born to be alive (id)

Son petit manteau duveteux l'a quitté depuis quelques semaines. Et avec, sa pétillante robe rousse. Sa croissance l'a surprise, elle ne s'attendait pas à un changement si brutal. Désormais son poil est plus dur, plus fin aussi, mais arbore surtout une teinte plus pâle. De minuscules points parsèment le gris clair qui couvre ses membres. Idunn pensait qu'avec le temps, elle prendrait en épaisseur et en grandeur. Pourtant, elle reste très maigrelette et ne dépasse pas les 1m35 au garrot.
La jument s'approche de l'eau pour y regarder, stupéfaite, son reflet.

Aussitôt perçoit-elle l'effluve inconnue qu'elle se redresse avec vivacité, laissant retomber sauvagement ses crins sur ses yeux. A travers son fin rideau blanc elle discerne un mâle grisonnant. D'après ce qu'elle vient de voir dans le reflet, ils n'ont pas du tout le même profil. Lui semble davantage garni sur les os. Comment se fait-il qu'elle, soit si maigrelette ? Pour une fois, Idunn garde le silence, continuant d’observer le jeune étalon qu'elle ne pense pas connaître.

Elle se mit à le fixer, et cet échange silencieux dura quelques secondes, avant que Draggan ne s'approche de quelques pas. « Tu t'appelles comment ? »

Lorsque le mâle approche, Idunn fait un pas en arrière. Elle se rétracte légèrement et laisse le rideau blanc retomber sur ses abysses ébènes, farouche. A sa question, elle découvre un œil et, méfiante, Idunn. Toi?

Il avait l'impression qu'au moindre mouvement, l'inconnue - Idunn, finalement -, allait s'envoluer. « Draggan. » Comme si elle avait déjà ses ailes déployées, prête à s'enfuir. « J'te fais peur ? » lança-t-il, histoire de détendre l'ambiance.

La jument déshabille rapidement du regard l'étalon, tentant tant bien que mal de se montrer discrète. Il faut dire qu'elle est rarement douée dans ce qu'elle entreprend. C'est sûrement l'un des rares traits de caractère qui lui est resté, la maladresse. Lorsque Draggan reprend la parole, la grise frémit, comme contrariée qu'il puisse penser une telle chose. Cette fois, elle avance d'un pas très assuré. Certainement pas. Tu devrais?

Voilà que l'oiseau farouche se changeait en fauve. Et cela n'était pas pour lui déplaire, bien que cela le déstabilisa sans qu'il ne le montre. Elle semblait si insaisissable. Un peu comme.. passons. Mais en encore différent. « J'pense pas. Ça aurait été dommage. »

Pourquoi dommage? demande t-elle, sincèrement curieuse de savoir. Au moins il ne souhaite pas faire peur. C'est peut-être quelqu'un de gentil. Ou bien un bel acteur.

« Parce que j'ai pas envie de faire peur aujourd'hui, et que j'suis pas encore un psychopathe. » lâcha-t-il simplement, peut-être un peu abruptement mais ça faisait partie de lui.

Pas encore? Tu penses le devenir? Et le questionnaire continue avec la petite jument. Lorsqu'elle est lancée, son âme d'enfant curieux revient au galop, sa méfiance se dissipant doucement.

« Je sais pas si les psychopathes s'en rendent compte quand ils le deviennent. Mais je me pense plutôt sain d'esprit. » lança-t-il avec un léger rire, qu'il étouffa quelques peu. Elle lui faisait subir un véritable interrogatoire. Genre un entretien d'embauche ?

J'espère que tu le resteras alors. clôture t-elle, plutôt satisfaite d'avoir légèrement visité sa petite tête, ou tout du moins, son avis concernant certaines choses. C'est toujours bon à prendre.

« L'étape interrogatoire est validée ? » s'enquit-il avec un petit air malicieux, un brin provocateur.

Elle lève un sourcil imaginaire, surprise de cette nouvelle lueur dans le regard de l'étalon qu'elle ne lui aurait soupçonné. Si elle avait été un chat, ses pupilles sombres se seraient très largement agrandies, trompeuses quant à son excitation du jeu. Mais là, elle se contente de l'imiter, amusée. Et bien.. il n'est pas tout à fait complet.