∞ l'imprévu*

SOCRATE
Inlassablement, Socrate est attiré par les terres des sables. Elles le fascinent comme elles le comblent. Le vent, les odeurs, les vues qu'on lui offre lui plaisent. L'animal se trouve devant l'entrée du dédale, n'osant pas y faire un pas de plus. Comme tétanisé, il observe ces murailles rosées pendant que son esprit tranche si oui ou non, il ira.

La jument inspecte inlassablement son territoire, absorbée par les joyaux dont il regorge. Elle se félicite régulièrement d'en être la Reine. Elle marche avec aisance le long des parois rocheuses, ne se doutant pas qu'elle n'allait pas tarder à croiser la route d'un petit curieux.

Il entend un bruit, ne reconnaît pas les pas et se tourne lentement vers l'auteur de ce doux vacarme qui résonne entre les parois du dédale. Une silhouette brune et massive s'offre à lui, lui laissant l'entier loisir de la détailler. Socrate n'oublie jamais personne. Physionomiste, il se souvient de chaque parcelle de chaque visage. Et celui-ci ne lui est pas inconnu. L'animal, sans savoir qu'il va s'adresser à la Reine des lieux, s'approche alors sans ménagement. Il n'a jamais été façonné par l'étiquette de toute façon. « Les parois vertigineuses t'attirent ? » Questionne-t-il, éprouvant un réel questionnement quant à leurs rencontres qui semblent toujours être les mêmes.

Lorsqu'elle pose son regard océan sur l'étalon violet, elle le reconnait aussitôt. C'est le grand garçon du labyrinthe aquatique, le petit explorateur scientifique. Ne pouvant étiqueter son visage d'un prénom, elle se contente de le voir ainsi. Il a donc réalisé lui aussi la migration, puisqu'il se trouve ici. Elle se demande d'ailleurs si il n'est pas venu à sa rencontre pour lui demander de rejoindre son troupeau. Qui sait ? Surtout ce qui en tombe. Fait-elle sur le ton de l'ironie -qu'il ne comprendra sûrement pas-. Elle reprend son air ferme, paraissant ainsi plus sérieuse. Elles sont impressionnantes en effet. La jument ne lui demande pas son avis en retour, devinant -ou espérant- qu'il le lui donnerait de lui-même.

Effectivement il ne relève pas l'ironie, il ne comprend pas non plus pourquoi elle voudrait que quelque chose en tombe, donc il pose ses yeux vers la cimes des falaises, imaginant non sans mal la chute d'un quelconque objet. Il frissonne. « Tu sais ce qu'il y a ensuite ? » Après tout, elle lui avait déjà servi de guide, pourquoi ne pas continuer ainsi ?

L'étalon a soif de savoir, mais il n'est pas en droit de vagabonder librement sur les territoires, encore moins celui d'Isildure. Mon territoire. Souffle t-elle doucement.

Il attrape cette information et ne sait qu'en faire ; les dominants sont si changeants que Socrate ne sait si elle veut bien le laisser vagabonder de la sorte ou si elle va l'étriper sur le champ, comme elle l'avait promis à leur première rencontre. Alors l'animal garde le silence quelques instants, essayant de déchiffrer le visage fermé de la sauvageonne qui ne bouge pas plus que lui. Alors, vaincu, il ose quelques mots. « Te voilà enfin rattachée à quelque chose d'important » Constate-t-il non sans laisser échapper un léger sourire. Lui n'a pas le notion de poste important ou même d'honneur, il croit comprendre que chez certains individus, ces choses là sont capitales. Pour lui, ça n'est que du vent.

Elle sourit. Il a raison et elle n'aurait osé imaginer meilleure réponse. Ce n'est pas ton cas ? Elle s'intéresse aux nouvelles fréquentations de l'étalon noir, curieuse de savoir si il a rejoint un territoire.

Socrate la voit sourire, il apprécie la voir sourire, ça semble si rare. « Non, je savoure encore un peu ma liberté » Avoue-t-il sans honte.

Elle s'étonne légèrement. Un peu ? Peut-être l'étalon prévoyait-il que dans un futur proche sa vie ne serait plus celle d'un solitaire.

Il s'était certainement trahi et pouvait explorer à foison la notion de lapsus révélateur. « Il paraît que rester solitaire n'est pas une situation agréable. J'en ai fait les frais aux Brumes » Annonce alors, la mâchoire un peu plus contractée, l'air un peu moins doux et pour cause, il n'avait pas apprécié être chassé de la sorte par la dominante. Mais sans être revanchard, cette anecdote mettait bien en lumière le fait que la solitude n'était pas douce sur ces terres.

Tu as rencontré Zohra. Déduis t-elle calmement. Petit à petit, un sourire avide habille son visage. Elle ne poserait sûrement pas plus de questions ; si l'étalon veut lui raconter, il le fera.

L'animal hausse les épaules, il n'arrive pas à ne pas grommeler, il trouve ça ridicule de ne pas parvenir à se contrôler. « Sûrement. Une petite pie très outrancière » Socrate n'a pas à demander s'il la connaît, ça lui paraît évident que son amie dominante connaît chacun de ses homologues. « L'apprécies-tu ? » Questionne l'animal alors qu'il pense deviner la réponse.

Pas spécialement non. Assez parlé d'elle, Isildure ne souhaite pas qu'elle monopolise le sujet de leur conversation. Tu aimes cet endroit ? Interroge t-elle en glissant son regard le long de l'horizon.

Socrate n'insiste pas. « Je n'ai pas quitté les Sables depuis des jours » Confesse l'animal pour toute réponse, puis il avance finalement dans le dédale, misant sur le fait que la noiraude le suive.