▴ l'air du vent

Bailey marchait au bord de l'eau, le vent marin s'étant levé un peu, emmêlant ses crins ébènes. Elle ne savait pas trop où était passée Idunn, mais elle savait sa fille raisonnable et voulait lui faire confiance, la laisser découvrir la vie en espérant qu'elle ne prenne pas de risques inconsidérés. Elle ferme les yeux, l'air parcourt son visage et lui arrache un sourire. Sans qu'elle ne rouvre les paupières, ses jambes commencent à accélérer l'allure, jusqu'à ce qu'elle se mette à parcourir la plage au galop, cette sensation de liberté vivifiante l’enivrant.

Elle se laisse complètement aller à son euphorie passagère, sautant par dessus un tronc sans doute amené par la mer avec légèreté et délicatesse, et lorsque ses sabots se reposent au sol, ses postérieurs décollent, balançant de joyeux coups de cul. Elle s'immobilise enfin quelques mètres plus loin, pilant brusquement, créant un nuage de poussière autour d'elle. Elle n'a pas remarqué qu'elle est observée.

Une silhouette déboule d'une dune, sans l'approcher, au contraire même, la contournant largement pour s'arrêter un peu plus loin. Sans doute l'a t-elle reconnu à l'instant où ses yeux se sont posés sur lui, mais elle préfère se dire que c'est son attitude peu avenante envers elle qui l'aura fait tiqué. Elle lève les yeux au ciel, exaspérée et finit par pincer ses naseaux en le fusillant du regard. Elle ne le comprenait pas, ne le comprenait plus. N'était-il pas heureux avec Myosotis ? Pourquoi semblait-il toujours lui en vouloir ? N'en pouvant plus de cette lourdeur qui pesait entre eux, et refusant de lui accorder le droit de lui gâcher ce moment, elle lui fonce délibérément droit dessus, percutant son épaule de la sienne. Et elle recommence, une succession de petites frappes pour le faire reculer, pour extérioriser sa propre frustration. C'est ça que tu veux ?! Qu'on se batte ? Qu'on se heurte sans cesse l'un à l'autre ? lui crie t-elle à moitié dessus.

Il ne réplique pas. Pas une seule seconde, et lorsque sa voix résonne à ses oreilles, elle s'arrête et relève les yeux vers lui. Je … Quoi ? Elle fronce ses sourcils, exaspérée, ne sachant réellement pas sur quel sabot danser avec lui. Elle lâche un cri rageur et plaque ses oreilles contre sa nuque en s'éloignant de quelques pas. Elle s'arrête néanmoins en chemin et pivote pour lui faire face. Merde Sueño, merde ! lâche t-elle, furieuse. Mais une fois tout ça sorti, son regard flamboyant posé sur lui, ses traits finissent par se dérider, ses muscles se détendent, son souffle s'apaise. Bee soupire.Je sais jamais si tu seras toi, le Sueño que j'ai connu, drôle, charmant, malicieux. Ou l'autre, celui qui me regarde avec rancœur et rage.
Je sais pas ce qu'il faut que je fasse. dévoile t-elle, désarmée et lasse de cette situation.

Il avance vers elle, et elle recule, méfiante. Il ne lui avait jamais porté atteinte physiquement, mais plusieurs fois ses mots l'avait blessé et elle voulait lui faire comprendre qu'il ne pouvait pas agir ainsi avec elle, comme une girouette. Son ton semble calme, sans fureur, mais Bailey ressent tout de même la sensation d'être un monstre. Ne me jette pas la pierre quand tu as toi même eut deux enfants Sueño sans qu'on ait pu s'expliquer avant. commence t-elle en redressant l'encolure, pour ne pas flancher, pour ne pas faiblir face à lui. J'étais totalement perdue, accablée par les remords à cause des galeries. J'avais peur de te détruire en te faisant des promesses qu'à l'époque j'étais incertaine de tenir ou de t'entrainer avec moi dans ma chute. Ses yeux cherchent les siens. J'ai tourné le dos à mon propre peuple, j'ai ... J'ai pas su gérer la culpabilité. Depuis toujours on attend des choses de moi, et Aaren, il attendait rien. J'ai juste lâché prise. Elle n'avait pas honte d'avoir couché avec l'isabelle, encore moins d'avoir eut Idunn avec lui, même si on était loin de l'idée qu'elle s'était toujours faite pour l'arrivée d'un enfant dans sa vie. Des regrets, elle en avait, beaucoup trop, mais sa fille, jamais elle ne la regretterait. Mais pourquoi t'as réagi ainsi devant Myosotis l'autre jour ? Je sais, je t'ai blessé et j'en suis désolée Sueño, mais tu as une famille maintenant, avec elle. Alors quoi ? Ses yeux de biche cherchent une réponse dans les siens, sans s'apercevoir qu'elle s'était inconsciemment rapproché de l'ibérique.

A mesure que les mots sortent de sa bouche, ses sourcils se froncent de plus en plus. Alors comme ça c'est MA faute si tu as eut deux enfants ? s'exclame t-elle avec stupeur. Tu te fous de moi Sueño ? C'est à toi de contrôler ce que tu as entre les cuisses ! Et puis qu'est ce que ça change maintenant ? Tu as eut une fille avec Myosotis et tu l'aimes non ? insiste t-elle encore. Ses oreilles basculent vers l'arrière, son regard toujours autant flamboyant de colère et d'incompréhension. Aaren est le père de ma fille, tu penses ce que tu veux de lui mais j'ai pas envie de le savoir. Elle était persuadée qu'il était quelqu'un de bien, il fallait juste se donner la peine de gratter un peu la surface. Et encore ce mot fragile dans ta bouche ! Je ne t'ai jamais pensé fragile, et je t'ai même poussé à ne pas le penser de toi ! Elle lève les yeux au ciel et laisse échapper un petit grognement rageur. Se sortiraient-ils un jour de cette boucle qui semblait se répéter sans cesse ?
Et puis, le couperet tombe, les mots s'affaissent sur ses épaules comme un poids supplémentaire. Ses yeux retombent lentement jusqu'aux siens, la mine décontenancée, prise de cours. Ses yeux se perdent dans les siens, partagée entre ce qui semblait être un millier de sentiments. Pourquoi ne parvenait-elle pas à lui dire une bonne fois pour toute qu'elle ne l'aimait pas, pour qu'il l'oublie ainsi définitivement ? Certainement parce que cela reviendrait à mentir, et qu'elle n'avait jamais su le faire. Mais tu as Mysotis, j'ai Boa ... souffle t-elle. Sueño était un amour impossible, un amour inaccessible, sans qu'elle ne comprenne ni pourquoi ni comment elle en était venue à faire de lui cela, alors que peut être que dès le départ elle aurait du s'abandonner dans ses bras. Elle avait toujours cette peur viscérale de lui faire du mal, alors qu'elle ne cessait de lui en faire. On peut pas, je peux pas ... Sa voix n'est qu'un murmure.

Chaque fois qu'il s'éloignait ainsi d'elle, qu'il se détournait d'elle, il semblait emporter avec lui une partie d'elle et Bee détestait ça, cette chose qui les liait sans qu'elle n'ait aucun contrôle dessus. Et malgré tout le mal qu'il avait pu lui faire, de part son attitude ou ses mots, elle le retient et ses yeux sombres cherchent les siens. Quoi ? Qu'est ce que tu racontes, qu'est ce qu'il se passe ?