are you death or paradise ? _A_

À vrai dire, c'était surtout que, depuis qu'elle avait été libérée, elle remettait toujours tout en question. Ses relations, ses opinions des autres... Si bien qu'elle avait aussi l'impression de ne plus connaître personne. Elle avait tellement hâte d'être moins... perdue. On avait prévu une embuscade pour Nyvèen. Elle est tombée dans le piège, mais ses fils sont venus en renfort. Je me battais contre Faucon, je menais le combat, mais il a réussi à m'assommer. J'ai perdu connaissance et quand je me suis réveillée j'étais dans la jungle et il me disait que j'étais une foutue monnaie d'échange pour s'assurer qu'il retrouve Nyveèn en vie. expliqua-t-elle. À vrai dire, elle n'avait jamais dit ce qu'il s'était passé à la blonde, la dernière fois qu'elles s'étaient vues elles étaient surveillées. Sauf que je pensais pas rester là-bas si longtemps. J'aurais cru qu'ils seraient venus me chercher plus tôt... souffla-t-elle, luttant pour ne pas laisser les larmes monter. Non, elle était plus forte que ça. Et maintenant je suis complètement perdue. Je sais plus ce que je vaux, je sais plus à qui faire confiance, c'est à peine si je sais qui je suis.

Et même si elle en avait cruellement besoin, elle savait que ce serait trop demandé de vouloir se faire réconforter par la belle blonde. Elle aura beau souhaiter que tout redevienne comme avant, ce ne sera jamais le cas. Alors elle n'espérait plus grand chose, si ce n'était que de reprendre une vie normale, même si c'était difficile. J'ai juste envie que ça redevienne un peu plus normal. J'ai envie de reprendre ma vie là où on me l'a prise. souffla-t-elle avant de soupirer.

L'esprit ailleurs, elle fut ramenée à la réalité par le contact de la palomino. Aulia se crispa, son corps tendu en entier, à la fois surprise et incommodée par le contact de leurs deux peaux. Son mécanisme de défense qu'elle s'était construit pour empêcher quiconque de jouer avec son coeur à nouveau, pour laisser personne y entrer s'était enclenché. Mais elle se sentait faiblir de plus en plus. Sa peau s'enflamma, son coeur s'embrasa, s'affola aussi. Elle se détestait pour ça, la détestait peut-être aussi d'avoir une emprise si facile sur ses sentiments. Comment était-elle sensée passer à autre chose quand elle faisait toujours naître cette douce chaleur en son être ? Comment était-elle sensée tourner la page et s'offrir entièrement à quelqu'un d'autre ? Oh oui, Aulia se détestait pour ça.
Ses muscles se détendirent aussitôt en entendant ses mots. S'offrir au moins cette journée, être heureuse le temps que le soleil soit encore haut dans le ciel. Pourquoi pas après tout... Elle ne pouvait pas lutter de toute façon, tombant dans les bras de la belle dorée sans pouvoir rien faire. La rouanne se blottit un peu plus contre elle, profitant de la chaleur de la jument. Elle laissa ses naseaux glisser sur son visage, danser sur ses traits. C'était si bon de profiter de la proximité de quelqu'un, d'avoir la sensation que le monde s'arrêtait pour les laisser vivre. Et pourtant, elle avait terriblement peur d'y prendre trop goût.
Parce qu'elle avait trop souvent vu son amour être gâcher par des promesses éphémères.

La jument de feu et de neige était complètement détendue, apaisée par le contact et la présence d'Absinthe. Ça lui faisait du bien d'être blottie contre quelqu'un, même si ce n'était sans doute que pour une journée, pour faire semblant, pour se remémorer le bon temps. Mais après avoir été loin de tout le monde, se rattacher à elle lui faisait un bien fou. Merci... souflla-t-elle un peu inconsciemment.

Pour elle, c'était un peu faire semblant. Pas qu'elle simulait ce qui bourgeonnait dans son coeur, pas qu'elle jouait la comédie quand elle sentait sa beau la brûler. C'était juste que, pour elle, c'était se donner l'illusion d'être aimée, d'appartenir à quelqu'un le temps d'une journée avant de retrouver sa solitude. C'était vivre une histoire n'ayant une seule page d'écrite, incomplète. C'était se panser le coeur avant de le sentir se briser à nouveau.
Aulia se mit doucement à sourire. Elle ne saurait dire si ces paroles lui faisaient mal ou lui faisaient du bien. Ses mots étaient gris, ils étaient sans doute à double tranchant. Si ça lui faisait chaud au coeur, ça ne lui faisait que lui rappeler à quel point la blonde lui paraissait inaccessible. Y'en a pas deux comme toi Absinthe. Sa manière, sans doute, de lui dire qu'elle n'était jamais réellement parvenue à l'oublier, que leur histoire la hantait encore, les bons moments comme les mauvais. La coupure avait été trop dure, trop brutale pour que les souvenirs parviennent à s'estomper. Et pourtant, elle avait aimé Aël aussi, suffisamment pour mettre de côté ses sentiments pour la blonde. Mais maintenant que son chanfrein venait se coller au sien, elle n'était que plus confuse sur ce qu'elle devait ressentir.

Elle se sentait ramenée en arrière, au début de leur relation. Elles pouvaient passer des journées à être allongées, collées, à regarder les nuages et à rêvasser. Ce temps là lui manquait. Tout lui semblait si simple et doux, autant dans son couple que dans sa vie en général. Elle ne se doutait de rien. Et pourtant, maintenant, ce temps de paix et de calme qu'elles s'accordaient lui faisait mal également, à travers le bien que ça pouvait lui faire. Ça lui rappelait quelque chose qu'elle n'avait pas, quelque chose qu'elle n'avait plus.
Si la rouanne lui sourit à sa réplique, ça lui rappelle des mauvais souvenirs aussi. Elle était rancunière et elle était encore blessée de s'être fait trompée. Alors elle se retint de lui répondre qu'elle ne devait pas être si unique que ça si elle avait pu être mise de côté si facilement. Mais elle n'avait pas envie de briser cet instant de paix et de douceur. Je sais. Loin d'elle d'avoir la prétention de dire que jamais personne n'aura plus de valeur aux yeux de la dorée. Simplement qu'elle se savait unique et qu'elle avait pris conscience de ce qu'elle était après du recul.

Et alors que sa tête chutait vers son poitrail, celle d'Aulia vint la serrer un peu plus contre elle. Elle avait besoin de la sentir réellement présente, elle avait besoin qu'elle soit là pour de vrai. Elle avait besoin d'attention et d'affection, se sentant abandonnée plus que jamais auparavant. C'était égoïste de sa part sûrement, mais elle n'y pouvait rien. Elle avait besoin de prendre soin de son coeur après toutes les blessures qu'elle avait dû enduré. Merci d'être là. souffla-t-elle à la blonde.