Calm down #P

Fiona hoche la tête en voyant l'autorisation de Phoenix. Elle pose tout d'abord son museau sur son ventre, comme sa mentor lui avait appris. Pas de chaleur, visiblement pas de fièvre. Elle glisse ensuite son museau sous son ventre pour regarder ses mamelles, elles sont encore gorgées de lait, à cause du poulain qu'elle allaitait, mais a priori, ni rougeur, ni infection. D'où pouvait venir cette douleur, et si c'était... interne ? Elle pose de nouveau ses naseaux sur son flanc et se met à appuyer méthodiquement avec des pressions croissantes tout en guettant les réactions de l'alezane. Si elle arrivait à savoir où se localisait la douleur, elle pourrait avoir plus d'informations.

Elle s’efforçait de se détendre, de ne pas penser à ses peurs et à ses doutes, bien que ce fut plus fort qu’elle lorsqu’elle se crispa sous la douleur que crée Fiona en appuyant sur le bas de son ventre. Malgré tout, elle reste silencieuse et patiente, laissant la baie réfléchir d’elle-même.

Fiona palpe doucement, avec une grande dextérité et un savoir faire qui lui est propre. Elle met ses doutes et ses angoisses de coté pour se concentrer sur ce qu'elle sait faire mieux que tout au monde : soigner. La jument rousse ne montre rien, mais cela ne suffit à déstabiliser Fiona, elle est patiente, elle finira par trouver. En passant son museau sur son bas ventre, Phoenix se crispe. " C'est là que tu as mal ? " demande t elle, attentive, en relevant les oreilles. Elle appuie un peu plus fort, non pas pour torturer son amie mais pour savoir ce qui ne va pas. Après quelques minutes d'auscultation, elle lui donne son verdict. " Pour moi, tu as une douleur à l'utérus, peut-être un décollement de la matrice ? Je ne sais pas trop je n'en ai jamais diagnostiqué avant. " Elle approche ses naseaux des siens. " Ton corps finira par cicatriser. Mais je pense que ce n'est pas raisonnable que tu portes de poulains pour les prochaines saisons. " dit elle en grimaçant légèrement.

Plus le silence devenait pesant, plus la nervosité gagnait encore plus la jument alezane. Elle ne faisait rien pour arrêter la guérisseuse dans son auscultation, même si ça lui arrachait parfois des petites grimaces de douleur. Elle hochait de temps en temps la tête pour lui répondre toujours les yeux fermés. Et lorsque le verdict tomba, sa mâchoire se serra. Ça lui faisait plus mal encore de l’apprendre, de l’entendre sortir de la bouche de quelqu’un d’autre. Comme si ce qui planait au dessus de sa tète devenait vraiment réel. Elle lâcha un petit soupir. Je sais. souffla-t-elle à travers sa gorge serrée. Elle rouvrit ses yeux, alors qu’elle détournait le regard, sentant les petites perles salées lui monter aux yeux.

Fiona perçoit la tristesse dans les yeux de son amie. " eh... ne t'inquiètes pas, ça va aller. " dit elle pour la rassurer, même si intérieurement elle n'en était pas persuadée. Aurait-elle mieux fait de donner un mensonge qui fait sourire plutôt qu'une vérité qui fait pleurer ? La jument pose ses naseaux sur le dos de Phoenix pour la réconforter. Et si son amie ne pouvait plus jamais avoir de petits ? Cette pensée enserre le coeur de l'arabe, prise de pitié pour la rouquine. Elle tente de garder un visage confiant même si intérieurement l'inquiétude la gagne.

