divine lumière

Il faisait déjà nuit depuis un bon moment. Seule la lumière d'une importante pleine lune éclairait les endroits non cachés par les ombres mouvantes de la nuit. Un petit groupe d'indiens avaient quittés le campement à la tombé du jour, pour partir en expédition, en espionnage. Après sa rencontre avec son père, Kohana s'était empressée de le rapporter à Hiamovi.
Astrée est l'une des montures de ce groupe. Sur son dos, un adolescent, qui a à présent atteins l'âge d'un homme pour les indiens. Mais il semblait si jeune.. L'ancienne sauvage humait à pleine poumon l'air chaud du canyon plongé dans le noir, appréciant ce retour aux sources, ne cherchant même pas à s'enfuir. A quoi bon ? Elle a été capturée par un seul humain, et là ils sont cinq. Vers le bord d'une falaise, en amont d'une rivière agitée qui traverse le canyon, le groupe s'est dispersé pour couvrir un plus large terrain. Son humain glisse de son dos, lui offrant quelques friandises au passage ; elle hennit même faiblement de bonheur ! Qu'est ce que c'est bon, ces conneries humaines. Pendant qu'il s'allume un petit feu, la jument en profite pour s'éloigner, à la recherche d'une touffe d'herbe.

Il en a fallu du temps. De temps pour comprendre, abandonner, reprendre du poil de la bête. Quelques semaines plus tôt, elle faisait peine à voir ; son poil était devenu terne, elle n'était pas squelettique mais avant perdue pas mal de poids, et était devenue son propre fantôme. Aujourd'hui, c'était différent. Elle avait même revue Libellule, au camp, et les humains ne semblaient pas vouloir la garder, ce qui avait redonné un peu d'espoir à la jument. Sans compter les bons conseil de Spartacus.
La lumière du petit feu de camp l'aide à se réparer, et Astrée réussit sans mal à se trouver un peu d'herbe. Croquant les premières brindilles, elle est vite interpellée par une odeur familière. Une odeur qu'elle connaît beaucoup trop, jusqu'à lui électrifier le corps. Ses membres, son dos. Ses lèvres. Elle continue de mâcher en observant le buisson face à elle, intriguée, et s'en approche doucement, avec précaution.
- Chakrika! Ses oreilles pivotent, et après de longues secondes elle abandonne le buisson, pensant que c'était son imagination. Elle revient vers le petit jeune, qui lui verse de l'eau bien fraîche dans une coupelle, qu'il remplit au fur et à mesure qu'elle boit. Mais Astrée ne peut s'empêcher de continuer à fixer les fourrés, intriguée.

L'humain se tourne pour préparer sa couchette, non pas pour dormir, puisque son but est d'espionner. Au moins, il ne l'attache pas. Elle l'observe faire, lorsqu'une petite pierre roule jusqu'à ses postérieurs, attirant donc son regard vairons. Doucement, elle suit son cheminement, remontant jusqu'au buisson. Elle n'avait donc pas rêvée ? Un dernier coup d'œil à son cavalier, et la jument blanche se dirige lentement vers les fourrés, un peu sur ses gardes, traversant doucement l'épais nuage de branche et de feuille, sans savoir où poser ses yeux.

Plus elle avance, et plus elle le sent. Et si c'était son imagination ? Elle espérait que non. Et lorsque elle colle ses naseaux à ceux, secs, de Faucon, son sang ne fait qu'un tour. Son cœur échappe à son contrôle, bien plus lorsqu'il murmure son nom. Mais avant, ce n'est pas la joie qui la traverse, plutôt l'inquiétude. Astrée colle subitement son poitrail au sien, voulant le forcer à reculer, à s'éloigner de l'humain. Faucon avait beau être une chimère insaisissable à ses yeux, ces humains n'en feront qu'une bouchée.
- Faucon, que fais-tu là ? Lui murmure-t-elle à la hâte, tellement paniquée qu'il puisse perdre sa liberté. Cherchant une réponse dans le regard du chef qu'elle peine à voir, la jument blanche s'élance à nouveau contre lui pour cette fois-ci l'enlacer de bonheur, sentir son odeur, sa chaleur. Tout.

Ses premiers mots sont à la fois si doux, et si douloureux à la fois. Comment peut-il lui faire ça, venir risquer sa vie lui aussi.. Et si il se faisait prendre comme les autres ? Elle n'arrivera pas à s'en remettre. Bouffée par ses émotions, lorsqu'il vient à son tour l'enlacer de son épaisse musculature, Astrée intensifie le geste, prête à traverser son poitrail pour se réfugier dans son cœur. Sa tête se redresse, le visage légèrement humidifié par ses larmes de joie, laissant elle aussi ses naseaux parcourir son visage. Comme si elle le découvrait pour la première fois. Qu.. elle n'a pas le temps de poser sa question, qu'un baiser brûlant et étrangement doux l'interrompt. D'abord surprise, Astrée ne peut s'empêcher de clore ses paupière tout en rendant ce baiser, qu'elle avait espérée, rêvée. Son corps lui même ne semble plus vouloir répondre, et s'appuie contre celui de Faucon, submergée par les émotions. Si lui réussissait à se contrôler, Astrée était elle, était bien plus passionnelle. Sans barrière.

Ses yeux s'accrochent tendrement à ceux de Faucon, son esprit déjà perdu dans les méandres du passé. Elle voit bien que quelque chose cloche, mais préfère ne pas y faire attention ; ce n'est pas le moment. D'accord.. qu'elle souffle d'une voix douce, sourire aux lèvres.
Mais lorsqu'il s'apprête à partir, Astrée préfère intervenir, ses esprits retrouvés. Attends. Ses naseaux glissent le long de son chanfrein. Ils redécouvrent son visage, tandis que sa voix se fait hésitante, basse, comme si elle craignait des représailles. Ce n'est pas pour ce soir..

Elle sent son cœur se serrer avec douleur. Comme un coup de poignard que l'on s'amuse à tourner, encore et encore ; jamais elle n'avait entendu un ton de voix si glacial. L'estomac noué, Astrée observe un instant derrière elle pour regarder les faits et gestes du petit humain, et rattrape Faucon au pas de course. Silencieuse. Attend Faucon. Sa voix, elle, est toujours d'une douceur, d'une caresse sans fin. Sa mâchoire se serre, incapable de lui demander qui a finit par y laisser sa vie. Elle ne veut pas savoir. Pas maintenant. D'un geste léger, Astrée déplace son visage sous les naseaux de Faucon, pour qu'il se souvienne, qu'il puisse la croire. Je te promet de ne pas mourir. Elle n'est pas idiote, elle le voit bien, cet enfer brumeux qui voile à présent ses deux yeux.