ı making love with devil's heart ı

lövojka


Le soleil lui brûle la peau. Les yeux, aussi. Il lui semble qu'elle est restée sous-terre dans une nuit éternelle depuis toujours. Depuis combien de temps n'a-t-elle pas vu la lumière du jour ?
Elle s'est enfuie des galeries souterraines il y a quelques minutes à peine, empruntant sans savoir pourquoi le couloir qui mène aux Jades. Il n'y a rien à y faire ici pour elle, pourtant. Peut-être esquive-t-elle juste son propre territoire, son Royaume, son chez-elle devenu prison. Pourquoi ?
Elle tait les raisons. Elle n'a pas dit un mot depuis des jours – des mois, des années ? – et erre sur le haut de la muraille comme un fantôme doté d'une prestance qui n'appartient pourtant qu'aux grands rois vivants. Mais elle n'est pas reine, et c'est à peine si elle se sent encore vivante.

Et la Reine de rien l'aperçoit enfin, comme une silhouette cristalline, découpée dans le décor comme si elle n'y appartenait pas. Parce que c'est le cas. Mais c'est aussi son cas à elle, au fond. Elle n'appartient pas à ce décor, plutôt à celui du Nord. Mais... y appartient-elle réellement encore ?
Elle ne cesse pas d'avancer, n'a même pas ralenti, comme si aucune réaction ne pouvait émaner de son corps démuni de toute distinction psychologique. Neutre et impassible, elle s'avance à sa rencontre, sans savoir non plus comment réagir.
Il est son frère. Il a été son amant. Qu'est-il, à présent ?
« Salut » souffle-t-elle doucement en terminant son approche.

Pourtant, Lov ne le repousse pas. Pas tout de suite, en tout cas.
Elle est sans doute prise de court. Elle ne s'y attendait pas. Mais aujourd'hui, elle ne s'attend plus à rien. Tu ne mérites plus rien, gamine. Tu n'es rien, encore moins qu'avant, si tu as un jour été quelque chose. Alors, elle se laisse faire, comme une enveloppe vide, comme un pantin, comme un bout de coton drôlement solide, drôlement blindé. Un coffre dont elle a jeté la clé. Elle tressaille, se laissant aller contre Ghanan, contre son frère, son amant. Mille pensées se bousculent violemment dans son crâne, pourtant comme à son habitude – ça, elle ne l'a pas perdu – Lövojka ne montre rien.
Elle a créé un tel fossé entre son attitude et ses émotions qu'elle-même n'est plus capable de le franchir.

Et elle remarque la distance. Comme un autre fossé de glace, émanant de lui, cette fois. Si Lov ne ressent pas une large palette d'émotions, elle les capte, chez les autres. Elle détourne le regard, comme gênée, comme coupable... de quoi ? Peut-être d'avoir disparu tout l'été. De s'être cachée, de s'être tapie, d'avoir fui tout ça. Tout ça quoi, hein Lov ? « Bien, et toi ? » répond-elle pourtant, d'une voix plus douce, sans réussir pourtant à briser la glace.

Elle, elle n'a pas peur.
Ni de son jugement – elle ignore pourtant qu'il est au courant, mais sait que ça pourrait être le cas, ni de lui, ni de ce qu'il se passe entre eux. Ce qui doit arriver doit arriver, c'est comme ça. Et c'est arrivé. Ils ne reviendront pas en arrière et, même, Lov n'aimerait pas que cela soit le cas. Elle ne veut jamais rien regretter. Elle secoue sa longue crinière blanche, observant un instant les alentours en attendant qu'il lui réponde. Lorsqu'il le fait, elle met quelques secondes avant de vriller de nouveau ses yeux noirs dans ceux de son frère. Elle semble à la fois instable et indifférente, à la fois touchée et impassible. Trop de contradictoires en elle. « Tourmenté par quoi ? » Après tout, elle ne se gêne pas pour poser la question, puisque s'il le lui a dit, c'est bien qu'il souhaite qu'elle lui demande la raison de ce mal être chez lui. Non ?

Elle note, mentalement. Ne fait aucun commentaire pourtant. Peut-elle lui dire qu'elle se tiendra sûrement aux côtés de l'akhal ? Pourtant, il sait que son premier amant a été Akan. S'il est au courant pour la révolte, sûrement l'a-t-il rencontré, a-t-il réellement fait le lien ? Pas sûr. Donc elle ne dit rien. De toute façon, sûrement ne se battra-t-elle pas au Nord. « Explique, si tu veux. » lâche-t-elle, un peu agacée qu'il fasse ainsi durer le suspens au lieu d'aller droit au but, juste pour qu'elle insiste. Bien sûr qu'elle est curieuse, et jalouse, et tout ce que vous voudrez puisque Lov a tous les défauts que le monde et l'enfer ont su créer.

Elle voit son rictus, mais ne dit rien. Elle sent également son malaise, évidemment, comme si Lov n'était qu'une éponge destinée à ressentir les émotions des autres, à défaut de les ressentir elle-même, peut-être. Elle se rapproche de lui d'un pas, le regard malicieux, sans un sourire pourtant. « Ah oui ? Comment s'appelle-t-elle ? » demande-t-elle sans répondre à sa question, pas franchement prête à lâcher le sujet qu'il semble vouloir maintenant esquiver.

Elle le sent directement, quand on entre dans la provocation séductrice. Et elle adore ça. Frère ou pas, elle peut bien se retrouver face à un meurtrier, dans ces moments-là, rien d'autre ne compte. Comme si son cerveau se mettait sur off, le temps d'une connerie. Elle le jauge, le brutalise rien que par ses iris d'un noir profond, qui scintillent d'une lame de rasoir. Il veut jouer ? Ça tombe bien, c'est son domaine préféré. « Je sais pas, moi, pour te surveiller peut-être. » susurre-t-elle sans s'éloigner de lui.