Elle aimait mieux qu’elle le lui dise franchement qu’elle ne la berce d’illusion et qu’elle risque sa vie, croyant qu’il n’y avait aucun danger. Mais même si elle tenait à sa vie et qu’elle ne se voyait pas faire l’inconsciente qui se foutait de mourir, son coeur était bien serré. Alors c’était fini. Elle ne pourrait plus être maman. Parce qu’il fallait dire que c’était sûrement ce qui arriverait. Si elle devait attendre quelques années avant de pouliner à nouveau, autant dire que son corps sera si rouillé par la suite que ce serait autant risqué. Ça va aller ? rétorqua-t-elle, lançant un regard désespéré à Fiona. J’crois que tu te rends pas compte de l’importance qu’a le rôle de mère pour moi. Et maintenant... J’peux plus en avoir. Ça faisait un petit moment que ça me tracassait, vu que j’en doutais, mais là, c’est vraiment vrai. souffla-t-elle, tête basse. Putain, comment j’vais dire ça à Hooker ? dit-elle en plongea son regard triste et humide dans celui de la brunette.

Fiona met les oreilles de cotés, les paroles de l'alezane la blesse mais elle sait qu'elle n'y est pour rien. Sa colère n'est pas dirigé vers elle, c'est la tristesse qui parle, simplement. La brune s'approche doucement pour venir poser son museau sur l'épaule de son ami malgré la remontrance de celle-ci et s'efforce de parler d'une voix calme pour essayer de l’apaiser. " Je sais que pouliner est très important pour toi. Mais tu as déjà la chance d'être mère de trois magnifiques petits... " Enja, Aulia, et maintenant Gryffon. Fiona donnerait n'importe quoi pour être à sa place, ne serais-ce que quelques instants. Un mari aimant, trois merveilleux poulains. Que demander de plus ? " Tu as un conjoint extra, il comprendra. " chuchote t elle doucement. Et puis, ce n'est pas comme si Hooker manquait d'héritiers, il avait au moins 4 fils et 2 filles. " Et puis... il n'est pas impossible que tu guérisses. "

Bien sûr que Fiona n'y était pour rien, bien sûr que sa colère de Phoenix ne lui était pas dirigée. Celle-ci était plutôt adressée à la vie qui la faisait chier. À la vie qui se montrait injuste. Une mère qui ne pouvait plus être mère, pourquoi c'était elle ? C'était tellement moins compliqué quand ce n'était pas elle la blessée ou elle qui avait besoin de conseils médicaux. Hélas, elle ne pouvait pas toujours ne jamais porter le rôle du patient. Certes, elle avait déjà trois enfants, trois enfants qu'elle aimait plus que tout. Mais elle avait tellement d'amour, de tendresse et de protection à donner. Il n'y avait qu'à penser à Salem, qu'elle avait chéri pendant sa si courte vie, ou encore au petit Naâman, qu'elle avait allaité. Elle avait également raison au sujet de celui qui partageait sa vie. Elle savait qu'il voudrait le mieux pour elle, mais c'était si délicat, si déchirant qu'elle ne savait pas comment elle allait aborder le sujet avec lui. Elle verra. Même si je guéris, tu sais comme moi qu'il y aurait d'énormes risques que j'y laisse ma vie. Mon corps ne sera plus prêt à donner la vie, ni même capable. souffla-t-elle. Le passage était ouvert et il se refermerait si elle ne mettait bas que dans plusieurs années. Et rendue là, ce serait aussi risqué, compte tenu de ses blessures internes.

Fiona hoche la tête aux paroles de son amie, elles sont véridiques, néanmoins, la brune pense que les pensées négatives influent parfois sur le cours de la vie. Par exemple, elle avait entendu dire qu'un vieux cheval qui avait toujours eu une santé de fer, avait perdu sa compagne, suite à cela, il est devenu triste et pessimiste, il n'avait aucun espoir pour l'avenir. Il s'est mis à tomber malade, aucun guérisseur ne parvenait à guérir son mal. Puis un jour, une jument lui a redonné goût à la vie, il s'est remis à remonter la pente. Il a vécu très vieux, et heureux. Même s'il n'y avait rien de scientifique dans cette guérison, Fiona ne pouvait s'empêcher de penser que parfois l'état d'esprit influence notre quotidien. Elle devait convaincre Phoenix de ne pas s'attarder sur ses problèmes et essayer de reprendre goût à la vie. Moins elle se focalisera dessus, mieux ça ira. " Essayes de ne pas te préoccuper de l'avenir, on ne sait pas de quoi sera fait demain. Le plus important est de profiter de l'instant présent. Regardes tes filles s'épanouir, admire ton fils grandir. Et surtout, prends soin de ton époux qui à la chance de pouvoir t'admirer maintenant. " Fiona faisait référence à la cécité de Hooker, celle qu'elle avait réussi à guérir alors que tout les espoirs semblaient perdus. Motivation et persévérance payent toujours.

