Radio reloj

Wendy, assommée par la fatigue et le bruit des chutes, somnolait, allongée à quelques mètres du plan d'eau.

La petite pie somnolait, les yeux fermés, toute notion de temps et d'espace perdue. Un bruit de mastication parvint cependant à émerger entre deux rêves colorés, et Wendy entrouvrit les yeux, surprise. Ses prunelles se fixèrent sur le poulain, et un sourire timide étira ses lèvres sombres. Elle se releva lentement et, une fois debout, inclina légèrement la tête, observant l'inconnu. " Salut ! "

Elle lança un rire bref. " Qui d'autre ? " Demanda-t-elle, soulignant d'un regard l'absence d'autres équidés dans les parages. Wendy s'ébroua, encore engourdie. Le froid lui mordait la peau, mais le timide soleil qui caressait sa crinière la revigorait peu à peu. Elle continuait d'étudier le poulain, curieuse de savoir ce qui se cachait derrière ce visage avenant. " Comment tu t'appelles ? " Oui, la pie n'était pas un as de la conversation, ni une lumière d'ailleurs, d'où la question banale qui venait de s'échapper de ses lèvres.

" ... " Wendy contint son rire comme elle le put, jusqu'à ce qu'elle laisse échapper un rire trop bruyant pour sa petite taille. " Wendy. Tu viens d'où ? " La pie croisa le regard pétillant du poulain et ne put s'empêcher de lui adresser un grand sourire du même ton. La rencontre lui plaisait, et cela faisait des semaines qu'elle n'avait parlé à âme qui vive. Le souvenir de la catastrophe qui la chassa de ses terres natales était encore vif dans sa mémoire, et chaque instant de répit était le bienvenu. Elle ne trouvait pas le poulain maladroit ou indélicat, ces deux notions lui étant encore complètement inconnues - et donc indifférentes.

(Haha je viens de rechanger sa photo... But let's pretend ♥)

Wendy faillit lui signaler qu'elle ne se moquait pas de lui, qu'elle le trouvait plutôt drôle, quand il enchaîna sur la couleur de ses yeux. Rougissante, la pie haussa les épaules, en riant un peu. " Tu crois ? Pourtant, techniquement, je n'ai pas de frère ou de soeur. " La violence de cette affirmation la heurta quelques secondes plus tard et, oubliant toute la dimension humoristique de la conversation, Wendy s'abîma dans la tempête qui reprenait ses droits sous son crâne. Des larmes lui montèrent aux yeux, irrépressibles, brûlantes. Elle avait honte de pleurer devant Hekme, qu'elle connaissait à peine - déjà, elle lui apparaissait faible.

La gentillesse du poulain la surprit tellement que les larmes s'arrêtèrent net. Ce n'était pas grand chose, un petit geste et quelques mots, mais cela chassa d'un seul coup les réminiscences de la pie. Le souffle presque court, elle sourit à travers ses larmes, se sentant très bête et désolée de lui infliger cela. Le soleil finit de tuer le chagrin dans l'oeuf et Wendy se surprit à poser doucement et brièvement sa tête contre l'encolure du poulain, répondant inconsciemment à son geste affectueux. " T'as raison. On s'en fiche. " Elle rompit le contact au bout d'une courte minute, étant généralement mal à l'aise avec le contact prolongé. La pouliche lui sourit et reposa la question qu'elle avait énoncée avant de sombrer dans le pathétique.

La gentillesse du poulain avait vraiment touché la pouliche. N'étant pas habituée à ce qu'on lui exprime une quelconque affection, le geste l'avait beaucoup remuée, plus qu'il ne le devait initialement d'ailleurs, mais la pie décida de remettre ces questions à plus tard. Elles lui paraissaient futiles et gâchaient l'insouciance de leur relation naissante. " D'accord. " Le sourire légèrement crispé de Hekme l'incita à ne pas pousser plus loin l'interrogatoire. Wendy lui lança un regard compréhensif, et ses prunelles chaleureuses trouvèrent les iris calmes du poulain. " Je suis née loin d'ici. Mais j'ai été obligée de partir seule, et je suis arrivée ici. Je voulais rejoindre le territoire des Rapides, mais je n'ai pas encore rencontrée la dominante. " Avec un petit sourire attristé, elle ajouta, le lien logique étant très ténu : " J'adore l'eau. " Sa phrase résonna dans l'air comme une justification.

La pouliche lui offrit un grand sourire, vraiment heureuse d'avoir fait une telle rencontre. Elle se rendait peu à peu compte de sa solitude et de l'absence de compagnie qu'elle avait vécue jusqu'ici. La météo était parfaite, il ne faisait ni trop chaud ni trop froid, et Wendy appréciait autant ce temps que Hekme, car les trop grandes variations météorologiques de sa terre natale ne lui manquaient pas. Les oreilles de la pie pivotèrent aux paroles du poulain, et elle se tourna vers lui. " C'était comment, le désert ? " S'aventura-t-elle, le regard interrogatif. Elle lui fit comprendre d'un bref sourire que, ses questions commençant à être indiscrète, les éluder ne serait absolument pas un problème. A la question de Hekme, Wendy éclata d'un rire cristallin et bondit dans l'eau telle une fusée, éclaboussant son nouvel ami. " Elle est tiède, " Déclara-t-elle avec délice. Un rayon de soleil caressant son encolure, elle plongea, feu follet malicieux.