/ sink to swim

Sydän aussi est déjà là. A l'ombre d'un grand arbre. Immobile, et calme, presque invisible. Cela fait plusieurs minutes qu'il regarde Lov' sans pour autant oser l'aborder. Il cherche les mots juste. Lorsque qu'un beau rayon de soleil illumine la plage, l'étalon se décide à sortir, d'un pas lent et un peu courbaturé. Il lui fait face, marque une pause, puis ré-avance à nouveau jusqu'à elle. Il a changé depuis le temps, vieillit aussi, mais son visage semble plus serein. Il tend l'encolure pour effleurer ses naseaux. " Bonjour, Lov' " Un fin sourire embaume ses lèvres, il est tellement heureux de la revoir.

lorsqu'elle le voit enfin s'avancer vers elle, sans deviner qu'il est là depuis un moment, elle ne peut s'empêcher de sourire à son tour. un sourire franc, sincère, grand comme le monde quand on sait qu'elle n'en fait pas souvent, des comme ça. ils sont réservés aux spéciaux. aux piliers, aux cordes qui maintiennent la tour de pise pour ne pas qu'elle s'écroule.

c'est elle, la tour. des cordes, y en n'a pas tant que ça. y a red. et puis y a toujours eu sydän. mentor d'esprit. aujourd'hui, elle a aussi besoin qu'il soit son mentor de corps. elle trottine vers lui et après une brève hésitation presque timide, elle se colle à lui. comme quand elle était enfant. comme quand il était le seul à la voir indépendamment de son héritage sombre, de ses gênes, alors qu'il aurait pu être un des seuls à la rejeter par loyauté. tu m'as tellement manqué.. avoue-t-elle sans le regarder, parce que ça lui coûte beaucoup, d'avouer des choses comme ça. elle relève ses yeux sombres vers lui. il a un peu changé, mais pas tant que ça à ses yeux. il est plus calme, peut-être parce que plus vieux ? elle, elle a changé. est resté son tempérament de feu, cette instabilité intérieure, cette pierre en fusion, ce mental de glace. mais son corps a changé. il a grandi, s'est affirmé, s'est développé à son maximum. si sa carrure laisse parfois penser à celle d'un étalon, elle espère qu'elle a gardé cette attractivité qu'elle déclenche parfois chez les mâles, comme une maladie. parce que c'est une maladie, d'être attiré par lövojka, et elle le sait. il n'arrive rien de bon à ceux qui s'entichent d'elle. je.. comment vas-tu ? t'étais où ? tu vas bien, hein, tu vas bien ? elle parle vite, parce qu'elle a peur, au fond. peur qu'il soit trop vieux ou malade ou sur le chemin de la mort. peur, parce que même si elle se dit indépendante, elle a besoin de lui, lov. en son absence en est témoin ; elle a fait mille conneries, quand les cordes qui la tiennent ne la serrent plus.

En parfait gentleman, Sydän la salue poliment en inclinant l'encolure. Lorsqu'il se redresse il ne peut qu'admirer la robe flamboyante de Lov', elle brille de milles lueurs sous le soleil printanier. Malgré tout, il ne peut pas rester de marbre face aux nombreuses cicatrices qui parsème ses flancs. Aaah Lov', toujours un tempérament de feu. Il l'avait remarqué lors de l'assemblée. Lorsque la jument avait tenu tête aux deux mioches. Un sacré culot ! Sydän ne pouvait renier la fierté qui gonflait son coeur. Jamais il n'aurait pensé autant s'attacher à elle. Il est heureux de la voir en pleine forme, bien loin de ses démons. " Doucement, doucement " s'esclaffe t il en toussotant. Il vient poser son nez contre l'épaule de la jument, en signe d'affection. " Rassures toi, je vais bien. " dit il d'une voix douce bien qu'un peu enrouée. " Je n'étais pas très loin. J'avais juste besoin de solitude pour faire le point. " confessa t il.

L'étalon écoute Lovojka. Il l'a regarde avec bienveillance, comme il l'a toujours fait. Même si en apparence elle semble bien plus épanouie qu'à leur première rencontre, il sait qu'elle sait bien porter le masque pour ne pas montrer ses faiblesses. Il décide donc de ne pas poser plus de questions sur son absence, il ne veut pas la mettre mal à l'aise. " Anastasia est partie, emmenant avec elle mon seul et unique fils. Il ne me reste plus grand chose, si ce n'est un corps meurtri par les combats. " Il ne sait pas vraiment pourquoi il lui dit ça, peut-être une manière d'apaiser le poids lourd qu'il porte sur son coeur depuis de longues années. Etrangement, la voix du pie n'est ni frustrée, ni triste, ni chamboulée, il semble même plutôt serein. Peut-être a t il enfin accepté les maux du passé ? Seule alternative possible pour réussir à aller de l'avant.

