You've got a fire inside but your heart's so cold ▬ R

Rosie sourit, amusée par le manque de répartie de Jake. Il est doux comme un agneau. Peut-être que c'est ça qui l'a attirée. Le contraste entre lui et elle.
- Je t'aime aussi, souffle-t-elle.
Et pour le coup, elle ne se moque pas de lui. Elle aura certainement aimé Jake plus que quiconque sur cette terre. Elle laisse ses naseaux courir le long de son encolure musclée.
- Dans quelques années, ce sera tout comme, le rassure-t-elle en glissant ses naseaux jusqu'à son oreille.
S'il aurait préféré qu'ils ne se rencontrent jamais, de son côté, Rosie aurait préféré qu'ils restent de simples amis. Enfin... Un peu plus que des amis. Parce que cette relation là lui allait vraiment bien et ça lui manquait.

Quelques minutes s'écoulent pendant lesquelles Rosie reste silencieuse. Elle hésite maintenant entre lui dire la vérité ou continuer d'enfoncer le couteau dans la plaie.
- J'étais en plein deuil, se défend-elle en couchant ses oreilles contre sa nuque.
Elle avait eu du mal à s'en remettre, de cette douleur, de cette tristesse et surtout de cette culpabilité. Parce qu'elle devait la mort de son fils à une seule personne ; elle-même. Alors, oui, Jake était passé en second plan.
- J'aurai peut-être préféré qu'on en reste là, oui.
Elle n'allait pas lui mentir, c'était vrai. S'il n'y avait eu qu'elle, elle se serait largement contenté de leurs petits rendez vous nocturnes. Sauf que lui, il ne joue pas non plus franc jeu, ce qu'elle compte bien lui rappeler.
- Et sinon, tant qu'on est au tribunal... J'ai rencontré le petit Ash. J'imagine que ce nom doit te dire quelque chose, n'est-ce pas, monsieur je ne veux pas avoir d'enfants ? Comme quoi, aux dernières chaleurs, tu n'as pas été si frigide que tu ne m'as laissé entendre. Alors elle avait quoi de plus que moi cette pute, hein ? Gronde-t-elle, excédée par cette rancœur qu'elle gardait depuis bien trop longtemps maintenant.
- Alors si toi aussi, tu m'avais réellement aimée, un temps soit peu... Tu m'aurais peut-être avoué la vérité, non ? Toi qui m'a abandonnée pour aller en niquer une autre, crache-t-elle en s'écartant brutalement de lui.

La colère qu'elle ressent est infinie, presque autant que sa tristesse. La dernière - et première fois - qu'elle s'était sentie ainsi, c'était lorsque Eulalie l'avait remise à sa place en lui rappelant que la seule princesse du désert, c'était elle. Et que Jake protège l'autre, ça ne lui plaisait pas. Qu'il l'ait sauté, elle s'en contrefichait, ce n'était en effet pas ses affaires. Ce qui ne lui plaisait pas, c'était qu'il ait accordé cette faveur à Fiona alors qu'il lui avait refusé cette même faveur, à elle. Elle se sentait simplement relayée au second plan, comme il y a quelques années avec Eulalie et ses parents adoptifs.
- J'te déteste, siffle-t-elle entre ses dents.
Cette fois-ci, elle n'a plus envie de jouer. Cette fois-ci, elle est triste. Et en colère. Pourtant, elle ne le déteste pas réellement, loin de là. Simplement, sa colère a prit le dessus sur tout le reste. Sa colère, c'est sa carapace. Ça l'empêche de sombrer réellement.
- Tu vois qu'on aurait pas pu continuer comme avant. Toi tu voulais plus alors que moi, notre relation m'allait bien, elle soupire.
Donner son corps, c'est facile. Donner son cœur, en revanche, c'est bien plus délicat. Et il avait voulu qu'elle l'aime dans une période où elle était tout simplement incapable de le faire. Il avait tout ruiné, tout autant qu'elle l'avait fait, elle aussi. Chacun à leur manière.
- Tu n'imagines même pas le mal que ça m'a fait de le découvrir. Tu l'aurais prit comment toi, hein ? Que je te fuis en période des chaleurs pour une raison qui t'es parfaitement inconnue et que t'apprennes des mois plus tard qu'en fait, en parallèle, je suis allée faire un gosse avec un autre ?
Elle fait tomber les barrières, enfin. Une par une. Elle cherche à libérer un peu son cœur du poids qui lui pèse dessus. Ses prunelles dorées reviennent se planter sur lui, froides comme elles ne l'ont jamais été auparavant lorsqu'elles étaient posées sur lui.
- Mais toutes façons, qu'est-ce que tu en as à foutre ? Fiona est tellement mieux, grince-t-elle.
Et alors que ses yeux commencent à s'humidifier, elle tourne vivement la tête pour ne plus le regarder. Ses oreilles se couchent contre sa nuque et elle tourne sa croupe vers lui. Et si autrefois ce geste était une invitation à l'amour - certes selon elle - aujourd'hui, il sert de menace.
- Dégage de mon oasis maintenant, siffle-t-elle.

