life over death | ECHANGE

H O O K E R

Dans sa tête, c'est le chaos. Ça l'est depuis des jours, des semaines, des … mois ? Il n'a plus la notion du temps depuis qu'Aulia est captive, c'est une douleur insupportable, sans fin. Il la transporte avec lui de manière invisible et pourtant si étouffante, si brutale. Elle étouffe le feu qui brûle habituellement en lui, de manière dévastatrice. Mais aujourd'hui, c'est lui qui est dévasté. Un père en souffrance.
Il traîne Nyveèn en tandem avec Bryséis, ne se préoccupant pas de si elle tient le rythme, ni de comment elle se sent. Il se contre fout de ce que X lui a fait, encore … Quoi que, ça le travaille quand même. Mais pour Fiona, pour Enja, pour Thyl, ça le brise encore un peu plus. Le roc qu'il est, était, s'éffrite à mesures que les fatalités s'abbatent sur eux, sans aucun répit. Qui les avait ainsi maudit ? C'étaient-ils eux même condamnés ?

Après une longue marche, ils s'immobilisent. Asmund prend les rênes, il les lui laisse volontiers. Il tourne un instant la tête, s'assure qu'il n'aperçoit ni Thyl, ni Gryffon. Il s'était senti incapable de refuser quoi que ce soit à son petit fils, quant à son fils, il était trop têtu pour écouter quoi que ce soit. Mais il les avait averti, si il voyait l'une ou l'autre de leur tronche sortir de leur petite cachette, il n'aurait plus ni patience, ni clémence. Il était las de tout ça.
Dans son repérage, il croise le regard de Phoenix, y reste un instant. Ils retrouveraient bientôt leur fille.

L'alezane marchait à l'avant, un peu derrière Asmund. Elle avait insisté pour être à l'avant malgré le fait que, s'ils se faisaient attaquer, elle serait une cible facile. Mais déjà, elle doutait fort que l'échange se passe dans la violence s'ils tenaient à la vie de l'araignée. Elle y avait tenu pour pouvoir accueillir sa fille, qu'elle allait enfin récupérer. À chaque pas qui la rapprochait un peu plus d'elle, son coeur battait un peu plus fort tellement elle avait hâte de la retrouver. Derrière elle avançait Nyveèn, encadrée par Hook et Bry. Elle avait un peu de peine pour elle malgré tout. Elle ne la pardonnerait jamais d'avoir ôté la vie de Gaya, mais elle était d'avis qu'aucune jument ne méritait un viol, peu importe ce qu'elle a pu commettre dans sa vie. À quelque part, elle espérait qu'elle s'en remette, même si elle en aura des traces toute sa vie. Surtout si elle s'acharnait encore à essayer de leur faire du mal en fait.
Une fois à destination, ses yeux trouvèrent immédiatement Aulia, derrière son ravisseur. Elle se fit violence pour ne pas bondir inconsciemment vers l'avant pour aller la retrouver. Ravalant son émotion, elle lança un regard derrière elle, pour y trouver celui de Hooker, le coeur battant. Leur famille allait enfin être réunie après tant de temps à avoir souffert de l'absence de leur fille. Elle tourna la tête vers Nyveèn qui semblait prête à aller rejoindre les siens. Prudemment, l'alezane vint délier ses postérieurs afin qu'elle puisse marcher normalement, tout en gardant un oeil sur elle. Qu'elle ne tente rien, il fallait qu'elle récupère sa fille. Après quelques tentatives de la récupérer en secret, seule, la voilà à deux doigts de la ravoir auprès d'elle.


Aulia elle, s'était mise en marche, encadrée de tous les côtés. De toute la durée de sa capture, elle ne s'était jamais sentie autant en cage. Elle jeta un regard derrière elle, observant rapidement le pie, qu'elle ne connaissait absolument pas. Elle ignorait qu'une autre personne avait été mêlée à cette histoire. La rouanne reporta bien vite ses prunelles sur Faucon, qui menait la marche. Elle ne comprenait pas pourquoi il lui imposait une surveillance aussi accrue, alors qu'elle n'avait jamais tenté de s'enfuir. Ils avaient appris à se connaître, pendant tout le long de sa capture. Elle avait découvert une partie plus sensible de l'étalon qui se battait pour des valeurs qui lui tenait à coeur. Au final, même si elle ne lui pardonnait pas de l'avoir enlevée, elle avait compris qu'ils n'étaient pas si différents. Ils voulaient tous les deux le mieux pour leur famille.
Elle n'osa pas regarder Foudre et encore moins Boréale. Elle s'était sentie trahie comme jamais par ces deux-là. Surtout par Allie en fait, alors qu'elle avait été l'une des seules à chercher à apprendre à la connaître, à la comprendre malgré les menaces faites envers Aszio et Azara. Et pourtant, la voilà là, à restreindre sa liberté au maximum. La prochaine fois qu'elles se parleront, ce seront des reproches qui sortiront de sa bouche.
Aulia ne réagit même pas vraiment lorsqu'elle vit les Tsoldurs arriver au loin, avec Nyveèn. Ils l'avaient bien abîmée quand même... Alors qu'elle n'avait rien. La justice l'avait rattrapée quand même à quelque part. Celle qui avait tué avait souffert alors que celle qui défendait les siens était intactes. Si seulement elle connaissait l'étendue de la souffrance de l'araignée...
La seule personne à laquelle elle sourit fut probablement sa mère. Elle savait que cette dernière serait venue la chercher la journée même de sa capture si elle avait pu. Mais les autres... Ils avaient attendu si longtemps...

