souffle glacé ∆ P

Il n'y avait plus personne, enfin. Quelques jours plus tard, l'ombre fantomatique survole la banquise pour venir se recueillir près de la sculpture.

Plum observe longuement la statue de Löv, presque sans tristesse, mais avec beaucoup de regrets. Et de haine. Elle m'a fait penser à toi. Sur ses mots, la grande noire vient déposer doucement une iris noir de Jordanie au pied de la sculpture, sans laisser paraître une seule émotion. Et dire que tu as été la meilleure.. Mais aussi la pire. Lyv prend une profonde inspiration, le froid glacial griffant avec douleur l'intérieur de ses voies respiratoires. Mais la rage qui bouillonnait en elle faisait rapidement disparaître cette sensation. Elle préfère alors se coucher sur la banquise, laissant ses pulsions s'éteindre à petit feu.
Des pulsions qui pourront rapidement faire place à de la violence. Elle se sentait tellement trahie. Pour tout. Pour sa relation avec son père, mais ce n'était qu'un détaille. Et surtout pour cette mort. Tu n'es vraiment qu'une.. connasse. Elle avait osé l'abandonner. Lövojka qui, par sa seule présence, faisait en sorte que le fantôme qu'elle était se sente vivant peu à peu. Même s'il n'y avait que les ténèbres entres elle, un feu dévastateur, c'était être vivant. La voie de la guérison. Et puis, elle est morte.
Malgré toute cette haine, elle ose sourire.

C'était si calme, si silencieux. Une atmosphère pesante.. mais reposante pour le spectre qu'elle est. Jusqu'au moment où une petite chose limite ridicule sorte de derrière la statue de sa défunte amie. Sans attendre la jument noire se lève, quittant le toucher de la glace, surplombant de toute sa hauteur le poulain ; elle pourrait le tuer en une fraction de seconde.. jusqu'à ce qu'elle le reconnaisse. Lyv ne lui répond pas et se contente de sourire - un sourire étrange sur son visage qui n'a pas l'habitude. Elle lève ses yeux abyssales vers la statue. C'est ton mioche ? Évidemment, elle ne s'attendait pas à une réponse. Elle se reconcentre sur le poulain devant elle, admirant les éclairs allumer ses petits yeux. Dis moi. T'es son fils, ok. Mais ton père c'est ? Au fond, elle se doutait de la réponse. Mais préfère l'entendre de vive voix, même si ça va la frapper de plein fouet.

Ses oreilles viennent caresser sa nuque lorsqu'il lui répond enfin. Même si cette réponse était évidente, même si elle s'en doutait, elle a pour effet de transpercer le peu d'âme qui lui reste, tandis qu'un profond soupire s'échappe de sa bouche. Était-il voulu, ou comme elle, un enfant accident ? T'es mon Demi-frère alors. dit-elle la voix rauque, dur à dire, dardant ses yeux sombres dans le regard du poulain. Elle y voyait le même incendie qu'elle pouvait voir dans ceux de sa mère.

Plum ressent, partage la même émotion qui semble le consumer de l'intérieur. Tout ces frères et ces soeurs qui poussent un peu de partout comme des pokémons. Sans compter cette famille, les Tsöldur ? Tsouldr ? Peu importe. On l'a laissé pour morte bébé, ce n'est pas aujourd'hui qu'elle va tomber dans leurs bras. Ce n'est pas ma mère. dit-elle pour clarifier les choses après qu'il se soit adressé à la statue. Par contre, on peut faire comme si on était pas frère et soeur. après tout, qu'est-ce que ça change ? De partager un même lien de sang ? Si ce n'est de pas pouvoir goûter aux plaisirs de la chair.

Une soeur ? Encore ? Plum laisse un long soupire bruyant s'échapper de sa bouche, agacée par cette famille nombreuse. Bientôt, ils nageront tous dans un océan de consanguinité ! Elle aurait tant voulu pouvoir renier son sang, cette chose qu'ils appellent Tsöldur. T'es qu'un poulain, pourquoi souhaiter ta mort ? à ses mots, elle baisse sa grosse tête jusqu'à lui, analysant son petit corps de plus près. Il n'avait rien d'un prédateur pourtant.

Plum s'immobilise aux paroles du poulain. Lui, tuer la grande Lövojka ? La frisonne redresse son encolure et ne peut s'empêcher de partir à rire. Un rire vraiment sincère, et rare. Toi.. elle reprend son souffle. .. tuer Lov ? la jument noire roule des yeux ; décidément, elle en entend des belles tout les jours.

Il avait le don pour casser l'ambiance. Mais pourquoi lui en vouloir après tout. Elle s'arrête doucement de rire, reposant ses deux yeux abyssaux sur la statut d'une amie, qu'elle aurait bien voulu connaître d'avantage. Tu veux qu'on s'entraine ? demande-t-elle à tout hasard, même si elle se doute qu'avec cette famille il doit être bien protégé. Et même si ce n'est pas une grande guerrière, elle peut lui apprendre l'esquive.