► vie volcanique

Une heure. Trois heures. Six heures. Lyra ne comptait même plus le temps qu'elle passait sur cette plaine oubliée. Tout était carbonisé, et malgré la fraîcheur de la nuit, la chaleur continuait de remonter du sol. Mais Lyra ne lâchait rien : elle continuait de gratter le sol, espérant trouver un brin d'herbe.

Njörd arpentait ces lieux volcaniques et détruits. Détruits comme son coeur brisé. Et pourtant... Lui qui prévoyait partir était resté attaché, comme enchaîné ici. Il ne pouvait pas, ne voulait pas laisser les siens ici, le sens de la loyauté lui restait collé à la peau. Alors, il devait survivre. Ou vivre, il ne sait plus.

Pour être honnête, Lyra ignorait la présence de l'étalon. Trop concentrée à chercher de la nourriture, la douce demoiselle continuait son expédition, ne faisant pas gaffe où elle mettait les pieds.

Et bien qu'il était près d'elle, il n'avait pas sentit sa présence, jusqu'à ce que, non seulement l'odeur féminine de la jument, mais aussi celle de ses chaleurs ne parviennent à ses naseaux. Il tourna faiblement la tête vers elle, l'observa, puis passa son chemin. Fermé au monde, me direz-vous.

Rien, rien et.. toujours rien. Lyra frappa d'agacement le sol de son antérieur, soulevant un peu de poussière. Décidément, elle n'était pas vraiment futée pour trouver de quoi se mettre sous la dent. C'est en balayant les environs de ses yeux ambrés, qu'elle réussit à apercevoir l'ombre d'une silhouette dans ce vaste terrain accaparé par la mort. De nature avenante, c'est naturellement qu'elle partit à sa rencontre. Eh ! l'interpella-t-elle. J'ai déjà fouillé ici, désolé mais.. y a rien.

Le Njörd d'avant l'aurait salué et se serait poliment présenté. Mais plus celui d'aujourd'hui. Il a changé, il est devenu distant, plus mystérieux. Il parle peu, ne sourit presque plus. Il tourna la tête presque à contre-coeur vers elle lorsqu'elle l'interpella. Ah. Bonne chance pour tes recherches. Et il reprend son chemin.

Mais il était déjà trop tard lorsque Lyra capta une lueur étrange sur le visage de celui qui ne lui adressa que quelques mots, avant de repartir. Un peu bête sur le moment, elle ne bougea pas, ses oreilles suivant l'étalon noir. Et c'est tout naturellement.. qu'elle le rattrapa, marchant perpendiculairement à lui. Est-ce que ça va ? Elle se pinça les lèvres, gênée. Enfin, je veux dire.. vous cherchez quelque chose ?

L'étalon lâcha un petit soupir en la voyant le suivre. Pourquoi les gens ne pouvaient-ils pas tout simplement le laisser tranquille, le laisser dans sa solitude ? Parce que tu sens la noirceur, la tristesse et la douleur, mon grand. Il y a bien longtemps que j'ai cessé de chercher. répondit-il évasivement, vaguement. Il y a bien longtemps qu'il ne cherchait plus les disparus de sa famille. Parce qu'il avait fini par se faire une raison. Ils étaient sans doute morts.

Lyra ne répondit pas. Il ne fallait pas être le plus grand cerveau du monde pour comprendre la signification de cette phrase. Son coeur se serra, ressentant cette douleur que l'étalon laissait échappé. Ils étaient tous si.. brisés. Tout les anciens. Malgré tout, Lyra garda son sourire. Son sourire pétillant de vie et de douceur, Peut-être réussira-t-elle à changer quelque chose. Même si elle en doute. Mais elle ne lâche rien. Je suis un peu perdue. Commença-t-elle pour changer de sujet, et ne pas s'enfoncer dans une discutions qui pourra être douloureuse. Vous êtes d'ici ?

Il baissa le regard face à son joli sourire. Si pétillante, si pleine de joie... Elle contrastait beaucoup avec lui. Sa voix douce ne le surprit pas, mais il fut bien reconnaissant qu'elle ne s'aventure pas dans un sujet douloureux. Oui. Une réponse claire, simple et précise.

Même si il ne faisait pas de longues phrases constructives, au moins, il lui répondait. C'était un petit début qui égaya de nouveau le sourire de la grise, prenant finalement place à ses côtés, sans pour autant empiéter son espace vital. Je connais pas trop le coin. Elle le lâcha un peu du regard pour ne pas paraître insistante ou.. folle. Je m'appelle Lyra. Et vous ?

Décidément, elle ne le laissera pas tranquille. D'un côté, c'est peut-être ce dont il a besoin, un peu de compagnie. Au moins, ça lui change les idées. Si vous cherchez un guide, vous aurez de la difficulté à en trouver. Les terres ont trop changé. Il faisait des efforts pour parler. Il braqua son regard droit devant lui lorsqu'elle se rapprocha, pas dérangé par sa proximité, juste mal à l'aise. Parce qu'elle était une jument en chaleurs et lui un étalon. Il avait peur de déraper. Njörd.

Je m'en doute. Elle haussa les épaules. Ce n'était pas vraiment le plus important en ces temps difficiles. Ce n'est pas un problème, pour l'instant vous êtes là, donc je ne pense pas me perdre. Enfin.. j'espère ! rétorqua-t-elle pour le taquiner à peine. A l'énoncer de son nom, Lyra hocha la tête, souriante, n'ajoutant rien à ce sujet. Il osa dire son nom, était-ce peut-être un bon début ? Du moins, c'est ce qu'elle pensait. Une petite éruption sortant du sol un peu plus loin sortit la jument de ses pensées, qui reposa ses pépites sur le visage du noir. Et vous connaissez un endroit un peu à l'abri pas loin, pour la nuit ? J'ai pas envie de finir en merguez

Et peut-être avait-elle raison de penser que la situation s'améliorait. Parce qu'il n'aurait normalement pas dit son nom. Et aussi parce qu'au fond, il avait besoin de parler un peu, de se distraire. Pour combien de temps suis-je encore là seulement... murmura-t-il tout bas, plus pour lui même, comme une pensée à voix haute. Il secoua sa crinière pour dissiper son malaise. Le coin de ses lèvres se rehaussent très légèrement, presque imperceptiblement face à son entrain. Commencez déjà par vous éloigner des trous où il y a des risques de petites éruptions. dit-il.

Lyra fit mine de ne pas écouter. Même si aucun mot ne fut clair à ses oreilles, il avait bel et bien murmuré. Ou peut-être était-ce son imagination ? Dans tout les cas, elle n'ajouta rien de plus. Lorsqu'il parla de ces fameux trous, et prise au dépourvue, la grise se décala. Un peu trop vite, sûrement, qu'elle finit le cul parterre. Si elle aurait voulu le faire exprès pour faire la pitre, elle aurait pas réussi. Les yeux ronds de surprise, elle laissa échapper un éclat de rire naturel.