/ mojo radio gang

Et de l'autre côté, un peu plus loin, opposée à lui, la frêle silhouette de Luce se découpait, se distinguant de pas sa solitude. Ses grands yeux bruns analysaient eux aussi les poulains qui gambadaient, son visage crispé dans une expression de dureté et de jalousie mélangées. Les gens n'aimaient pas vraiment sa franchise, et les mots de Csillag lui revenait en mémoire : comme quoi elle n'avait pas d'amis, qu'on ne l'aimerait pas. Elle devrait s'en ficher, et pourtant elle n'y parvenait pas.

Les autres étaient ... tellement prévisibles. Luce les avait bien observé. Chaque geste, chaque rire, chaque regard semblait chronométré, arrangés pour se répondre aux uns aux autres. Les filles et les garçons surtout, semblaient sans cesse jouer un jeu que Luce saisissait sans pour autant en comprendre la signification, le fonctionnement, et aussi l'utilité. Soudain, un mouvement unique attira son attention sur sa droite, et ses yeux plissés tombèrent sur la silhouette d'un poulain au corps aussi volumineux que le sien était minuscule. Et son attention fut focalisée par lui. Il n'était pas bien réglé, lui. Une horloge cassée.

Elle s'obligea à garder ses pieds ancrés dans le sol, ne voulant pas reculer, bien qu'une envie sourde de ne pas le laisser approcher la faisait tanguer en arrière. Elle s'efforça de garder son regard noir sur lui, serrant sa mâchoire pour amorcer la réplique cinglante qu'elle sentait venir. Non, répondit-elle brusquement, détournant la tête pour regarder les autres enfants. Ils ne les remarquait même pas et l'appaloosa aurait pu la massacrer sur place. Et toi ? répondit-elle en risquant un regard nerveux vers lui.

Elle frémit lorsque ses mots articulés difficilement, comme si toute sa rage se contenait dans sa façon de parler. Elle déglutit sa salive, et remit sa tête dans un axe normal, s'évertuant à lui faire face. Elle détestait avoir peur. C'était comme un échec sur la bataille qu'elle menait à sa petite taille. Elle était aussi mordante que son visage était angélique. Tu t'penses au dessus de ça ? cracha-t-elle presque, rendu davantage hargneuse par sa nervosité. En réalité, elle partageait son avis.

Elle ne put se contenir. Trop de colère dans un si petit corps, elle éructa : Pauv' type, et recula un peu, ses minuscules jambes tremblant de fureur. Ce n'était pas en soi son mépris qui l'enrageait : c'est qu'elle le prenait pour elle. Il avait supposé qu'elle jouait avec les autres, donc qu'elle avait une tête à s'abaisser à ce genre de choses. En énonçant négligemment qu'il était au dessus de tout ça, il se plaçait au dessus d'elle, et son complexe d'infériorité en prenait un coup. Elle s'éloigna de quelque pas, priant pour qu'il ne la suive pas. Et son regard désespéré implorait un des poulains de venir l'inviter à les joindre.

La peur au ventre, elle l'entendit trop tard. Et son corps frêle fut littéralement écrasé par la masse de muscles disproportionnée qui s'abattit sur elle, la clouant au sol. Panique. Et rage, une rage qui la fit se débattre aussitôt, tandis que les dents de poulain s'emparait de la peau de son encolure brutalement. Elle riva son regard haineux dans le siens, et elle y vit toute la noirceur de son être. Faillit basculer dedans, attirée comme tout le monde par les ténèbres. Fugace retour à la réalité, elle tenta de relever son encolure qu'il plaquait au sol, finit par choper la peau de sa joue, et tira dessus comme une folle.

Il s'allongea sur elle, de toute sa masse, de tout son poinds, et chaque parcelle musclée de sa peau la dégoûtait ... Et pourtant elle se sentait enveloppée de cette chaleur, protégée du monde par son corps immense, recouvrant son corps à elle, minuscule. Elle l'écouta en tremblant de peur, et lui répondit quand même, dardant un regard brillant de colère dans les siens, se voulant vipère alors qu'elle n'était que vers de terre : Pourquoi ? T'es mal dans ta peau ? Et les autres ne venaient toujours pas l'aider, croyaient-ils vraiment qu'ils jouaient ?!