Il disait qu'ils auraient pu continuer, qu'il aurait fini par l'accepter et passer au dessus, mais elle n'y croyait pas un seul mot. Donner de l'amitié à quelqu'un qui veut de l'amour, c'est un peu comme donner de la mie de pain à quelqu'un qui meurt de soif.
Il l'avait attendue tout comme elle l'avait attendu pendant les chaleurs. Alors pour le coup, il était assez mal placé pour parler d'abandon. Surtout qu'elle n'était pas allé voir ailleurs, durant ce temps, elle.
- Je ne t'ai jamais menti, Jake. Jamais.
Elle lui avait même avoué le meurtre de son fils alors qu'elle aurait pu aisément étouffer cette histoire dérangeante. Et aujourd'hui, elle aurait pu le conforter dans l'idée qu'il se faisait d'elle, dans l'idée qu'elle ne l'avait jamais aimé mais ce n'était pas le cas. Il n'y avait que lui qu'elle ne manipulait pas, mais il ne voulait pas le voir, parce qu'il s'était mit des œillères, et elle ne lui en voulait pas réellement. Qu'il aille faire sa vie avec la mère de son enfant. Il sera plus heureux ainsi. Plus heureux avec elle, qui n'est pas une mère infanticide. Avec elle, il ne prendra jamais le risque de voir son enfant mourir de ses mains.
Pourtant, peut-être qu'avec Jake tout aurait été différent. Il aurait été là pour la soutenir, pour l'empêcher de dérailler et de commettre l'inadmissible. Elle aurait peut-être été capable de résister à son démon intérieur, pour préserver leur famille. Ou peut-être pas. On ne saura jamais.
Rosie lève l'un de ses postérieurs qu'elle repose au sol lourdement, menaçante. Il la fait vraiment chier.
- Tu ne sais rien, gronde-t-elle d'une voix lourde en faisant volte face pour lui faire de nouveau face. C'est la mienne, il n'y a rien à négocier. Et tu n'y es pas le bienvenu, le met-elle en garde avant de claquer ses mâchoires juste devant son nez, les larmes qu'elle retenait depuis si longtemps dévalant enfin ses joues.

Il paraîtrait que de l'amour à la haine, il n'y ait qu'un seul et unique pas. C'est peut-être vrai. En tous cas, Rosie et Jake semblent donner raison à cette doctrine. Malgré tout ses efforts, il n'a jamais su la comprendre et elle ne peut pas lui en vouloir. Personne sur terre n'a su. Personne ne saura jamais. Mais Jake est le seul à avoir su dompter son démon intérieur. Sa petite voix, qui la guidait dans ses actes les plus infâmes. Et ça, malheureusement, il n'en était même pas conscient, puisqu'il pensait qu'elle ne l'avait jamais aimé. Pourtant, elle l'avait assez aimé pour lui confier l'un de ses pire secret.
Alors s'il avait l'impression qu'une épine s'enfonçait en plein dans son cœur, il n'était pas le seul. L'épine s'était retournée contre la rose. Elle fanait rien qu'à l'idée de le voir s'éloigner. Douloureusement mais courageusement, elle le chassait, pour lui rendre sa liberté. Il n'en était pas conscient, du moins pas encore, mais elle était entrain de lui épargner toute une vie de souffrance. De compromis, de faux-pas, d'erreurs et de malheurs.
Rosie ferme les yeux au moment où les naseaux de Jake touchent ses joues pour essuyer les perles translucides qui les parsèment. C'est un moment si douloureux, malgré la tendresse de son geste. Une tendresse qui est pourtant la bienvenue, après toute cette violence qu'ils se sont infligée par la seule force des mots. Il disparaît ensuite, emportant avec lui la tendresse, pour ne laisser plus que l'amertume et la douleur, si puissantes et intenses que le sol se dérobe sous les sabots de Rosie.

( Yep   )