Sydän dresse une oreille, puis la laisse retomber mollement. " Je ne pense pas. Je ne suis pas rancunier. Si elle a fait ça c'est qu'elle avait ses raisons. Tout ce qui m'importe c'est qu'ils aillent bien, tous les deux. " Il sourit doucement, le souvenir de Teal poulain aux cotés des flancs d'Anastasia resurgit subitement. Il aurait été l'héritier du Nord si Aslaug, Maddox et Oroszlàn ne l'avaient pas destitué. Cet incident avait été l'élément déclencheur de sa chute. L'étalon soupire. Il ne sait pas ce qu'il serait arrivé si l'affrontement n'avait pas eu lieu. Mais une chose est sûre c'est qu'il ne regrettait pas le passé, car sans cela il n'aurait peut-être jamais fait la connaissance de Hérézy. " La seule chose, c'est que je ne l'attendrais pas pour refaire ma vie. ça peu paraître égoiste dit comme ça mais... la vie n'attend personne. Si jamais Ana revient, j'espère qu'elle l'acceptera. Je ne peux plus vivre dans l'attente d'un retour qui n'arrivera peut-être jamais. "

L'étalon sourit à sa question, un léger rire rauque s'échappe de sa gorge. Il aime voir la curiosité pétiller dans les prunelles rondes de la jument, cela lui donne un petit air coquin, comme lorsqu'elle était pouliche. " Eh bien oui. Une vieille connaissance. Elle a toujours été une amie fidèle, quelque soit les épreuves que j'ai traversé. Tu dois la connaitre. Son nom est Hérézy. " Un fin sourire embaume ses lèvres. Il espère que la cadette n'avait pas de mauvais liens avec sa promise. Mais quoi qu'il en soit, cela ne l'empêcherait pas d'aimer Lov' comme si elle était sa propre fille.

Elle hoquète légèrement de surprise, c'est vrai. Parce que oui, elle la connait. Elle se met à rire, pourtant. De toute façon, son père n'étant plus là – et pour elle, il ne mérite rien même s'il revenait aujourd'hui – elle trouve que c'est une bonne chose. Hérézy est sans doute la personne la plus gentille que Lov connaisse, même en la provoquant elle n'a jamais réussi à la faire devenir agressive, même pas par instinct de survie. Elle incline la tête. Oui, je la connais C'est la mère de mes demi-frères. Elle préfère le dire ainsi. Elle évite toujours de parler de son père, de prononcer son nom, comme si elle voulait se détacher de cette famille maudite.

Une lueur joyeuse illumine le regard de l'étalon, au fond de lui il est rassuré que Lov' apprécie la grise. " C'est une jument douce, gentille et très bienveillante. " dit il amoureusement. Un peu comme lui en réalité. " Nous avons toujours été très fusionnels ". Sydän marche jusqu'à la mer pour humidifier ses pieds ankylosés. Ses pauvres articulations lui semblaient plus douloureuses chaque jours. Qu'adviendrait il si un jour elles n'étaient plus en mesure de le porter. Il tend l'encolure vers le sable mouillé pour s'étirer le dos. " Et toi ? As-tu rencontré le prince charmant ? "

Tu as les mêmes goûts que mon père, et pourtant tu ne lui ressembles en rien. Elle fait juste un constat. Pourtant, elle ne peut pas juger entièrement. Son père, elle ne le connait pas. Qui sait, peut-être qu'ils se sont ressemblés, un jour ? Elle est soudainement très mal à l'aise par la question du pie et son silence tombe abruptement. Un prince charmant ? Elle n'en trouvera pas. Il n'en existe pas pour elle, puisqu'elle est destinée à ne rencontrer que des bêtes sauvages, des êtres de la même espèce qu'elle. Des monstres. Qui l'écorcheront autant qu'elle les écorchera.
Elle reste jeune, encore, et pourtant, elle en a déjà trop connu. Son regard se fait fuyant. Sydän l'a toujours impressionnée, elle le connait depuis sa tendre enfance, elle l'estime beaucoup et elle n'ose pas lui mentir ouvertement. J'ai tendance à foirer tout ce que j'entreprends, tu sais. Sûrement que c'est de famille, même. Elle pense à Hooker et son coeur se serre. Elle aurait tellement aimé que cela se passe autrement. Tellement aimé... qu'elle ne fuie pas lâchement avec son enfant.
Elle pense à Asmund, aussi. Et si, cette fois, elle était suffisamment prête ?

