in your head, they're still fighting / m

in your head, in your head
they are dying.
MURPHY.

L'eau est claire. Presque transparente. Toi tu n'es pas transparent, mon grand. Tu serres les dents. Depuis quelques jours, elle est là. Une voix opaque, floue, pourtant si forte. Parfois à en faire trembler tes tympans. La nuit est tombée, la lune est pleine autour de toi, tes démons flottent au-dessus du lac endormi. Et toi, tu ne dors plus. Triste conclusion, tu ne peux en rien le nier, le contredire. Que doivent-ils tous penser de toi, Murphy ? Murphy le lâche. Le violent. Oh, il est fou, le malheureux. Le dominant névrosé. Le Nordique torturé. Pauvre Murphy, pauvre Solheim, qui vient à semer le trouble autour de lui, comme autant de coups de poignards à ceux que tu appelles "tes proches". FERME-LA ! Ça a été plus fort que toi. Pour faire taire la voix dans ton crâne, ta voix s'est élevée ; et ricoche encore dans le silence nocturne.

Gladys galopait dans la nuit, la crinière au vent, ses flans fouettés par le froid. Le seul bruit qui troublait le silence nocturne, c'était le martèlement léger de ses sabots sur le sol. Elle ferma les yeux, inspira grandement en passant sous les silhouettes pâles de quelques cerisiers entourés d'érables et de bouleaux. Mais un cri dans la nuit retentit soudain, lui faisant faire un écart. La jument de jais traversa un gué d'une rivière affluente du lac, et repéra l'odeur devenue familière. La jumelle de Nox, qui pourrait facilement passer pour lui à cette distance, n'osa pas bouger.

   

Mais de toute façon, tu ne l'as pas vue. Déstabilisé par ton cri, par cette voix qui prend de plus en plus de place dans ton crâne, tu es resté comme ça : chancelant, debout et interdit au bord du lac. Tu regardes ton reflet devenu étranger dans sa surface lisse et imperturbable. Tu tressailles légèrement, le corps couvert d'une fine pellicule de sueur. Tu ne te reconnais plus. Ton regard est vitreux, noir et fou. Tes yeux sont cernés par le manque de sommeil et les terreurs nocturnes. Tes traits sont tirés et tendus, comme si tu étais constamment angoissé. Tes crins sont d'une blancheur qui contraste tellement avec tes poils devenus si sombres. C'est pas grave, tu deviens juste ce que tu as toujours été, Murphy. Tes dents se serrent et tu ne lui réponds pas.
Pour faire comme s'il n'existe pas.
Comme si.

Elle n'ose d'abord pas approcher. Et puis en fait, si, elle ose. De son pas léger elle approche, silencieusement, comme une louve. Et à trois mètres, il ne semble toujours pas l'avoir remarquée. Il semble obnubilé par son reflet. Et Gladys, elle, est obnubilée par lui. Quelque peu inquiète, elle hennit doucement à son intention, n'usant pas de parole. Pour lui dire quoi?Tu vas bien ce soir? Es-tu devenu fou? As-tu peur de toi même? Tu semble effrayé par ton reflet?

Son hennissement te fait sursauter. Tu te retournes en un bond, les oreilles couchées dans un instinct déséquilibré. Puis elles se redressent légèrement en la reconnaissant. Tu aurais tellement pu la confondre avec Nox... « Bonsoir, Gladys. » murmures-tu d'une voix toujours chaude et grave, posée bien que vibrante, les yeux rivés sur elle.

Elle est un peu déstabilisée par sa réaction. Elle s'attendait à quelque chose deplus movementé. Mais non, il était posé, comme toujours. Bonsoir Solheim. Salut-elle son amant, sur un ton incertain, un peu hésitant, un peu curieux. Elle avait de quoi se demander ce qui allait se passer non? Comme une jeune vierge - ce qu'elle était au final - elle restait plantée là.

Tu l'observes. Elle est troublée. Tu la troubles, mon grand. C'est bien. Tes dents claquent pour le faire taire. Depuis des jours qu'il n'arrête pas. Il te dirige comme un pantin, et tu détestes ça. Et pourtant, il est plus fort que toi. « Tu me cherchais ? » oses-tu lui demander, un léger sourire aux lèvres.

Elle ronfla des naseaux en le voyant claquer des dents, prenant ce comportement étrange pour elle-même. Sa curiosité naturelle et son besoin de comprendre se firent rapidement sentir, et Gladys ne put résister, évidemment, à cet appel naturel pour elle. Non, elle ne le cherchait pas. Possible. Souffle-t-elle, de peur de briser le calme de la nuit.

Tu te détaches de ton admiration malsaine pour la surface du lac et abandonnes ton reflet délavé. Tu t'approches d'elle d'un pas vif. Celui d'un prédateur. Celui du Diable, hein mon grand ? Tu le laisses parler, au fond de toi. Tes grands yeux noirs et profonds ne voient qu'elle.
Il n'y a qu'elle, de toute façon. Elle et toi. Personne ne l'entendrait crier... Tu secoues la tête pour faire cesser ça. Tu ne veux pas lui faire de mal. Pas directement. Pas volontairement. Un sourire séducteur et sombre s'affiche sur tes lèvres. « Nous sommes réunis de nouveau, alors. »

Gladys tressaillit de tout son corps et son souffle s’accéléra subrepticement. Elle regarda autour d'elle d'un air inquiet, puis se laissa tenter, et s'approcha, comme gênée, goûtant à l'interdit. La lady plaça son flan contre le sien. Apparemment. Mais d'autres mots lui brûlent les lèvres: Nox est inquiet pour toi. Elle lui lança un regard plaintif.

(Les tiens aussi
Ah oui ? Tu as vu ça où ? )

Mais à la simple entente du nom de ton amant, tu te décolles d'elle, ne laissant entre vos deux flancs qu'un courant d'air glacial. Tu la fixes durement, presque accusateur de briser ainsi tout ça. « Et moi plus encore pour lui. » lui lances-tu, comme pour lui dire que tu n'es pas idiot, et que tout ça n'est pas volontaire. « Inquiet du mal que je peux lui faire. Qu'il va lui faire. »

Spoiler:

Un éclair déçu passa dans le regard de Gladys, elle fit la moue en entendant ses paroles. C'est qui il? Pourquoi du mal? Elle tressaillit.

(Aha j'étais sûre que c'était ça )

Un sourire sombre mais entraînant traverse tes lèvres. « Ton amant. Tu devrais savoir de qui je parle, pourtant, Gladys, tu commences à bien le connaître. »

J'ai peur de ne pas bien comprendre. Dit-elle en lâchant un petit rire nerveux. Elle le dévisagea, comme elle dévisagerait un de ses patients dans le but de connaître la cause du mal.

Tu t'avances d'un pas vers elle. Tes deux gouffres noirs ne l'ont pas quittée du regard. « Tu sais très bien que celui que tu as embrassé quelques fois ne s'appelle pas Murphy. N'est-ce pas ? »