boom baby

Et je piétinais, depuis plusieurs heures maintenant. Mes muscles me laissaient désormais un peu plus de détente, mes foulées frôlaient la normalité. Yeux mi-clos tel un nouveau né, j'aperçois dans le lointain un équidé au flanc rebondi, se laissant chavirer jusqu'au sol. Je m'en approchai doucement, humant l'air où les hormones papillonnaient. Une naissance ? Mon intestin se retourne, ma gorge se noue... Soudainement, ce qui me semblait être mon horloge biologique se met en route. Je m'approche à pas feutré, cette fois avec des yeux ronds comme des billes. Il me fallait ce poulain. Un être frêle à qui donner l'amour que je ne me souviens avoir eu.

oh c'est trop cool si luma prend la petite sous son aile

OROSZLÀN.

Le Lion est là. Il l'a suivie à la trace. Des jours qu'il ne la lâche pas. Des jours qu'il la regarde, pour la détester encore plus. Des jours qu'il l'observe pour apprendre à la haïr d'un feu des plus ardents. Pour se dégrader lui-même plus encore. Des nuits qu'il n'a pas dormi, des jours qu'il n'a pas mangé. Plus rien ne lui fait envie. Il ne devrait pas être là. Il ne veut pas la voir. Il ne veut pas voir sa demi-soeur à qui il a fait un enfant. L'inceste, quelque chose qui l'a toujours révulsé.
Quelque chose que ses démons ont toujours voulu et qu'ils ont finalement réussi à avoir. Un enfant contre-nature, non-désiré, un être qui ne devrait pas exister, né des entrailles de deux monstres. Un enfant déjà maudit. Déjà jugé. Déjà détesté. Un enfant qui aura la vie dure, par sa faute. Un enfant qui n'aura aucun avenir sinon celui de se battre contre le monde entier et contre un héritage sali et nuisible. S'il l'a suivie jusqu'au moment clé, ce n'est pas pour la voir elle. Mais pour voir l'enfant.
Pour lui souhaiter la bienvenue dans ce monde.
Pour lui dire adieu, aussi.

Plus qu'à quelques mètres du spectacle, tapie dans ce qui semble être des ronces aux allures de rosiers, je patiente. Où plutôt, je m'impatiente. Presque aussi suante que la jument au travail, je sens l'eau salée ruisseler le long de mes ganaches, roulant jusqu'au creux de mes ars. Je pince mes lèvres, trépigne sans pour autant sortir de l'ombre. Trop tôt encore. Obnubilée, je ne m’aperçois pas de la présence du troisième individu.

(hi les nanas, je vous dit ce que j'ai/elle a en tête : arracher de force le petit et se barrer avec. elle est "folle", déséquilibrée et pas vraiment consciente de ce qu'elle fait. le destin du ptiot belongs to the player    ah et jpars à Barcelone pour qlq jours mais je vais tenter de passer tous les 2 j pour répondre!)

Il l'observe, de loin. Puis quand il comprend que le travail devient sérieux, enfin, il s'avance. Dans toute sa prestance qu'il n'a pas perdue, le Lion déambule d'un pas rapide et précis vers sa demi-soeur. Les naseaux dilatés, il ne la salue pas réellement, si ce n'est un signe de tête bref et un rictus tendu. Il n'a pas envie d'être là et pourtant, il se doit de l'être. D'un oeil attentif, il surveille la mise à bas sans intervenir, sans aucun geste doux. Il ne s'agit pas d'une naissance amoureuse et envieuse. S'il pouvait, Oroszlàn effacerait tout. Il ne se le cache pas même s'il se déteste à penser une chose pareille : il ne veut pas de cet enfant. Plus encore puisqu'il sait qu'il ne sera pas là pour l'élever et le préserver d'un dessein sombre. Il a vu la troisième personne, ignore qui il est, et ne lui adresse qu'un regard froid comme le Nord d'où il vient.

LÖVOJKA.
Elle sent les muscles se tendre autour d'elle. Tout est flou, tout est humide. Puis soudainement, elle se sent partir. Glisser. Tomber.

C'est finalement d'un, puis de deux pas que la brise me bouscule. J'apparais finalement aux yeux de tous, mais peu m'importe : mon regard est désormais rivé sur le corps du ou de la juvénile. Son pelage, encore souillé par le liquide essentiel alimentant les veines de sa génitrice, tend vers ce qui pourrait être un roux clair, ou un crème prononcé, tandis qu'une large liste venait comme gommer son chanfrein. Ni une ni deux, je m'approche afin de frôler les naseaux encore humides de la frêle créature.

Lorsque l'inconnue s'approche, Oroszlàn gronde. Un grondement rauque venu de l'intérieur de ses entrailles. Le grognement d'un Lion. Ses yeux noirs et protecteurs fixent la noiraude. Qui est-elle ? Il ne bouge cependant pas et alors qu'elle frôle sa fille, il s'interpose, l'écartant d'un violent coup d'encolure. « Ecarte-toi de ma fille ! » rugit-il, l'air furieux.
Oui, parce que c'est une fille.
Et qu'à peine vient-il de la rencontrer qu'il doit déjà la quitter. Il sait qu'il doit partir et vite. Sinon, son visage le hantera, lorsqu'il sera seul. Il pose ses naseaux brûlants contre les flancs de la petite, qui se soulèvent rapidement. Sa robe... C'est celle de Murphy. Elle porte la fière couleur de son grand-père. Maudite soit cette génération, cet héritage, tout ! Il ne calcule pas Hel. « Lövojka.. » murmure-t-il. C'est comme ça qu'elle s'appellera. Peu importe l'avis de sa mère. Elle ne l'élèvera pas, de toute façon, le Lion est prêt à le parier. Il tend l'encolure, approchant sa bouche des oreilles duveteuses et humides de la petite. Il ne sait même pas si elle l'entend déjà. « Tu seras en sécurité au Nord. Au Nord.. » susurre-t-il tout bas, avant de se reculer.
Il pose un regard accusateur sur sa demi-soeur, avant de le détourner vers la jument noire. Il fait encore un pas en arrière.
Le temps presse.

