Ice and Fire ▬ H

Ça fait bien longtemps qu'Hirondelle ne s'est pas aventurée dans la jungle. La dernière fois qu'elle est venue jusqu'à la carcasse du monstre de métal, c'était lorsqu'elle était encore une enfant. Et la dernière fois qu'elle était venue dans la jungle, c'était lorsqu'elle était adolescente. Elle y avait rencontré Plum, sa tante. Enfin... Sa tante par alliance, si on peut dire ça. Parce qu'en réalité, elles ne partageaient pas le même sang. Elles étaient simplement liées par des liens familiaux, via Snow.
Le pas de la jeune adulte est assuré. Elle sait où elle va, aucun doute là-dessus. Elle grimpe sans peine sur l'aile de l'avion et traverse le précipice d'une traite. Et la voilà qui disparaît aussitôt dans le ventre de l'appareil couvert de rouille.

Si elle est venue ici, c'est parce qu'elle est certaine que l'avion regorge de mystères à élucider. Alors, forcément, elle s'attendait à y trouver des choses étranges. Elle est malgré tout surprise de tomber nez à nez avec un vieux mâle aux manières un peu rustres. Du moins au premier abord. Et face à lui, Hirondelle ne perd nullement son audace.
- Ta souveraine, répond-elle avec panache.
Et malgré son air sérieux, elle ne l'est pas réellement. Et d'ailleurs, elle s'attend déjà à ce qu'il prenne la mouche et cherche à la faire redescendre sur terre car trop offusqué de voir une gamine sans réel titre prétendre à un tel grade.

Le visage de l'inconnu passe par tant d'émotions différentes qu'Hirondelle en est surprise. Alors ça, elle n'avait jamais vu. C'est étrange. On dirait un fou tout droit sorti d'un hôpital psychiatrique. Et aussi étrange que ça puisse paraître, ça l'intrigue plus que ça ne la dérange. Dans tous les cas, elle ne se vexe pas et ne se démonte pas non plus face à l'attitude ouvertement moqueuse du mâle.
- Mais de rien, répond-elle simplement en le contournant pour rejoindre le fond de l'avion.
Elle se souvient encore de sa dernière visite ici. Comme si c'était hier. Le serpent, l'étalon blue roan qui l'avait sauvée de son imprudence... Et cette immense malle, possédant toutes les richesses d'un monde qui lui est inconnu.

Hirondelle est observatrice. Elle a d'ailleurs cette fâcheuse manie de tout analyser autour d'elle. Si bien qu'elle n'est pas surprise d'entendre les pas de l'étalon, juste derrière elle. Lorsqu'il arrive à ses côtés, elle s'écarte légèrement. Elle n'aime pas cette proximité. Et même s'il n'a pas l'air méchant, elle se méfie de lui.
Ses paroles lui hérissent presque l'échine. Elle, choisir cet effroyable tas de métal rouillé comme demeure royale ?
- Tu me sous-estime là. J'ai bien plus d'ambition, répond-elle en levant les yeux au ciel, désabusée.
Et malgré l'exagération dont elle fait preuve, il y a un fond de vérité dans ce qu'elle vient de dire. Parce que de l'ambition, elle en a réellement. Et sans doute qu'il la sous-estime réellement. Mais peu importe... C'est son problème. Hirondelle n'a même pas envie de s'attarder sur ce genre de futilités. D'un geste habile elle saisit un foulard de soie entre ses dents qu'elle pose sur l'encolure de l'isabelle.
- Ca te rendrais presque élégant, déclare-t-elle ensuite, l'air espiègle.

Hirondelle ne prend même pas la peine de réagir à la remarque enfantine du mâle. Déjà parce qu'elle trouve ça futile et inintéressant mais aussi parce qu'elle est loin de trouver ça vexant. Elle est simplement pas d'accord avec lui. L'avion est intéressant mais très loin d'être un endroit digne d'elle. Pas assez de charme.
- Je n'aime pas le désert. C'est fade, répond-elle avec lassitude.
Et puis elle se souvient que trop bien de sa mésaventure avec les cactus. Cet endroit est tout sauf plaisant. D'autant plus que c'est laid et qu'il y fait trop chaud.
Le foulard écarlate ne fait finalement que glisser sur la peau de l'étalon. Hirondelle le repose alors dans la malle. Il a raison. La soie est bien trop délicate pour lui. Il n'est pas digne d'un tel joyau. Un léger rire lui échappe lorsqu'il déclare être élégant naturellement. Elle n'en croit pas un mot mais elle est assez bien lunée pour ne pas se comporter comme l'insupportable gamine qu'elle est. Elle se contente d'ailleurs de fouiller la malle à la recherche d'un autre objet. Parce que malgré l'air faussement décontracté qu'il affiche, elle a bien remarqué le malaise qui l'étreint depuis le foulard.
Joueuse, Hirondelle lui balance donc un manteau de fourrure et attend sa réaction avec impatience.

