∞ les bijoux

Bien sûr, elle le suit. Les trajets du mâle suffisent à distraire Biche qui se laisse bercer par ces discussions sans profondeur. Il l'occupe, elle l'aime bien.
- Arrête. dit-elle gentiment, sans mimer une quelque offense suite aux mensonges répétés du noiraud. Elle voulait simplement aller plus loin. La stagnation l'ennuyait beaucoup.

Socrate s'immobilise, se tourne lentement vers la jument. « C'est à moi que tu parles ? » Fait-il alors que sa voix s'élève comme un grondement. Il était largement gentil, il était largement indulgent mais jamais on ne lui donnait d'ordre. Esprit libre, il ne connaissait la soumission que lorsqu'il l'acceptait pleinement. Dans ce cas, il n'avait pas donné son autorisation.

- A qui d'autre ? continua Biche sur sa lancée, toujours à voix basse, tendrement.
Elle n'était pas autoritaire, et l'impératif dans sa bouche sonnait rarement comme une ordre.
En tout cas, voilà un peu plus de Socrate révélé au grand jour...

« Ne me donne pas d'ordre » Gronde-t-il parce qu'il la connait, il l'a déjà vu. Petit à petit, il commence à la connaître, alors il se permet d'être un peu plus lui-même, de laisser un peu plus libre court à son être.

Le voilà qui commençait tout juste à se dévoiler. Biche fut flattée, peu importait la teneur de ses propos. Elle aimait particulièrement ce moment qui venait après les premières rencontres, le moment où chacun commence tout juste à quitter ses atours en fondant lentement comme un glaçon sous un rayon de soleil.
Respectueusement, témoignant d'une réelle écoute, elle redit : - Ce n'en était pas un.
Les excuses avaient été jugées inutiles cette fois-ci. Elle ne devait pas l'avoir blessé. Pas à ce point.

Elle ne veut pas lui donner raison et Socrate ne veut pas la forcer. Il se mure simplement dans son silence après avoir vaguement acquiescé. L'animal continue à remonter le torrent, laissant ses naseaux longer la lave en fusion. Les flammes qui en sortent parfois se reflètent parfaitement dans les yeux ocres de Socrate qui laisse petit à petit un sourire apparaître sur ses lèvres ornées de blanc.

Il se tut, mais au moins il avait arrêté de mentir. Biche enjamba une nouvelle fois le torrent lorsqu'il était encore assez fin pour le faire, marcha à côté du noir pendant quelques pas, puis parti à la perpendiculaire. Elle reviendrait, mais pour le moment, elle avait quitté la scène. Socrate était seul. Biche aussi.

Les oreilles de Socrate se tournent lentement vers Biche. Il remue ses naseaux. « Où vas-tu ? »

La question était restée sans réponse.

Biche revint après quelques longues minutes, tenant quelque chose de noirâtre du bout des dents. Elle n'aimait pas particulièrement se servir de sa bouche comme outil pour porter des trucs sales, mais shooter dedans à coups de sabots aurait abimé tout ça.

Cette fois encore, elle enjamba le torrent appréciant la chaleur qui caressait son ventre à chaque fois, et déposa sa trouvaille au pied de Socrate. Les gros cailloux noirs et poreux étaient intacts. Ni sales, ni baveux. Elle avait trouvé ça un peu plus tôt dans la journée et tenait à en faire profiter le seul qui, dans ses contacts, serait digne de l'apprécier.

Socrate avait attendu quelques minutes, il avait gratté le sol de son antérieur, frustré de n'avoir obtenu aucune réponse à sa question. Au moment où il décide de quitter les lieux et de continuer à remonter jusqu'au creux du volcan, la jument revient et dépose à ses pieds une sorte de pierre noire et cramée. Socrate s'empresse de l'inspecter, l'humant et laissant s'envoler un petit nuage de poussière brûlée. Un sourire teinté d'une curiosité éveillée se peint sur ses lèvres bientôt noircie par le contact de la chose. « Tu sais ce que c'est ? »

- Sûrement un morceau de rivière rouge.
Elle retourna sa tête vers l'endroit où ils avaient effectué un demi-tour. On y voyait clairement le torrent brunir en l'approchant, jusqu'à se cristalliser, et se transformer en... ça. Sauf qu'aucun morceau ne s'était détaché là, seulement plus loin, la surface probablement usée par les passages peu courageux, loin de la lave en fusion.
- Tu crois pas ?

Les oreilles de Socrate tournent au-dessus de sa tête sans qu'il ne puisse y faire quelque chose. Ses sens sont excités par cette découverte et il appose un sabot sur la chose pour tenter de la briser. Ce qu'il ne parvient pas à faire. « Essaye » Intime-t-il à Biche de faire. Après tout, elle avait certainement beaucoup plus de force que lui. D'autant qu'il préférait ne pas répondre à sa question tout de suite, de peur de ne pas avoir la réponse.

Biche devait avoisiner la tonne en terme de poids. Elle n'avait pas très envie de briser ce qu'elle avait ramené, mais c'était pour la science. Elle posa un sabot dessus. Rien. Alors doucement elle bascula son poids dessus, le plus délicatement qu'elle put. On entendit quelques cavités internes à la pierre céder. Puis, elle devint poussière. Biche enleva son sabot.
- Voilà.
C'était presque décevant, car prévisible. Toutefois, elle n'en avait pas fini là, et savait que cette forme poreuse de rivière rouge séchée n'était pas la seule. Elle irait en chercher.
- C'est ce que tu voulais ? demanda-t-elle sans accusation aucune.

Socrate voit la chose s'évanouir et ça lui provoque une certaine joie teintée d'excitation. Pourtant il tient sur place et son regard est immobile. « Je crois » Le moindre scientifique n'est jamais sûr de rien, pas même de ce qu'il veut réellement. Alors Socrate s'approche à nouveau du bloc parti en fumée, il le hume à nouveau. La poussière de roche s'introduit dans ses naseaux et le fait éternuer. « C'est effectivement de la rivière rouge, l'odeur est âcre »

Dim 1 Jan 2017 - 4:10

Fait intéressant. Validé. Noté, enregistré dans la base de connaissances.
Mais la recherche ne devait pas s'arrêter là.
- Je reviens, fit-elle avec un sourire franc mais discret.

Cette fois, à quelques dizaines de mètres, Biche avait aperçu une bien plus belle forme de pierre volcanique, bien camouflée. De l'obsidienne, cette pierre noire aux reflets violacés, bien plus difficile à trouver. C'était une belle chose que Biche avait trouvé au coeur d'un gros cailloux. Cette fois encore, elle en ramena un bout vers Socrate.

- Tiens, c'est un cadeau.
Plus joli qu'un simple objet de curiosité, il méritait d'être offert. Qu'il reste ici n'était pas un problème, c'est simplement l'intention qui le présentait à l'autre qui comptait pour Biche. Loin des considérations de préciosité dont elle n'avait cure, c'était un simple geste social. Et affectueux, sûrement.

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