La marche depuis la jungle a été silencieuse, pesante. Boréale suit les ordres, ce qui habituellement n'est ni pour lui plaire, ni pour lui ressembler. Mais elle laisse Faucon la guider, et elle s'exécute sans rechigner. Il s'agit de sa mère, elle comprend, elle veut être là pour lui et avec lui.
Elle n'a pas revu Aulia depuis longtemps, aillant finalement préféré s'abstenir de venir la voir, ne l'observant que de loin lorsque c'était à son tour de la surveiller. Malgré tout, le regard de la rouanne en dit long à son égard, ce qui lui serre le cœur. Un jour, elles auraient une conversation, explosive sans aucun doute, mais elle assumerait les conséquences en espérant qu'elle ne soit pas punie d'actes qu'elle n'avait pas commis. Durant le trajet, elle fait en sorte de ne pas la toucher. Pas parce qu'elle la dégoûte ou la rebute, loin de là, encore moins pour instaurer un climat de pouvoir sur elle, non. Elle ne le supporte tout simplement pas. Tout est encore trop frais dans sa tête et sur son corps. Mais pourtant, elle a tenu à être là.

Bientôt des silhouettes se dessinent. L'Erg est déjà là. Les Nayatis calent tous leurs mouvement sur Faucon et s'immobilisent à l'unisson, comme un même corps, un même esprit. Allie serre la mâchoire, garde la tête haute pour rester digne et fière, bien que l'incendie fasse rage en elle. Inconsciemment, elle le cherche. Son regard dépareillé saute de visage en visage, mais il n'est pas là. Elle ne parvient pas à savoir si elle est soulagée ou déçue. Puis, à tour de rôle, elle revient sur chacun des individus, affrontant leurs regards colériques et inquiets, sans honte, sans peur. Puis inévitablement, vient le tour de Mygale. Elle prend une profonde inspiration en découvrant son état. Elle ne la porte pas dans son cœur, même si leur dernière entrevue avant sa capture avait commencé à changer sa vision qu'elle se faisait d'elle. Son visage est masqué mais elle peut clairement voir les traces d'ecchymoses sur son corps … Ce genre de marque qui met du temps à disparaître de la chair et de l'esprit. Elle voyait le miroir de son propre corps. Elle sent la bile lui monter, mais se maîtrise, se contient, bien que le feu brûle encore plus fort. Boréale ferme un instant les yeux, pour se concentrer, avant de les rouvrir lentement et de les tourner légèrement vers son père. Elle secoue doucement la tête de droite à gauche, pour lui signifier silencieusement qu'il n'était pas là.

L'attente est longue, insupportable. Il lutte, fait son maximum pour prendre sur lui, mais il tourbillonne, boue, brûle, meurt. Puis ça recommence, encore et encore, en un cycle infernal. Il faut qu'ils la récupèrent, maintenant, tout de suite. Il avait perdu un morceau d'âme, il ne pouvait en perdre un autre. Hooker aurait du aller la chercher il y a longtemps, braver ce qu'on lui interdisait, tout faire pour la ramener. Déclarer la guerre s'il le fallait, juste pour elle. Et pourtant, il n'avait rien fait. Peut être était ce déjà trop tard pour lui, peut être n'était-il plus que l'ombre de lui même ? Alors pourquoi cela fait-il encore si mal ? Avoir mal ne signifie t-il pas que l'on est vivant ?

En réalité, le groupe de ravisseur n'a pas mis tant de temps que ça à arriver, mais dans sa tête, cela a pris mille ans. Il leur jette un regard noir, foudroyant. L'appaloosa serre les mâchoires pour ne pas leur sauter à la gorge immédiatement. Il ne peut pas tout faire foirer impulsivement maintenant, pas maintenant qu'il peut enfin la voir. Il réprime un violent désir de bondir en avant pour aller la toucher, caresser son visage, enfouir le sien dans ses crins fins. Elle semble intacte, en parfaite santé, et le soulagement est tel qu'il a la sensation de suffoquer. Réaction étrange, mais le poids était tel que lorsqu'il s'envole, cela crée une espèce de dépression violente dans sa cage thoracique. Hook ferme les yeux, et encore une fois réprime ses larmes. Pourtant il a de quoi s'effondrer ici, devant tout le monde, et en même temps, il se l'interdit, formellement. Lorsqu'il rouvre les yeux, ils tombent immédiatement dans ceux de sa fille... Qui le regarde à peine, fuit peut être même son regard. Elle sourit à sa mère. Pas à lui. Cela lui broie un peu plus le cœur, mais il comprend, il encaisse, péniblement, mais il comprend. Il essaie. Il s'enfonce un peu plus. Mais elle est en vie. Elle est en vie. Il ne remarque même pas que Nyveèn s'est avancée d'elle même, ne la rabroue pas. Il est un peu déconnecté, entend les échanges entre le fils de l'araignée et son frère de manière lointaine. Et enfin, ils avancent. Aulia se rapproche un peu plus d'eux, ce qui fait sauter ses barrières de maîtrise. A son tour il fait un pas en avant, mais les regards noirs du camp adversaire le contraigne à s'immobiliser. Il les haït encore plus à cause de ça, de l'obliger à le faire ployer. Sa rage se déploie, se débat monstrueusement, mais pour le moment, il parvient à la maintenir encore en cage. Pour combien de temps ?