shadow

Elle le sent se rapprocher, dans son dos. Pourtant, elle a de nouveau tourné son regard vers les gorges. Mais elle le sent, parce qu'on lui a appris à tout sentir. Sentir les mouvements, sentir les émotions. Elle le sent, si tenté. Un fin sourire s'accroche à ses lèvres cendrées. « Que faisais-tu, avant de me voir ? »

L'ébène fouaille de la queue pour se donner contenance. J'observait l'endroit. Se contente-t-il de répondre, sans pour autant la relancer sur ce sujet.

Elle ne se retourne toujours pas, immobile, de dos, queue panachée. « Et ton observation t'a apportée quelque chose ? »

Geste négatif de la tête. Rien du tout. Il la regarde, ses yeux d'or brillant étrangement. Observation inintéressante, du moins jusqu'à ce que tu débarques. Toi et ton enivrante odeur.

Comme si elle avait lu dans ses pensées, la sirène panache un peu plus sa queue. Les effluves de ses chaleurs sont accompagnées par l'embrun salé de l'eau ; un cocktail explosif. Elle se rapproche de quelques pas, sans détacher son regard du sien. « En quoi est-ce que ma venue a changé les choses ? »

Il ronfle des naseaux. Il n'est pas vraiment lui même actuellement. Difficile de démêler le vrai du faux dans ses paroles. Vadàsz regarde la jument, avec intensité. J'en sais rien. Lui répond-il, le regard brûlant. Et elle continue de jouer avec le feu.

Jouer avec le feu, sans doute le mieux que Cineàd sache faire. Après mentir et se déguiser de mille visages. Elle le nargue, panache un peu plus sa queue, et lui tourne de nouveau le dos pour observer la rive. « Alors ça n'a rien changé. » fait-elle, avec une pointe de déception dans la voix.

L'ébène frissonne. Il a bien envie de se laisser prendre au jeu de Cineàd. Pour une fois. Laisser libre cours aux émotions qui parcourent son corps. Bref, se laisser aller quoi. Avec une quasi-inconnue, certes, mais l'idée est tellement enivrante.
Tout comme la jument de fer. Peut-être que si, au final ... Lui répond Vadàsz, le regard brillant, tandis qu'il se rapproche d'elle pour la frôler des naseaux. Comme une plume venant se déposer au sol.

Elle sent sa caresse subtile et frissonne, exagérément, pour qu'il puisse le sentir, lui aussi. Elle contrôle tout. Chaque partie de son corps, jusqu'à ses réflexes les plus primitifs. Chaque case de son cerveau est une pièce munie d'un ordinateur. Des centaines de touches pour une machine parfaite. Elle joue le jeu, attendant son approche, sans avoir bougé un centimètre de son corps musclé. « Explique-moi en quoi est-ce que je pourrai t'intéresser.. » susurre-t-elle doucement, lui cachant un sourire carnassier.

Le mâle ricane. Lui expliquer ce qui l’intéresse ? Ahhh mais si elle savait ce qui tourne en boucle dans sa tête ... C'est ton cul bébé. La phrase raisonne dans son esprit et il sourit. Vadàsz a du mal à tourner rond quand on l'aguiche de la sorte. Un sourire étrange naît sur ses lèvres, alors même qu'il sait qu'il va se faire prendre à un jeu relativement dangereux. La façon dont tu parle, dont tu agis. Sa voix est rauque. Mais il garde quand même un minimum de contrôle sur lui même. S'agit pas non plus de faire une énorme bourde. On peux aussi dire que t'a une façon de bouger très ... aguichante, quand tu veux. Et là, en l’occurrence, elle a l'air de vouloir le rendre fou.
Continue ainsi, petite et tu va te retrouver avec un fou furieux sur le dos.