Hirondelle est surprise de le voir attraper le manteau au vol. C'est qu'il semble encore avoir de bons reflexes malgré son âge avancé . Le regard de la Nayati glisse jusqu'au vêtement qui se trouve maintenant à ses pieds avant de remonter sur l'isabelle.
- J'suis styliste à mes heures perdues et comme j'ai remarqué que tu avais grandement besoin d'un relooking pour enfin ressembler à quelque chose, je me dévoue pour tenter d'embellir l'animal que tu es, rétorque-t-elle en lui servant un grand sourire.
Autant dire qu'un manteau de fourrure lui sied à merveille. Surtout dans ces magnifiques tons bruns foncés.
- Comment ça un beau messssss... Commence-t-elle avant d'être interrompue par le geste du mâle qui effleure son poitrail avec la douce fourrure.
C'est à peine visible mais son poil s'est hérissé sur certaines parties de son corps. Elle déteste ça mais elle fait comme si de rien n'était et reprend rapidement le contrôle de la situation. Elle se rapproche de l'étalon avec assurance.
- Ici c'est peu fréquenté. C'est pour cette raison que j'y viens, répond-elle finalement.
Et elle n'a pas envie qu'il s'amuse à décorer sa maison de secours.

Le geste de l'étalon est sans équivoque ; il meurt d'envie de planter ses crocs dans sa gorge. Pourtant, ce n'est pas la peur qui s'empare d'Hirondelle au moment où les naseaux de l'isabelle s'arrêtent sous sa ganache, si proche de sa jugulaire qu'elle peut sentir son souffle rauque s'y déposer. La menace qu'il formule derrière ne l'inquiète pas non plus. Les menaces ne l'ont jamais effrayée ni déstabilisée. Au contraire, elles lui ont toujours donné envie de franchir les limites. Sauf peut-être avec son père, parce qu'il était la seule personne qu'elle respectait assez pour se tenir un peu près sage. Toujours aussi placide, elle le laisse s'éloigner sans rien dire. Pour elle, répondre à sa menace serait une preuve d'infériorité. De faiblesse.
- Toute reine a besoin de son havre de paix, déclare-t-elle finalement, après avoir marqué un petit temps de silence.
Elle n'est pas reine officiellement, certes. Ce n'est pourtant qu'un détail. Après tout, elle est la princesse de l'île. Elle pourrait succéder à Boréale et Faucon, un jour. Peut-être. Bien qu'elle soit illégitime. Après tout, elle a bien été adoptée par Boréale alors qu'elle avait à peine une semaine de vie.
- Cerf, bison ou caribou qu'importe. De toutes manières sa peau n'est qu'un vestige du passé. Comme tout ce qui se trouve ici d'ailleurs, rétorque-t-elle, peu intéressée par les explications du mâle.
- Est-ce réellement important de savoir comment on retire sa peau à un animal ? S'interroge la chocolatée sans cacher sa lassitude.

Comment pourrait-elle craindre la mort alors qu'elle l'a déjà si souvent côtoyée et en si peu de temps en plus de ça ? Sa vie toute entière semble tourner autour de la mort. A commencer par sa naissance puisqu'elle est morte... Et revenue à la vie ce jour même. Sans parler de la mort prématurée de sa mère qui semblait elle-même déjà bien attirée par la mort d'ailleurs. Et pour finir, l'apprentissage qu'elle suivait avec son père. Peut-être est-elle née dans ce but ; servir la grande Faucheuse.
- Tu as un train de retard. Ca fait déjà un petit moment que je visite leurs terres pour les espionner , répond-elle sans perdre son aplomb.
Elle n'est plus une gamine qu'on impressionne avec des histoires ridicules de montres assoiffés de sang. Et plus on lui dira de ne pas faire quelque chose et plus elle le fera. Pour elle, les interdits ne servaient à rien hormis à lui donner envie de les braver. A ses risques et périls.
- Et peut-être bien que je suis stupide. Ou insouciante. P't'être même les deux d'un coup. Qu'importe. Je me fiche de ce que pensent les autres.
Et elle s'en fiche aussi qu'ils l'apprécient ou non. Elle n'a besoin de personne pour vivre et être heureuse. Après avoir jeté un rapide coup d'œil à l'extérieur, Hirondelle retourne vers le fond de l'avion et fouille de nouveau la malle. Elle est certaine d'y avoir laissé quelques fruits la dernière fois qu'elle est venue ici. Et normalement il y a aussi une vieille corde qu'elle a récupéré non loin du campement des Indiens. Elle ferait bien de la ramener sur l'île pour la montrer à son père. Ca leur donnera peut-être une idée d'où se trouve Boréale.