Feel your eyes, they're all over me.

Il aurait bien aimé savoir ce qu'il se passait dans ma tête, ahah. En fait, je pense que beaucoup de personnes aimerait savoir et comprendre ce qu'il pouvait bien se passer dans mon cerveau. Qu'ils se rassurent, même moi, j'avais parfois du mal à comprendre. Trop de questions se bousculaient sans trouver de réponses. Et Draggan, c'était aussi un mystère pour moi, d'une certaine manière. Dès notre première rencontre, le courant est passé. C'était une évidence ; il allait prendre une place importante dans mon cœur. Mais - parce qu'il y en a toujours un - la vie n'est pas aussi simple et une simple petite "équation" peut vite se transformer en problème complexe. Plus t'ajoutes de personnes, et plus ça devient flou.
Plouf. Je remonte rapidement à la surface et prend une grande inspiration. Mon regard trouve immédiatement Draggan, que je fusille du regard. Quel petit con !!! Je nage jusqu'à la rive et m'empresse de sortir de l'eau.
- Je vais te tuer ! Je gronde en lui sautant dessus oreilles plaquées contre la nuque.
Bien-sûr, j'exagérais un peu ; je n'allais pas réellement le tuer. Juste le torturer un peu.

Je me stoppe dans mon élan, un instant décontenancée par son attitude. Bon sang, quel phénomène. Je l'observe longuement, silencieuse. Je pense qu'une fumée aurait pu sortir de mes oreilles, tellement mon cerveau tournait à plein régime actuellement. Quel horrible châtiment méritait-il ? Je passe à côté de lui, non sans lui donner un coup d'épaule au passage et fait mine de partir, la tête haute et les allures relevées.
- Compte jusqu'à dix. Si jamais tu parviens à me retrouver, j'oublie cet affreux moment que tu viens de me faire vivre, je lui lance sans me retourner.
Je fais exprès de laisser planer le mystère sur le deuxième cas possible ; c'est à dire s'il ne me retrouve pas. Et je prends le galop, pour aller me chercher une cachette digne de ce nom. Pas question qu'il me retrouve si facilement !
Je trouve finalement la cachette idéale, une sorte de vieille tanière relativement grande, creusée au pied d'un arbre aux multiples racines entremêlées. Des buissons à l'épais feuillage en dissimule parfaitement l'entrée et, grâce à l'odeur de terre mouillée, mon odeur est difficile à repérer. Il devra vraiment se montrer très attentif et rusé pour me retrouver... Et c'est parfait à mon goût.

Un peu de respect pour mon brushing parfait ! La beauté, ça se mérite.
Un cache-cache d'adultes, c'est parfaitement ça. Le jeu est toutefois légèrement plus poussé que la version enfantine. Un peu plus excitant, aussi. Hein ? Allez, arrêtez de jouer les coincés, je sais très bien que les jeux de traque ne laissent personne indifférents. Depuis ma cachette, j'observe l'extérieur - ou du moins ce que l'épais feuillage me laisse entrevoir. Je doute un instant de ma tactique ; et si je m'étais montrée négligente sur certains détails ? Une part de moi aimerait qu'il ne me retrouve pas, alors qu'une autre le désire ardemment. Peut-être que j'avais fait exprès de laisser certains indices, sans m'en rendre compte.
Il est déjà là. Je sens son odeur, il n'est plus si loin. Je l'attends, patiemment, le cœur battant comme un tambour. Comme s'il s'agit d'un rendez-vous secret top confidentiel. Quelques minutes plus tard, il glisse contre mon corps, non sans en profiter pour caresser le mien du bout de son nez. Un frisson électrique explose alors dans mon corps et brûle ma peau. Je glisse mes naseaux le long de son encolure, dans un geste lent et sensuel.
- Que tu es fort...
Je lâche dans un murmure légèrement rauque.

Il suffit de s'imaginer un feu caressé par le vent. Il ondule au gré de son souffle, chatouilleux. Que tu es belle. Des mots parmi tant d'autres. Des mots pensés, parfois effleurés, mais rarement dit. Et qu'en était-il de leur sincérité ?
- Même trempée ? Je lui demande, toujours à voix basse.
Quelques frissons courent sur mon corps doré même s'il ne fait pas froid. L'eau dégouline de mes crins clairs et glisse sur mon corps.
Je glisse maintenant le bout de mon nez sur son poitrail. Je le provoque sciemment. C'est ma manière d'attirer son attention.

Une pointe de déception m'envahit lorsqu'il détourne ma question par une autre question. Mes pensées devenaient de plus en plus floues et désorganisées. Je retire finalement mes naseaux de son poitrail, pour observer l'extérieur. Le silence retombe, lourd de sens. Les questions se bousculent dans ma tête et ça me préoccupe. Pourrais-je un jour trouver le parfait équilibre ?

Mon regard revient sur lui. Je prends cinq minutes pour l'observer en silence et un mince sourire reprend place sur mes lèvres.
- Non, c'est pas toi. C'est moi.
Je défais enfin mon regard du gris, pour poser ma tête contre son encolure. Je sens les battements de son cœur, via sa veine jugulaire et ce contact m'apaise. Je ne voulais pas sentir ce froid. Pas entre nous. Et je sentais qu'à travers mes réactions démesurées, qu'à travers mes doutes, j'étais entrain de construire cette forteresse de glace qui me faisait si peur.

Je frotte doucement ma tête contre son encolure, mes crins blonds s'étalant sur son poil gris. Plus le temps passait, plus je grandissais, et plus j'avais envie de revenir à l'époque où je n'étais qu'une enfant parmi les autres. Je trouvais ça vraiment difficile de grandir. Trop de soucis pour trop peu d'avantages.
Je cesse tout mouvement lorsqu'il reprend la parole. Mon cœur se serre, douloureusement. Oh Draggan...
- J'imagine que je ne suis pas la seule à tes yeux non plus, je réponds d'une petite voix.
Et dans un sens, heureusement. Je pense qu'il ne faut pas se limiter à une seule personne importante. Et c'est peut-être cette façon de penser qui m'a autant perdue puisque je me retrouve dans l'incapacité totale à choisir. Et d'ailleurs, pourquoi le faire ?

Je l'observe du coin de l'œil. J'analyse ses réactions pour ne rien laisser m'échapper. Il semble déçu ou blessé. Je ne sais pas trop différencier les deux sur le coup.
- Parce qu'il y a tout un tas de filles toutes plus jolies les unes que les autres ici et qu'elles sont toutes formidables, je réplique simplement.
Je pense à June, Ohana, Umka... Il y en a tellement. Après, peut-être que j'étais la seule à le voir.
- Et puis tu es parfait, je rajoute finalement en haussant légèrement les épaules.
C'est pas parce que j'ai régulièrement la parole légère que je ne dis pas de choses sérieuses de temps en temps. Je ne peux pas nier l'étrangeté de ma relation avec Draggan, ni l'ampleur de mes sentiments. Je ne peux pas dire que sa présence m'est égale ni qu'il n'a aucune emprise sur moi. Tout comme je ne peux pas dire qu'il est le seul.