Cineàd sait très bien ce qu'elle fait. À la précision. Avec l'intuition d'une machine programmée, d'un ordinateur à la place du cerveau, elle a étudié toutes les possibilités. Tous les enjeux. Son comportement la fait sourire de plus belle et sa queue se panache très légèrement. Elle reste subtile, frivole. Dans l'indécence, pourtant. Elle tourne juste la tête vers lui, toujours de dos. « Donc je te plais ? »

Elle ne semble pas se rendre compte du feu avec lequel elle joue. Des mois que Vadàsz n'a pas eu de contact physique avec autrui. Des mois qu'il s'oblige à rester loin de tout, afin de s'éviter un éventuel dérapage. Des mois qu'il n'a pas ressentis les bienfais du plaisir charnel. Et voir Cineàd se pavaner ainsi devant lui réveille son fort instinct de prédateur, de Chasseur. Il sourit. Cela se pourrait. Il n'a pas encore lâché. Il lui reste encore une parcelle de lucidité au fond des yeux, de son esprit. Si tu lâches maintenant, mon grand, elle aura gagné. Comme si c'était un jeu. Un comédie.
Et si, au final, ça l'était réellement ? Comme une partie de chasse, avec un délicieux met à savourer à l'arrivée. Ou une cruelle et cuisante frustration.

Bien sûr que c'est un jeu. Et bien sûr, qu'elle compte le gagner.
Elle se retourne prestement, drôlement gracieuse pour un cheval de sa corpulence, et lui fait presque les yeux doux. Ses lèvres se rapprochent des siennes, mais ne les touchent pas. « Tu me plais aussi.. » souffle-t-elle contre sa bouche, avant de se rapprocher encore, les laissant à présent s'effleurer. Le délice de la tentation. Un sourire effroyablement séducteur et manipulateur s'affiche sur ses lèvres tandis qu'elle se dérobe d'un seul coup, collant ses hanches au passage. « Mais un oiseau sauvage, ça doit d'abord s'attraper. »

L'ébène ronfle des naseaux. Elle ne l'a pas totalement envoûté. Ne bougeant pas face à son invitation, Vadàsz là laisse faire, immobile. C'est étrange de révéler ses attirances à la première rencontre, tu ne trouves pas ? Minaude le Chasseur, plus pour s'obliger à rester maître de lui même que pour avoir une réponse concrète de la part de l'oiseau de fer. Oiseau, qui ne tarde pas à lui échapper, tout en lui ouvrant une porte.
Que faire ? Céder au caprices, au pulsions, ou se contenter de jouer à un jeu qui, quoi qu'il arrive, ne sera satisfaisant que pour elle ? Et si l'oiseau se fait attraper, cela ne veux pas dire que le chasseur à gagné. L'un comme l'autre jouent un jeu dangereux. Car le corps et le cerveau de l'étalon bouillonnent à l'unisson, mais pas forcément sur les même raisons.

Le contact des hanche de Cineàd le rendent alors un peu plus nerveux, impatient. Il se rapproche, de quelques pas, faisant mine de la rejoindre. Il sait. Il sait qu'elle ne se laissera pas attraper, ni même happer par quelque désir ou envie que ce soit. Pourquoi le ferait-elle ? Ils ne se connaissent même pas. Elle aura tout, il n'aura rien.

« Je ne trouve pas. » répond-elle simplement avant de s'esquiver. De s'envoler. Elle ralentit, trottinant presque sur place. Il semble hésiter. Elle affiche un sourire plein d'évidence, et finalement, s'arrête à plusieurs mètres avant de se retourner vers lui, haussant les épaules. « Les esprits indécis, c'est pas ce qui me plait le plus, par contre. » fait-elle avec une mine légèrement déçue, avant de lui accorder un clin d'oeil malicieux.
On ne lui a appris qu'à voler, qu'à dérober. Du sang, une vie, une confiance. Peu importe. Il lui fallait prendre. Tout prendre et ne rien laisser. Alors oui. Elle a tout, et ils n'auront jamais rien.