/ mojo radio gang

fuck
Il s'approcha d'elle, elle tenta de s'enfoncer dans le sol, collant sa nuque raidie par le dégoût contre l'herbe mouillé. Et sans qu'elle s'y attende, il posa ses lèvres immondes sur les siennes, lui arrachant un frisson étrange, qu'elle ne pourrait jamais identifier. Tandis qu'elle relevait la tête pour se dégager de cette emprise malsaine, il s'empara de sa gorge offerte, et elle se serait littéralement fait dessus si elle ne s'était pas forcée à réfléchir pour se sortir de là. Elle se dandina une nouvelle fois, tentant de déplier ses petites jambes qu'il maintenait sous son corps étrange. Bloquée. Elle ronfla de dépit, et cessa de se battre, vaincue. Mais intérieurement, elle bouillonnait. Il venait de mettre à mal son complexe d'infériorité ? Il ne perdrait rien pour attendre, elle se le jurait.

Elle ne répondit rien, tellement brisée qu'elle resta allongée sur le sol, son regard obstinément fixé sur la forêt qui les entourait. Elle sentait la substance gluante sur sa gorge, elle sentait l'odeur métallique, et elle sentait son coeur encore emballé qui battait furieusement dans sa poitrine. Son corps fragile était tel qu'il l'avait laissé, un peu épars, un peu cassé. Elle n'avait qu'une envie : sauter sur ses pieds et lui l'écorcher vif. Elle aurait voulu lui balancer des saletés à la gueule, mais la colère l'étouffait trop. En plus des larmes drôlement honteuses perlaient à ses yeux et elle aurait préféré mourir que de les lui laisser voir.

Son souffle rauque dilatait ses petits naseaux à l'extrême, et son regard brûlant ne lâchait pas les arbres agités par le vent plus loin. Et si les muscles de son visage étaient encore tendus, ceux de son corps étaient relâchés. Poupée de chiffon. Il ne disait plus rien, il s'était peut-être éloigné, elle s'en fichait. Jusqu'à ce qu'elle sente cette chose brûlante, chose invisible, mais palpable. Il était encore là, et la regardait. Lentement, elle ramena sa tête contre son encolure, sentant la caresse de chaque brin d'herbe humide sur sa peau brune. Elle tourna seulement son regard noir vers lui, le fixant d'un air indéchiffrable. Si j'ai compris ? Non, non, ré-explique-moi connard.

Sa voix s'adoucit, mais au lieu de la rassurer, la rythme cardiaque de Luce s'emballe. Cependant, cette aisance à changer de comportement a quelque chose de fascinant : il est le premier individu qu'elle rencontre à agir de la sorte, et elle ne comprend pas les trames intérieures amenant l'enfant à agir de la sorte. Les enfants ne sont-ils pas tous gentils, curieux et enthousiastes ? Elle répond d'une voix dénuée de toute émotion, contrastant avec son ton vif de tout à l'heure : Luce. Luce, comme une puce, comme une petite chose sans défense qu'on écrase selon son bon vouloir.

Luce tressaillit, réfléchissant un instant. Et son regard ne cessait de fouailler dans les yeux noirs du poulain appaloosa, à la recherche d'une faille, sentant clairement cette pression de dominant sur elle - chose qui la faisait frémir de rage. Elle finit par se relever à demi, se couchant en vache prudemment, le fixant avec un air crispé. Qui es-tu ? articula-t-elle, le regardant par en dessous ( outre le fait qu'elle était par terre lol ).

Sinha, Sinha, Sinha. Le sifflement reptilien se répéta dans sa tête en boucle, une boucle sinueuse et agaçante, endiguant les tréfonds de son cerveau supérieur. Il lui ordonna de nouveau de se relever, s'avançant vers elle, la lueur dansant au fond de ses yeux nouant l'estomac de Luce. Baissant ses oreilles, elle s'écria : Ne me touche pas ! Et ajouta aussitôt, plus bas, avant que la lueur ne devienne feu de rage : ... S'il te plaît. Elle ramena ses antérieurs sous elle et se leva assez malhabilement, ses articulations la faisant un peu souffrir. Une fois debout, elle ne se sentit pas non plus en position de supériorité : il restait plus grand qu'elle. Et de nouveau son regard brun s'éparpilla sur son corps bizarre. Horloge mal réglée.

Elle hésita. Il la mettait mal à l'aise. Elle tentait de l'analyser, de le comprendre, de voir ce qu'il cachait - cachait-il quelque chose ? Etait-il victime de son esprit ? Cherchait-il à lui nuire ? Toutes ses questions sans réponses et la complexité psychique de la situation lui donnait le tournis. Et l'énervait. Elle détestait ne pas poser de justifications sur choses qu'elle ne comprenait pas. Elle ne supportait pas de ne pas maîtriser quelque chose, et il remplissait tous les critères. Alors pourquoi m'en avoir fait ? dit-elle doucement, le regard chargé de reproche, tentant de fluctuer les tonalités de sa voix. Elle aurait pu lui aboyer dessus, mais son instinct de survie lui dictait de s'accorder sur lui plutôt que de laisser s'accorder sur elle.

Tu m'a vexée aussi, répondit-elle très vite, fronçant un peu les sourcils. Elle n'avait répondu vertement que pour se défendre. Pour ne pas être une faiblarde, parce qu son ego avait été piqué au vif. Elle se détendit un peu en le voyant plus doux, redevenir quelqu'un de normal, mais ... mais il portait sur son visage modifiable la trace de quelque chose de ... d'étrange. Quelque chose d'effrayant et qui qui la fascinait aussi, de par son incapacité à juger de quoi il s'agissait. Elle avisa ses propos, et resta un peu songeuse. Il n'a peut-être pas tord ... lâcha-t-elle en haussant les épaules, portant son regard sur la droite.