C'est la vie.
Le premier souffle, le premier cri. Le premier courant d'air qui semble brûlant et glacé. Les premiers contacts – ceux qui semblent doux comme du satin et coupant comme des lames de rasoir. Les premières voix. Fortes, agressives à ses oreilles juvéniles, hurlantes. Et pourtant douces. Et pourtant inoubliables. Elle essaie d'ouvrir les yeux. Elle voit une silhouette et surtout une lumière qui l'aveugle, qui lui fait mal directement à la rétine. Une silhouette, deux, trois. Qui s'approchent, tournent, s'écroulent dans son champ de vision encore fragile. Puis ça se précise. Une forme noire. Une montagne d'or. Elle ne sait pas encore ce que cela veut dire, mais elle entend. Au fond d'elle, elle comprend. Elle tourne un visage perdu vers les trois interprètes du début de sa vie.

L'étalon, tel un père attentionné, me bouscula brutalement. Comme pour protéger sa propre vie, son propre sang, son propre souffle, par égoïsme ou passion. Pourtant, dans les mots et silences de ceux qui semblaient prétendre au titre de parents, pesait une gêne profonde, une peine immense ou une colère calfeutrée au coin de leur coeurs. Non pas que je puisse le savoir, et ce en aucun cas, mais les ondes négatives me pesaient, ralentissaient mes battements de cœur, par raison ou par tort. La folie venait toujours embrouillée mes idées, à un certain point, comme pour brouiller les pistes. Me faire rêver à un monde sans peine et une vie encore réversible.

"Fille". Il s'agissait donc là d'une fille. Mon coeur reprit une cadence normale une fois la tourmente passée, ou dépassée, et je revins enfin à la réalité. Mais les mots ne vinrent guère. Après tout, je n'étais rien d'autre qu'une inconnue venue de nul part, s’initiant dans un des moments les plus intimes d'un couple, et souhaitant assouvir sa soif de materner. Suis-je là pour donner de l'amour, ou bien en recevoir ? Étaient-ce mes hormones qui, à cet instant, me dirigeaient ? Animal. Tu n'es rien d'autre qu'un animal gouverné par son instinct. Je mordis ma langue, ou la sienne, comme pour atténuer les susurres. Ca ira.

Tel un rapace, mon regard filait d'un géniteur à l'autre. Comme à la recherche d'un verdict qui, si je relâchais la corde nouée au cou de mes folies et sentiments, pourrait être le mien. Je leur souris, insensible aux éclairs et à la foudre illuminant leur âme au travers de leur regard.

Il n'a pas le temps. Pas le temps de la protéger plus encore. S'il reste, elle se souviendra trop de lui. Et ça la suivra toute sa vie. Il lance un dernier regard à Hel. Protège-la. Puis, le Lion fait volte-face et disparait lentement, comme un mirage qui s'efface. Au revoir, Lövojka.

Un coup de langue la secoue et elle lève de grands yeux noirs mais brillants de mille étoiles – comme la voie lactée – vers celle qui le lui administre. Elle croise le regard d'une grande femelle couleur crème et ne la lâche pas des yeux pendant de longues minutes. Elle sent son corps engourdi prendre vie, prendre des forces. Elle sent les cellules de son cerveau se mettre en marche et lui conférer le pouvoir de se mouvoir seule. De se diriger. Elle se lève alors maladroitement, sans tomber pourtant. Ses longues jambes fines sont frêles mais ne tremblent pas. Son port de tête est déjà haut et fier, et son corps témoigne les prémisses d'une musculature qui grandira au fil des semaines, puis des années. Enfin, son cerveau se souvient d'une troisième présence et son regard croise celui d'une jument noire. Elle intercepte un sourire et, par un accord nerveux de miroir, elle lui sourit à son tour.

L'étalon fit volte face. Quelques secondes durant, je regardai sa silhouette s'effacer dans la brume : en un instant, il avait disparu comme s'il n'était jamais venu. Quand je parvins à me détacher de ce qui n'était plus qu'un souvenir, mon regard se posa de nouveau sur la famille désormais souillée. Je la vis me jauger du regard et rapidement s'osa a une parade, comme tentant de m’impressionner. Je ne fis non pas un pas  dans sa direction mais deux resserrés, comme pour provoquer un peu plus la jument dont les hormones devaient lui titiller les nerfs depuis un certain temps. Je mordis l'air, oreilles plaquée, au moins aussi menaçante qu'elle. Un instant, je me permis un arrêt dans les yeux de la nouvelle née, me voulant rassurante, sans pour autant cesser de veiller sur la génitrice, prête à bondir. Prends la.  

La petite, elle, ne comprend rien. Qui sont ces deux juments ? La crème est sa mère, visiblement ; et puis l'autre ? Elle ne comprend pas. Ne saisit pas la raison de la présence de tension. Elle regarde les deux, elle a envie de leur sourire, mais déjà, quelque chose lui dit que ça ne serait pas le bon moment.
Alors, elle se lève enfin toute seule, vacille un peu et trébuche vers la noire.
Sans savoir qu'elle donne peut-être exactement la brèche dans la protection de sa mère.