Des pensées sombres et déprimantes, oui, elle en avait à cet instant. Mais pas à un point inquiétant. Elle s’en remettra, elle le savait. C’était juste que c’était encore vif et qu’une partie de son monde était tombé en ruines d’un coup. C’était tellement frustrant de penser qu’elle ne pourrait plus donner la vie à nouveau, qu’elle devrait s’empêcher de la concevoir parce que la mise bas serait risquée. C’était frustrant de penser qu’elle ne serait plus mère pour se protéger, alors qu’elle savait que, une fois que les chaleurs arriveront, elle devrait se retenir bien que ce serait tentant. On n’est pas mariés. fit-elle remarquer dans un petit rire. Ça l’amusait qu’elle pense cela alors qu’elle n’y avait jamais pensé. Et elle n’avait pas besoin de cela pour être heureuse. Si jamais t’entends qu’un poulain est orphelin et qu’il peut s’alimenter sans lait, dis le moi. Elle aura sans doute assez d’amour à donner. Et ce sera sans doute le mieux pour son coeur en compote.

Fiona laisse échapper un sourire ravi. Elle était contente de voir naître un petit rire sur le visage de sa meilleure amie. Ce n'était pas vraiment fait exprès mais après tout, c'est le résultat qui compte non ? " ah oui ? J'espère que je serais invité au mariage dans ce cas ! " rajoute t elle en lui donnant un petit coup de nez taquin. Elle pousse un hennissement joyeux. Malheureusement, la rouquine reprend rapidement le sujet initial, mais avec plus de nostalgie cette fois ci. Fiona s'approche et pose ses naseaux sur le front de l'arabe. " C'est promis. " jure t elle solennellement en déposant un baiser sur le front de la rouquine. Des poulains orphelins, elle en croisait souvent, cette demande lui semblait réalisable.

Elle se surprit à lever les yeux au ciel aux premières paroles de Fiona. Elles n’avaient décidément pas la même vision de l’amour. Phoenix n’avait pas besoin de.. tout ça. Mais bon, passons. Sa tristesse ne semblait pas vouloir la quitter de sitôt. C’était un véritable poids sur son coeur. Elle lâcha un soupir, levant un regard reconnaissant vers la baie. Puis, à cours de mots, elle s’approcha pour l’enlacer, en guise de remerciements.

Fiona accepte son étreinte avec joie et enserre puissamment son amie. Elle serait toujours là pour elle, quoi qu'il arrive. Lorsque leurs encolures se décollent, la jument à les yeux brillants. Elle s'essuie le visage sur son antérieur pour masquer quelques larmes d'émotion. Elle lève ensuite le regard vers le ciel, le soleil est au zénith. " J'espère qu'il ne fera pas trop chaud cette année.. " soupire t elle, pensive. Si les clans venaient à manquer d'eau, les tensions pourraient revenir plus vite que prévu.

Pourtant, le geste de la baie n’échappa pas à la rouquine, bien qu’elle ne le fait pas remarquer. Elle n’avait pas envie qu’on la prenne en pitié non plus, elle avait toujours détesté ça. Elle s’en sortira et ira mieux, elle allait se battre pour surmonter cette épreuve. Pas faux, en plus, les plantes brûleraient au soleil. Et ce n’était pas très pratique quand les tensions entre clans étaient fortes.

Fiona fait la grimace aux dires de l'arabe. Heureusement qu'il y à moins de risque de maladie qu'en hiver. Cependant, la pénurie et la famine pouvait être tout aussi dangereuse. " J'espère surtout qu'on ne manquera pas d'eau. "

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