the floor is lava

Le grand noir était en plein dans le courant, insensible à la lave. Il y resta un bon moment, jusqu'à ce que ses membres deviennent rouge sang à cause de la chaleur qui essayait de s'attaquer à sa défunte peau. C'était bien là la seule chose qui le différenciait, en apparence, des vivants : son aptitude à endurer de pareilles épreuves qui emporterait la vie vers l'au-delà. D'un calme olympien, Tsumi se redressa, ayant capté la présence d'un autre être ici.

Il se rendit bientôt compte qu'il n'était plus seul, ce qui avait le don de ni le réjouir, ni l'attrister. Il s'en moquait éperdument. Après tout, pourquoi se réjouir d'avance de sa future victime si l'on ne sait même pas si elle est intéressante ? Les faits furent tels qu'il s'agissait en plus de cela d'une revenante. Pas drôle. Quand la peau s'arrachait, elle ne faisait pas mal. « C'pour quoi ? » lança-t-il avec une arrogance non feinte.

Un appel à la violence, très certainement. Et il lui fallait moins que ça pour mordre à pleine dent dans le vif. Elle lui arracha un lambeau de chaire, mais peu importait puisqu'il ne ressentait plus aucune douleur. Et elle n'en ressentirait pas non plus, d'ailleurs. De toute sa puissance, il fit volte-face et arqua son antérieur autour de l'encolure de la blanche, y pesant de tout son poids afin de l'entraîner dans une chute dans les ténèbres rougeoyantes.

Un combat entre titans, rythmée par ces bulles, excroissances de laves qui perlaient sur le torrent avant d'exploser en une fine gerbe d'étincelles volcaniques. Tel était l'affront, les perles rougeoyantes qu'ils envoyaient valser dans leur chute. Le liquide brûlait, une odeur de chaire carbonisée flottait dans l'air, s'insinuait dans les sinus comme un poison mortel.
Lorsque Tsumi se redressa, il n'était fait que d'une masse noire rougie par le feu, une montagne de charbons ardents qui se confrontait à un bloc d'acier. Quelque chose l'excitait plus que tout dans ce qui se produisait. Et quelque chose le frustrait davantage. La soif d'un sang qui ne coulerait pas. Secoué d'un grognement sinistre, il se jeta de nouveau sur elle, panthère robuste et agile, maîtresse de ses mouvements. Il sentait la pression monter en lui, cette envie irrépressible d'assouvir un désir qui n'avait pas encore de nom. Des lambeaux de son encolure arraché ? Il n'en avait cure. Plantant ses dents dans la peau putréfiée de la dorée, il arracha un morceau de cette jugulaire qui ne déverserait aucun sang. Lâchant un juron, il lui asséna un violent coup de tête. Si seulement ça pouvait la lui décrocher. « Si tu saignes pas, tu sais au moins baiser ? » envoya-t-il sans gènes, d'une voix sèche, froide, cruelle. Ses deux abysses de ténèbres pénétrèrent ceux, tout aussi sombres, de la femelle.

Mais ils auraient beau s'arracher chaque parcelle de peau, rien ne pourrait assouvir les sombres pulsions du noiraud. Une vie n'avait pas suffit pour ça. Maintenant, il rattrapait ces années de retard passées sous terre, dans un sommeil léthargique, dans une transe sans fin. Faute de sentir le sang dans sa bouche, il sentait des débris de chaire, et des résidus de ce qui semblait être du sang. Mais cela se manifestait en une substance noire et compacte, qui ne faisait que s'effriter entre ses dents. L'horreur n'avait plus d'importance lorsque vous étiez mort. « Tu verras bien quand j't'aurai choppé, sale... » et un juron fort peu valorisant s'en suivit. Elle s'acharnait maintenant sur son épaule, et ses yeux luisirent d'une profonde folie. Quelque chose l'excitait chez cette succube. Sans douceur - quelle idée ! -, il enfouit ses naseaux et son muscle buccal sous la queue de l'importune, sans gène, y apposant la marque de ses plus grands vices.

Ainsi se trouvait être l'instinct de ces deux protagonistes. Une Reine en quête de reproduction et une entité en quête de ces plaisirs d'autrefois, de ces pulsions violentes qu'il ne contrôlait pas et qu'il devait assouvir le plus vite possible. Il devait évacuer la pression. Un millier de papillon dans le ventre, engourdi, il n'en fallut pas plus pour lui avant qu'il n’atterrisse sans ménagements sur le dos de la petite reine des morts. Il entra en elle de toute sa puissance, resserrant l'étau entre son corps et le sien. Leur corps s'accordaient plus ou moins bien, dans une danse macabre. D'un sens, il était satisfait de constater qu'il n'avait pas complètement perdu ces sensations là. Enfonçant ses dents dans la chaire de la femelle, il l'aurait faite saigner si du sang coulait encore dans ses veines. Se sentant puissant, complet puis enfin libéré, il se laissa glisser le long de son dos, avant de la pousser afin de l'éloigner de lui. Il n'avait plus besoin d'elle.

Mais peu importait désormais les marques de violences ou quoi que ce soit d'autre. Tout ce qui lui importait, c'était d'avoir assouvis ses pulsions, enfouies depuis trop longtemps sous terre avec sa carcasse. Un sourire suffisant sur les lèvres, il traça son chemin parmi la lave en fusion.

OUT ¬¬