*Nature morte

EMBLEM -
« J’veux bien utiliser les moyens du bord et faire flèche de tous bois, mais tout ce que j’ai sous la main c’est une poignée de brindilles tordues »

J’étais là, somnolant. Mon ombre errait dans les alentours, un spectre à la recherche d’une once d’amusement – mais qui ne faisait face qu’à sa propre déception. Tout était froid, terne, les lilas étaient morts. Ça sentait bon, les lilas.. mais pas en hiver. Je soupirais, et laissai tout le loisir à mon corps frêle de se jeter face contre terre, à la rencontre d’un sommeil rédempteur. Le monde n’était pas joli à regarder, aujourd’hui, et figurez-vous que je m’en trouvais fatigué. Ma curiosité s’était subitement fait la malle, et j’ignorais qu’un temple se trémoussait dans l’coin.

Tout était noir - un sommeil sans rêve, mais je me sentais apaisé. Le vent ne me glaçait plus les os, et la fatigue ne me pesait plus sur le système. J'étais bien, jusqu'à ce qu'une force hors du commun me sortit du cocon qui me retenait joyeusement prisonnier des alentours. BORDEL, mais quoi encore ?! J'ouvris péniblement les yeux, comme si c'était aussi dur que les 12 travaux d'Hercule... et me retrouvai nez à nez avec une pouliche. Ah, les femmes « Hé » répondis-je seulement, d'un air tout chiffonné, sans prendre la peine de me relever. Dwarf grumpy, qui disait déjà à l'époque "She's a female! And all females is poison, they're full of wicked wiles !" is in da place. Adieu joyeux sommeil, adieu..

« Parce que je.. » je.. d'ailleurs ouais, pourquoi? « et toi alors, pourquoi tu marches en plein milieu du chemin ?! » retournai-je habilement la question, sur un ton plein de reproches, comme si c'était bien plus anormal que de se taper un p'tit somme en barrant la route de tout le monde. Cependant.. elle semblait désolée d'avoir troublé mon sommeil, alors j'en oubliai presque instantanément ma rancoeur. J'suis pas un homme vindicatif, vous savez.. et puis y avait ce regard, qu'elle avait, un regard noisette et gourmand qui se baladait sur l'horizon. Je le suivis, curieux, et il menait à un triangle de pierres surplombant les arbres. Je fronçais les sourcils. « Hey, regarde là-bas, ça m'a l'air intéressant ! » mon esprit joueur réveillé pour de bon, je trottinais comme un furibond vers l'endroit indiqué, regardant discrètement derrière pour voir si la mamzelle suivait. Elle semblait être une compagne de jeu rigolote, finalement.

C'est vrai, la candeur de notre jeunesse nous lavait des idées préconçues et de l'ennui des banalités. Chaque petite chose avait sa place, et était source d'émerveillement. « Un repaire de pirates, trooop cool. Ou alors un ranch avec des cow-boys prêts à tout pour nous tuer » je racontais quoi moi, que tout était émerveillement chez les jeunes, c'est ça? mm, rassurant.. Je trottinais avec véhémence vers le temple promis, imaginant toute sorte de scénarios morbides, avec trois têtes d'avance sur la p'tite pie qui se battait drôlement bien puisqu'elle finit par rattraper son retard et se poster à mes côtés.. pour me mordiller l'oreille. « Hé, pas touche » répliquai-je bêtement en tentant de lui attraper la sienne. Un rire tonitruant s'échappa de ma gorge, et je fus étonné de mes propres décibels. « Je suis Emblem, et toi croqueuse d'hommes ? » une fois encore, je ne pus retenir un gloussement.

Elle semblait pensive, et je ne la dérangeais pas par pur respect. En attendant, je me plaisais à observer les alentours, marqués par une végétation luxuriante. Une odeur de terre se dégageait dans l'atmosphère, j'inhalais à pleins poumons. Tout paraissait bien plus agréable, ici ! Le retour de la pie me fit sortir du brouillard de mes grandes méditations philosophiques - hm hm. « Wendy, c'est joli ça. Wendy ! » m'amusais-je à répéter avec un petit sourire au bord des lèvres, la consonnance de son prénom me plaisant beaucoup. « Toi, dangereuse? Écoute, je suis comme St Thomas : je ne crois que ce que je vois » déclarais-je sur un ton de défi, détonnant au galop vers le temple qui nous faisait désormais face. Sans me poser plus de questions, j'entrai en trombe dans la demeure, et me pris une vitre qui bloquait l'accès à la première pièce. Une vitre, en plein milieu de la nature ?!
Emblem et ses moments de solitude, tome 3.. comment voulez-vous que je sois crédible auprès des autres, moi, après ?!

:cache: « Attention à ce que tu dis » résonnait encore dans ma tête. N'aurait-elle pas plutôt dû dire quelque chose comme, je sais pas moi, « méfie-toi de ce que tu fais » ? Complètement sonné, j'eus du mal à retrouver mes esprits. J'ouvris un oeil, et découvris avec horreur les débris de verre. Soit, je n'étais pas très malin, et je ne pouvais pas la contredire.. j'me contentais de faire la gueule. « En même temps.. Tu peux m'expliquer le but de foutre un truc transparent et dur ici ? » lui demandai-je, l'incriminant presque, tout bougon que j'étais. Après quelques minutes, je recouvris toute ma tête et me hissais sur mes gambettes, comme si de rien n'était. « Toujours pas morte de trouille pour une petite visite ? » avec un ton bourré de sous-entendus, menaçant, les dents grinçantes et tout le tatoint. Sur ce, je lui offris mon plus beau sourire narquois.

Désolée pour le pavé, j'suis inspirée .__.

« Bien sûr que non, j'me suis pas fait mal. » répondis-je du tac au tac, d'une voix qui se voulait virile mais qui déraillait plutôt dans les aigus. Ma tête bouillonnait, et mes muscles étaient endoloris.. je me relevais, tentant de dissimuler la douleur sur mes traits crispés. « Bien sûr que non », elle n'avait peur de rien. Je souris bêtement, me disant qu'elle avait du chien . L'idée aurait pu me faire rire, mais il fallait que je garde mon moral d'acier, impassible, de soldat. On devait avoir la même morale directrice : plutôt mourir que de révéler sa faiblesse. Même si je paraissais bête, pleurnichard et peureux, je le cachais dès que j'en avais la possibilité. Inconscience de l'enfance, ou trait de caractère réel? La réponse fusera bientôt. En attendant, on se dirigeait vers les profondeurs de la grotte, le noir nous envahissant peu à peu, et mes dents se mirent à claquer les unes contre les autres, sans que je ne pus les retenir. Je fermais la bouche afin de dissiper le bruit, et fonçai presque dans Wendy quand elle pilla net. « Qu'est-ce que tu.. » fais. Elle s'était arrêtée devant un couloir sombre qui ne donnait aucune envie d'être traversé. J'avalai ma salive, tremblotant. « T'inquiète Wendy. On va découvrir un trésor ! » pensée positive, holé holé. J'esquissai un petit sourire rassurant, et pris les devants pour rassurer la pouliche. Ça aurait pu marcher, si je ne tremblais pas comme une feuille, et si une espèce de rugissement n'avait pas résonné quelques secondes après. « C'était quoi, ça ? » demanda ma voix hoquetante.

(Haha merde, j'avais entendu boyau dans le sens boucher du terme.. J'vais rectifier ça, attends

EDIT : voilà !)