Sydän s'approche doucement, d'un pas lent, comme s'il essayait d'apprivoiser un animal sauvage. Il vient poser ses naseaux sur l'épaule de la jument, par affection. Un contact léger, mais constant. Ses yeux restent dirigé sur sa peau dorée, il ne lui impose pas son regard car il a remarqué qu'elle l'évitait. " Tu lui ressemble aussi " susurre t il à voix basse. Il sait que ses mots ne lui feront pas plaisir, mais c'est important pour lui de lui dire. " Lui a décidé d'écouter ses démons. Et c'est ce qui l'a précipité dans sa chute. " L'étalon inspire à fond, tandis qu'un vieux souvenirs resurgit. " Je connaissais un étalon un peu comme ça, c'était mon demi-frère. Il s'appelait Osiris. Lui aussi semblait rongé par des démons intérieurs, ils semblaient incontrôlables. Un jour, il a rencontré une jument du nom de Tonks. Elle à appris à l'accepter, avec ses démons, tant et si bien que petit à petit, il a changé. Il a arrêté d'écouter les voix qui résonnaient dans son crâne, il a repris goût à la vie. Elle était devenue, sa raison de vivre. " L'étalon doré pivote légèrement la tête pour s'immiscer discrètement dans le regard de Lov. " Je ne crois pas aux contes de fée, ni aux princes charmants. Mais je peux te garantir une chose, l'amour n'est pas un sentiment anodin, il est capable de faire beaucoup de choses. De bonnes comme de mauvaises choses, j'en conviens. Mais pour l'avoir vécu, je peux t'assurer qu'il n'y a rien de plus beau au monde que d'aimer, et surtout d'être aimé. " Il se déplace et laisse glisser ses naseaux le long de l'encolure de la jument pour venir se placer face à elle. " Ton père lui n'a jamais réussi à laisser ses démons. Pire, il se réfugiaient en eux, les rendant plus puissants. A chaque peur, chaque contrainte, il se refermait sur lui même. Il avait l'amour, il avait le choix. Mais il a échoué. Ne fais pas comme lui. S'il te plait. " Puis il se recule d'un pas, pour lui laisser un peu d'espace, le regard toujours rivé dans le sien.  

Les mots de Sydän lui provoque un drôle d'effet. Une piqûre douloureuse. Un pieu glacial qui s'enfonce en elle comme une lame de rasoir. Elle l'entend mais ne réagit pas. Elle ne bouge pas d'un poil, comme figée, comme absente. Son cerveau, comme un ordinateur, analyse. Et ce qu'il décrypte ne plait pas à la lionne. Soudainement, elle relève la tête dans un geste brusque. Son regard, déjà noir, semble s'obscurcir encore. Non.. Non, JE NE LUI RESSEMBLE PAS ! Elle a crié. Parce qu'elle aimerait avoir raison. Parce qu'elle aimerait que ça soit vrai. Qu'elle voudrait casser cette tendance familiale, ce fardeau qu'on a posé dès sa naissance sur ses épaules trop frêles. Cet héritage meurtrier et démoniaque, elle n'en a jamais voulu ! Alors qu'elle n'avait jusque là pas bougé face aux marques d'affection du mâle, elle le repousse soudainement. Le regard fou, elle recule de plusieurs pas. Je ne suis pas comme lui ! Je ne le serai jamais, tu m'entends ? JAMAIS ! Il.. il m'a abandonnée ! Et toi, gamine, qu'as-tu fait ? Tu as abandonné non pas un mais deux enfants. Comme ton père a fait avec toi, au fond. T'es comme lui. Tu n'pouvais pas être autre chose. Ils ont tous raison. Tu es comme lui et tu le seras toujours. De rage, elle pousse un hurlement qui s'avoisine à celui de la souffrance. Parce qu'elle souffre, Lov. Tout au fond d'elle, là où on ne peut pas voir. Là où la guerre fait rage, chaque heure et chaque seconde. Là où chaque instant est un combat. Là où vit son pire ennemi : elle-même.
Soudainement, la tempête passe. Ne reste qu'une bête sauvage effarouchée, essoufflée, les yeux écarquillés. Son éclat de colère mêlée à la peur l'a épuisée et soudainement, elle cherche le regard du mâle comme un échoué cherche une bouée.