer des choses, mais ceux de la sienne ?
- Tu étais quoi, là bas ?

Socrate hausse les épaules. « Je n'avais pas de rôle. Je vivais avec les humains. Ils étaient mes amis » Sa gorge se serre un peu, sa vie captive était certainement la plus belle période sa vie. Il avait tant découvert, on lui avait fait tant découvrir.