Is it love

Il a envie de se rapprocher d'Aliénor, d'essuyer ses larmes, mais elle a mis de la distance entre eux et il tient à la respecter. Les yeux du mâle grullo s'écarquillent. Elle qui semblait si joyeuse de le voir, la voilà à présent en pleurs, tremblante...

Quel idiot il faisait ! Il est là à s'apitoyer sur son sort, mais Aliénor a vécu... quelque chose d'horrible. Ses doutes se sont envolés, remplacés par un léger sentiment de honte, et par un nouveau sentiment... protecteur. Voir Aliénor dans cet état lui procure une peine immense. Fidèle à lui-même, il reste calme. Il n'arrive pas vraiment à se mettre en colère, ou en tout cas il ne le montre pas. Qui... qui a fait ça ?

Tu n'as pas à être désolée... C'est plutôt lui qui devrait l'être. Son ton est calme, il sait que s'énerver ne mènerait à rien, pourtant ce nom résonne dans sa tête. Thao. Il ne le connaît pas, et honnêtement il n'espère pas le connaître un jour. Parce qu'il ne saurait comment réagir. Lui qui est d'un naturel si calme, lui qui est si pacifique, que pourrait-il faire pour lui faire payer cet acte ? Il se sent soudain un peu impuissant. Il sert délicatement Aliénor contre lui, tentant de calmer ses pleurs et ses tremblements. La seule priorité pour l'instant, c'est de la calmer, la rassurer.

Il la sent plus calme, et étrangement, lui-même se sent un peu mieux. En voyant Aliénor ainsi, en découvrant que lui aussi jouait le rôle de soutient, de repère, en semblant important pour elle... L'idée d'être toujours là pour elle germait dans son esprit. Il avait un devoir envers la jument noire : ne pas la quitter, la soutenir... Elle et leur enfant. Parce qu'elle a été là pour lui, à lui d'être là pour elle. En un sens, savoir que les rôles marchaient dans les deux sens le rassurait un peu. De rien... C'est normal, souffle-t-il.

Orkaan resta quant à lui immobile, prenant le temps d'apprécier le doux contact d'Aliénor contre lui. Il s'écoula plusieurs minutes avant qu'il n'ose rompre à nouveau le silence, jusque là seulement brisé par les quelques grésillements de braises, de flammes, voire de lave n'ayant pas eu le temps de sécher. Tu as été là pour moi alors qu'on ne se connaissait à peine, tu as tout de suite voulu m'aider... chuchote-t-il. Ça fait du bien de pouvoir se confier, exprimer ses pensées, mettre des mots dessus... A présent, il n'est plus morose, parce qu'il ne pense qu'à Aliénor et à son bien-être, aussi important que le sien. Aujourd'hui c'est à mon tour, reprend-il d'un air plus confiant. Serait-ce l'instinct paternel qui commence déjà à germer en lui ?

Une conversation avec un ami isabelle lui revient en mémoire, il sourit légèrement. La vie est trop courte pour douter. Il allait tenter de suivre cette idée. Tu as un groupe ? demande-t-il finalement tandis qu'il laisse encore Aliénor jouer avec ses crins. Il veut savoir si elle est au moins un peu en sécurité.

Était-il si prévisible ? Il faut croire que oui. Son sourire s'élargit encore un peu plus, amusé. Tant mieux, répond-il d'un air rassuré, dans tous les cas ça ne nous empêchera pas de nous voir souvent... Il marque une pause avant de reprendre, curieux : Tu as des proches, des amis dans ce groupe ? Qui sait, peut-être en connaît-il certains...

Orkaan pose son regard sur la jument noire. Il est rassuré de savoir qu'Aliénor n'est pas seule dans son groupe. A bien y réfléchir, pour lui, sa seule famille c'était elle. Dans son groupe, il n'y avait pour ainsi dire que Demetors qu'il connaissait déjà avant... Sa seule famille, c'était celle qu'il s'apprêtait à construire.

Le mâle grullo prend lentement le pas, invitant Aliénor à le suivre. Malgré le paysage dévasté, il appréciait pouvoir discuter en se baladant tranquillement avec elle. On ne se connaît pas vraiment... fait-il remarquer après une petite hesitation. D'où viens-tu ? Il fallait bien commencer quelque part...

Tout s'explique soudain. Il comprend mieux les craintes de la jument noire, cette peur de l'abandon... Mais lui il n'est pas comme ça, et il espère qu'elle le sait. Je suis né très loin d'ici, sur des terres glacées... Il n'y a pas grand chose à dire sur mon enfance, admet-il. Ma mère était dominante d'un petit troupeau qui survivait tant bien que mal dans la neige, mon père en était le protecteur, jusqu'à ce qu'un autre étalon prenne sa place après un duel et chasse tous les mâles du troupeau, dont moi... Ma mère était la doyenne, j'étais son dernier poulain, et puisque son âge ne lui permettait pas de partir, juste avant que je ne parte, elle m'a demandé d'explorer le monde pour elle, et de me trouver... un lieu idéal pour vivre. J'ai beaucoup voyagé, je pensais que ce lieu que je recherchais était ici, sur GS, mais... Pas besoin d'en rajouter, il suffisait de voir le paysage environnant pour comprendre qu'il s'était trompé sur ce point. Puis je t'ai rencontré. Il émet un petit sourire. Un silence s'installe, avant qu'il ne demande d'une voix douce : Ta mère, tu l'as retrouvée alors ?